En cette journée de la liberté de la presse, on ne peut faire qu’un constat désolant de ce qui se passe en Tunisie. Les médias et les journalistes souffrent le martyre, surtout qu’on fait fi de leur rôle primordial, dans toute société démocratique. Le bilan de l’année en cours est très significatif et désolant, au niveau des infractions commises contre les journalistes.
Il s’agit de l’année la plus difficile pour les journalistes depuis cinq ans, selon le rapport du Syndicat national des journalistes tunisiens, a publié, ce mardi 3 mai 2022, un spot avec des témoignages de journalistes qui ont subi des dépassements de la part des autorités pour le simple fait d’avoir fait leur travail.
En une année, les journalistes tunisiens ont été victimes de 17 poursuites judiciaires, de 105 infractions relatives au droit à l’accès à l’information, 27 agressions physiques, 26 victimes d’incitations à la haine, 12 victimes de détention abusive, trois harcèlements sexuels, 20 agressions verbales et 64 agressions commises par les forces de l’ordre. Le SNJT a assuré que la liberté de la presse en Tunisie fait face à un péril imminent.
La Tunisie est placée désormais au 94e rang mondial dans le classement 2022 de la liberté de la presse. Elle a perdu 21 places par rapport au classement 2021 où elle occupait le 73 rang, dans le classement mondial de la liberté de la presse publié mardi par Reporters sans frontières (RSF) qui concerne 180 pays, la liberté de la presse et de l’information en Tunisie est jugée comme « un acquis incontestable de la révolution tunisienne ».
Le processus engagé en juillet 2021 par le président de la République Kaïs Saïed « fait craindre un recul de la liberté de la presse », estime RSF dans son rapport annuel, considérant que le dispositif régissant le secteur « reste incomplet et n’assure qu’une protection minimum aux journalistes et aux médias ».
« La justice tunisienne persiste à légiférer sur la base des textes hérités de l’ère Ben Ali, au lieu de s’appuyer sur les décrets lois plus favorables à la liberté de la presse et de l’information », ajoute le rapport.
La crise économique a fragilisé l’indépendance de nombreuses rédactions, dominées par des intérêts politiques ou économiques, et a mis à mal le pluralisme du paysage médiatique depuis la révolution de 2011, note RSF dans le même rapport.
« Les médias sont tributaires des annonceurs privés, dont une partie détient des parts dans leur capital et peuvent être proches du milieu politique », explique l’organisation pour qui ce contexte « menace l’indépendance éditoriale des rédactions ».
RSF évoque également dans son rapport les problèmes en lien avec les revenus publicitaires des médias en Tunisie qui dépendent de leur audience et dont « le calcul est peu encadré et fortement contesté ».
Le représentant de RSF pour l’Afrique du Nord a expliqué dans une déclaration à la presse qu’il y a « une restriction claire sur la ligne éditoriale des médias publics et sur certains médias privés. Il y a une plus grande facilité à arrêter des journalistes, à les mettre en garde à vue et même en prison, comme on l’a constaté ces derniers mois. C’est ce qui pourrait expliquer aussi le recul de la Tunisie », a-t-il encore constaté.
Il y a, encore, beaucoup à faire dans le domaine de la liberté de la presse, et la Tunisie doit veiller à considérer ce secteur comme vital pour aider le pays à sortir de la crise dans laquelle il se débat, parce qu’on ne peut rien faire sans une presse libre et responsable.
Faouzi SNOUSSI