TUNIS – UNIVERSNEWS (NAT) – Les Evénements du 9 avril 1938 sont une date marquante dans l’Histoire de la Tunisie, au cours de laquelle les Tunisiens se sont révoltés contre le joug du colonialisme et ont exprimé leur colère, face à l’occupations. Les émeutes qui ont lieu à Tunis dans un contexte de manifestations populaires revendiquant des réformes politiques, notamment l’institution d’un parlement, considéré comme un pas majeur vers l’indépendance de la Tunisie encore sous protectorat français. Débordées par un mouvement spontané, les forces de police et l’armée d’occupation ne rétablissent le calme qu’au prix de nombreux morts chez les manifestants tunisiens. Pareils événements doivent être une leçon pour les générations actuelles et futures… pour commémorer les actes de courage et de bravoure de tout un peuple qui a dit assez à l’occupation.
Les premiers affrontements avaient eu lieu à Bizerte le 8 janvier 1938. Ce jour-là, une manifestation néo-destourienne avait voulu se rendre au contrôle civil de la ville pour protester contre l’expulsion vers l’Algérie du secrétaire de la cellule, Hassan Nouri. Débordés, les policiers tirent, tuant sept militants et en blessant une dizaine.
Habib Bourguiba entame alors, dès la fin du mois de janvier et jusqu’en mars, une tournée des cellules en Tunisie afin de mobiliser ses troupes en perspective d’une répression annoncée comme imminente. Il lance même des appels au refus de l’impôt et de la conscription et exhorte ses partisans à répondre à la répression par la résistance et l’agitation. Les étudiants de l’université Zitouna sont incités à faire grève, ce qui provoque le renvoi de 108 d’entre eux pour activités au sein du Néo-Destour, formation de comités estudiantins liés au Néo-Destour et associations illégales. Mais si les militants suivent leur chef aveuglément.
Rien n’avait été prévu pour le 9 avril. À 10 heures, une délégation conduite par Tahar Sfar qui avait rencontré le bey le 6 avril se présente au Dar El Bey pour recevoir sa réponse par la voix du grand vizir Hédi Lakhoua mais le souverain refuse de prendre position. À l’issue de la rencontre, Ali Dargouth se lance dans un discours appelant les contestataires à « continuer à nous réunir jusqu’à ce que nous obtenions satisfaction ». Ces derniers se dirigent vers la maison de Bourguiba pour y recevoir des instructions.
À 11 heures, El Matri est convoqué à la résidence générale où Guillon l’informe qu’il a décidé de s’opposer par tous les moyens à la manifestation du 10 avril en imposant l’état de siège si cela était nécessaire. El Matri se rend alors chez Bourguiba, malade et alité dans son domicile Rahbet El Ghanam pour le supplier d’annuler la manifestation.
À 11 heures 15, Belahouane est avisé, par un mandat de comparution, qu’il est convoqué à 15 heures pour être entendu par un juge d’instruction au sujet des propos tenus la veille. La nouvelle se répand rapidement et, lorsqu’il arrive au palais de justice, une foule de plusieurs centaines de personnes occupe les trottoirs du palais et les rues adjacentes. Dans le même temps, des attroupements se forment sur les places Bab Menara, Bab El Allouj et Bab Souika.
Pour permettre à la voiture cellulaire de se frayer un chemin jusqu’au palais, les agents chargent la foule à coups de matraques pendant que les manifestants répondent par des jets de pierre. Des coups de feu éclatent tirés par des policiers qui parviennent à dégager l’avenue Bab Bnet. Mais d’autres manifestants, perchés sur les pentes du cimetière situé derrière le palais de justice, lancent des pierres sur les voitures conduites par des Européens avant d’être délogés par les forces de l’ordre qui n’hésitent pas à recourir à leurs armes.
Des bagarres éclatent aussi à Bab El Allouj où les manifestants lapident les voitures qui passent et accueillent les forces de police par des jets de pierre. La place est à peine dégagée que l’émeute reprend à Mellassine. L’armée utilise alors des automitrailleuses pour venir à bout des émeutiers dans ces deux quartiers.
Mais les bagarres reprennent de plus belle à Bab Souika où des tramways sont attaqués et renversés. Un peloton d’agents de police à cheval renforcé par une section de zouaves intervient en faisant usage de ses armes mais il faut plusieurs charges pour venir à bout des manifestants qui ripostent en jetant des pierres et des pavés.
À 16 heures, la place de la Kasbah est envahie par une foule hurlante armée de gourdins, de matraques, de planches et de moellons. Les voitures qui passent sur le boulevard Bab Bnet sont lapidées, des pierres brisent les carreaux de la direction des Finances. Deux sections de zouaves interviennent pour dégager les manifestants qui occupent la place et le boulevard Bab Menara. Ils font usage de leurs armes pendant que les émeutiers se défendent à l’arme blanche. Il faut plusieurs charges et l’intervention des automitrailleuses pour que le calme revienne enfin vers 19 heures après quatre heures d’émeutes.
Le bilan est lourd : on relève 22 morts et près de 150 blessés, la majorité d’entre eux ayant entre 21 et 28 ans. Il y a même trois enfants de dix, douze et quinze ans, corroborant les rapports de police qui parlent de nombreux enfants parmi les émeutiers. L’état de siège est proclamé à 19 heures dans le contrôle civil de Tunis et à Sousse. Il est par la suite étendu à celui de Grombalia.
Le lendemain, Bourguiba et douze de ses camarades, dirigeants du parti, sont arrêtés. Tahar Sfar et Bahri Guiga, bien qu’appartenant à la tendance modérée, sont eux aussi arrêtés les 22 et 24 avril. Le Néo-Destour est dissout le 12 avril, ses locaux fermés, ses documents confisqués et la presse nationaliste suspendue. De nombreux militants sont arrêtés. Lorsque l’état de siège est levé en août 1938, ils sont 906 à être toujours détenus.