TUNIS – UNIVERSNEWS (NAT – MS) – Le baccalauréat reste un des rares diplômes en Tunisie qui est pris au sérieux, qui mobilise tout le monde. Mais ce passage des épreuves du bac démotive beaucoup d’élèves. 7.000 candidats n’ont pas pris la peine de se déplacer pour passer les épreuves du baccalauréat l’année dernière, soit 5 % des 138.000 candidats inscrits. Cette année, lors du premier jour des examens du baccalauréat 2024 dans le gouvernorat de Médenine, 178 cas d’absence ont été enregistrés. A côté de ce fléau, un autre phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur, c’est la tricherie au bac où on a recensé cette année 1000 fraudeurs. Les explications de Ridha Zahrouni, Président de l’Association tunisienne des parents et des élèves
- UNIVERSNEWS : La fraude au bac est devenue un sujet d’actualité en Tunisie ?
Ridha Zahrouni : Le phénomène de fraude aux examens passionne de plus en plus l’opinion publique à l’occasion de chaque session de bac, et évidemment la session de l’année en cours ne fait pas exception. Un sujet qui se traite en long et en large au cours de la semaine du bac par tous les acteurs concernés, autorités, enseignants, parents, élèves, spécialistes et médias. C’est comme si l’intérêt du bac ne réside que dans ce sujet et qu’on devrait en parler à chaque session, alors que je pense que d’autres points doivent requérir autant notre passion, si non plus, comme la répartition des candidats par section, le pourcentage de présence le jour des examens, les taux d’inscription et de réussite au bac au sein de la même classe d’âge, les conditions de préparation aux examens, le niveau des épreuves, etc. Par curiosité, j’ai procédé à des recherches sur Google avec les mots Baccalauréat, Tunisie, 2024 -en arabe- et j’ai précisé comme période de recherche la semaine en cours. Des dizaines de titres sont apparus, tous ou presque contiennent le terme fraude. C’est le cas également des titres de nos journaux lorsqu’ils abordent le sujet du bac, et les débats et les interviews réalisées ne dérogent pas non plus à la règle.C’est dans la logique des choses qu’on bannisse les actes de fraude comme ceux de vol, encore plus lorsqu’il s’agit d’un des plus importants examens de la vie des individus et des sociétés, le baccalauréat, une étape marquante dans la construction des personnalités en termes de valeurs et des acquis intellectuels, scientifiques, culturels et professionnels. Notre responsabilité à tous, suivant le domaine d’action de chacun, est de lutter et de combattre toute tentative de fraude et de triche tous le long du processus scolaire de nos enfants, notamment lors des examens nationaux, le baccalauréat est bien évidemment à leur tête. Nous devrions utiliser divers outils, dissuasifs, réglementaires, disciplinaires, organisationnelles, électroniques, etc.
Il semblerait qu’un nombre de 378 cas de fraudes ont été déjoués au 4 -ème jour du baccalauréat, c’est-à-dire en deçà du chiffre annoncé à la même période au cours de la session de l’année dernière, 600 cas. Il est à rappeler que la session du bac de juin 2022 a enregistré plus de 1000 tentatives de fraudes mises en échec, et même s’il s’agit d’un seul cas, ça reste toujours un cas de trop.
- 7000 candidats inscrits ne se sont pas présentés aux centres des examens du bac l’année dernière. Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Il est vrai que d’après les statistiques du ministère de l’éducation relatives à la session du bac de l’année dernière, 7.000 candidats n’ont pas pris la peine de se déplacer pour passer les épreuves, soit 5 % des 138.000 candidats inscrits.Et si je parle de ses abstentionnistes, et indépendamment des avis des uns et des autres sur le sujet des fraudes, pour moi, le plus important reste l’engagement d’une réflexion sérieuse sur les vraies raisons qui poussent nos candidats à prendre un risque énorme en jouant leur avenir sur un coup de poker dont l’enjeu aurait des répercussions graves sur leur vie, tout en sachant que les chances de réussite restent très faibles pour ne pas dire impossible. Et également sur les raisons qui motivent ce taux assez important de candidats à tourner le dos au bac 13 années au moins de travail continus et acharnés, avec de lourds investissements, pour réussir cette échéance et devenir bachelier.
C’est pourquoi nos décideurs et ceux qui ont le destin de nos écoles en main doivent se poser une toute simple question à savoir qu’un candidat normalement constitué qui vit dans un environnement sain et rassuré sur ses chances de réussite à l’examen, bouderait-il son bac ou encore tricher? Pour moi, les exceptions servent toujours à confirmer les règles, mais je reste tout simplement convaincu que ce candidat ne choisirait jamais ces deux alternatives. Avec l’imminence des examens, une partie de nos jeunes se sentent dos au mur, impuissants devant un dernier défi majeur, désespérés et croyant qu’ils n’ont aucune chance de réussite, se trouvent ainsi poussés vers l’extrême. Soit, ils tentent l’interdit, et pour eux, même s’ils échouent, ils pensent qu’en réalité ils n’ont rien à perdre, ils sont sûrs qu’ils vont quitter les bancs des lycées à la fin de l’année. Soit, ils boycottent les examens, et ils économisent ainsi des efforts et dépenses dont ils croient gaspiller inutilement. C’est tout simplement la manifestation d’une réelle violence envers eux-mêmes en premier lieu, et d’un refus d’une réalité qui les prive de leurs droits, même si ça doit leur coûter très cher. Toutefois les vraies solutions pour remédier aux deux phénomènes évoqués, notamment l’abandon du processus juste à sa ligne d’arrivée que j’estime plus grave que les fraudes, consiste à rebâtir notre système éducatif en général, et notre école publique en particulier. Une école qui doit répondre aux critères de qualité et de gratuité et aux valeurs de justice sociale et d’égalité des chances. Une école qui doit être un vrai ascenseur social, comme on l’a toujours clamé, pour tous nos enfants en tout temps, et indépendant de leur situation sociale et géographique. La priorité des priorités doit être donnée à l’éducation destinée à des enfants en bas âges, c’est-à dire les phases préscolaires et primaires.