TUNIS – UNIVERSNEWS Tout a changé dans le pays. Plus rien déjà n’est comme avant. La plus grande fête religieuse et la plus importante pour toute la communauté musulmane est sortie de son contexte. Aujourd’hui, cette fête religieuse est considérée par les Tunisiens comme la plus grande casse tête, devant notamment le prix exorbitant des moutons et la dégradation du pouvoir d’achat des ménages tunisiens. Les prix oscillent entre 800 dinars et 2200 dinars voire plus. C’est exactement ce que gagnent les Tunisiens en salaires.
Selon une enquête de l’Institut National des Statistiques (INS) baptisée « Emploi et Salaires » et publiée en mars 2024, le salaire moyen en Tunisie n’a pas dépassé 924 dinars, soit environ deux fois le salaire minimum garanti (SMIG), qui est de 460 dinars. Or, le prix d’un mouton coûte aujourd’hui, deux fois le SMIG en Tunisie voire même trois fois, mettant ainsi les familles démunies et les ménages à revenu moyen dans l’impossibilité de fêter, comme habituellement, ce rituel religieux.
L’enquête a également révélé que le salaire moyen en Tunisie varie entre 1698 dinars pour les cadres et 658 dinars pour les ouvriers. Devant ce salaire, le plus simple et le plus sage aurait été de s’abstenir de sacrifier un mouton, ce qui n’est pas vraiment le cas en Tunisie où la majorité accepte de se ruiner et de mettre à sa charge une pression supplémentaire, surtout ceux à revenus modestes. Pour une famille de 4 ou 5 membres, il faut compter au moins 1300 pour acheter cet animal.
D’ailleurs, les gens qui se sont allés à la « Rahba » ont été très surpris par les prix. Des disputes se sont même déclenchées entre les vendeurs de moutons qui sont généralement des agriculteurs et des acheteurs potentiels. D’un côté, il ya un agriculteur qui voit que les prix sont acceptables et n’ont augmenté que légèrement par rapport à l’année dernière. Lui aussi, il se porte comme une victime. Il a expliqué cette flambée des prix par les changements climatiques, notamment la sécheresse, qui ont considérablement affecté la production de fourrage et font augmenter les coûts de l’alimentation animale. L’agriculteur a également expliqué que les éleveurs doivent acheter du fourrage et des aliments pour bétail à des prix élevés, ce qui se répercute sur le prix de vente des moutons, selon ses dires.
Outre les prix très élevés des aliments, il a évoqué les pressions inflationnistes, la hausse des prix des matières premières et l’absence d’une subvention de la part de l’Etat tunisien.
De l’autre côté, il ya un acheteur qui n’arrive pas à cacher sa colère vis-à-vis de l’agriculteur et non vis-à-vis du prix. La majorité s’interroge d’ailleurs sur ce que mangent vraiment les moutons pour être vendus à ce prix. La colère monte d’un cran chez les acheteurs après que les agriculteurs refusent de procéder à une réduction même de 20 ou de 30 dinars. Une des raisons d’ailleurs ayant poussé une majorité à abandonner cet espace dit « Rahba » et aller chercher dans d’autres coins. Actuellement, le marché le plus sollicité est la société Ellouhoum.
Dans une déclaration, ce lundi 10 juin 2024 à Univernews, le président de l’Organisation tunisienne d’orientation du consommateur (OTIC), Lotfi Riahi a déclaré que la réticence des Tunisiens à acheter des moutons de sacrifice demeure très fort et que de façon générale, une baisse d’environ 40% a été constatée dans les marchés de vente des moutons, expliquant cela par la montée en flèche des prix des moutons par rapport à l’année dernière. Et d’ajouter que cette année, les prix ont largement dépassé la capacité d’achat des ménages tunisiens.
Il a fait par ailleurs remarquer que contrairement à la « Rahba », une grande affluence a été constatée au siège de la société Ellouhoum à El Ouardia, félicitant ainsi la décision du ministère du Commerce d’introduire 4.000 moutons sur le marché à un prix de vente de 21,9 dinars le kilo, soit une différence allant jusqu’à 300 dinars entre le mouton vendu par la société Ellouhoum et celui dans les marchés aux moutons.