• Depuis des semaines, Dr Hammouda était relégué au dernier rang lors des réunions présidées par Mekki
• Les vrais héros sont les soldats de « l’armée blanche », les hommes de l’Armée nationale et des services de sécurité
• Désormais, on ne voit que le « super-ministre » de la Santé sillonner sans répit les plateaux radiotélévisés
La soirée du samedi 11 avril 2020 a été marquée par l’information relayée aussi bien par les médias que par les réseaux sociaux, en l’occurrence le « limogeage » de Chokri Hammouda et que certains n’osaient pas croire.
Mais voilà que le ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, en personne qui confirme l’info et y apporte sa justification, tard dans la soirée dans un statut rendu public sur sa page officielle Facebook. En effet, le ministre affirme qu’il ne l’a pas limogé, mais il l’a promu au grade de directeur général de l’Instance nationale de l’Evaluation, de l’Assurance-Qualité et de l’Accréditation, alors qu’il était directeur général des soins de santé de base tout en étant chargé de la direction de la santé de base par intérim.
M. Mekki précise, encore dans son statut, qu’il a consulté l’intéressé et l’a informé de sa décision dont il était satisfait.
Plus encore, il dit que si Dr Hammouda n’était pas satisfait, il était prêt à le réintégrer à son poste initial. Cette indication est vraiment bizarre dans le sens où M. Mekki considère qu’on peut signer une décision l’après-midi et la réviser quelques heures plus tard. Est-ce digne d’une ministre qui se respecte ?!
S’agit-il de la vérité ? Les observateurs en doutent dans la mesure où ils ont constaté la relégation au dernier rang de Dr Hammouda autour de la table, lors des réunions présidées par Mekki, et ce depuis quelques semaines, sans oublier qu’il n’est plus présent aux points de presse ni sur les plateaux radiotélévisés.
En tout état de cause, notre ministre de la Santé semble prendre goût à son rang de « vedette et de « star » des médias, notamment ceux audiovisuels, bien entendu, au point qu’on le voit en conférence de presse avant de le revoir dans une interview sur la chaîne publique d’Al Wataniya 1, sans parler de ses tournées des différents studios et autres plateaux d’El Hiwar, d’Attessiâ, de Midi Show sur les ondes de Mosaïque, sur Express Fm, sur Shems, et on en passe…
Abdellatif Mekki semble prendre goût aux qualificatifs superlatifs dont l’affublent certains généreux dans la distribution des éloges. Héros national, par-ci, Superman par-là, l’homme qui baille parce qu’il ne dort pas assez, le guerrier, le super-chef, le super-compétent. Et par-dessus tout, il a su verser des larmes au bon moment en plein point de presse retransmis en direct par la plupart des médias. Riens que cet épisode lui a valu le titre de héros national
D’ailleurs, les larmes en direct sont devenus une tendance pour que leur auteur soit traité d’hyper compétent ! Pourtant et franchement, on aimerait bien qu’on nous cite une ou deux actions sortant de l’ordinaire effectuées par le ministre de la Santé ! Au contraire, nombreux sont les journalistes qui lui demandent de s’occuper des ses véritables prérogatives que de passer son temps à sauter d’un plateau à un autre.
D’ailleurs, une fois, il s’est trahi en disant : « J’ai fait exprès de venir voir les journalistes en « dossard » pour qu’on sache que je suis sur un terrain de combat. Autrement dit, le port dudit dossard était calculé et mûrement réfléchi pour qu’on dise, par la suite, «Mekki est en guerre et se trouve en tenue de combat sur le champ de bataille… »
Allons donc, les vrais héros sont les soldats de « l’armée blanche » qui travaillent jour et nuit et s’exposent continuellement à des risques réels et à des dangers potentiels au prix de leur vie… Les vrais héros sont les hommes de l’Armée nationale et des services de sécurité qui sillonnent le pays en long et en large risquant leurs vies, aussi, pour que les citoyens se sentent protégés et en sécurité.
Ces vrais soldats ne demandent ni tapage, ni «
m’as-tu vu » et subissent, parfois, les critiques en cas d’erreur ou de dérapage. Mais notre « super-ministre » n’admet aucune critique car il a peur pour son image de marque.
Le journaliste de la radio nationale, Khalifa Chouchane, a été la cible d’une campagne haineuse d’insultes et de dénigrement pour avoir osé critiquer le désormais « intouchable » Abdellatif Mekki en lui rappelant la nécessité de respecter les règles de prévention qu’on prône près des gens, comme le port du masque ou le respect de la distanciation sociale. Le « comble » c’est qu’il a osé franchir le mur du son en jouant subtilement sur les mots, à savoir que « le Coronavirus n’est pas sensible aux larmes… »
Qu’à cela ne tienne, le ministre, apparemment absorbé par ses activités a eu le temps de capter cette déclaration sur les ondes de la Radio nationale, ce qui l’a conduit à « suspendre net toutes ses activités et à téléphoner à la Radio.
Réclamant un droit de réponse, il est parti en colère contre le journaliste en le fustigeant et en le jugeant inapte pour critiquer les mesures prises. D’ailleurs, c’est après cette intervention musclée du «super ministre » que les « milices bleues »se sont lâchées en rangs serrés pour attaquer et diffamer le « pauvre » journaliste.
Aux aguets, comme à son habitude, le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a condamné ce comportement de la part du ministre de la Santé « qui refuse qu’on le critique, sous prétexte que le pays est en guerre ». Le syndicat rappelle au ministre le rôle primordial joué par les médias et les journalistes, dans la lutte contre l’épidémie.
Et pour terminer, on ne critiquera jamais assez cette séance au cours de laquelle le ministre a mis tout le staff composé d’éminents professeurs et docteurs, auteurs déjà du Serment d’Hippocrate, devant le fait accompli pour faire un autre serment à référentiel religieux et répétant après lui, tels des gosses dans un « koutteb »ou encore tels des « papagayos », des mots venus d’une autre monde et d’une autre époque.
Noureddine HLAOUI