Tawfik BOURGOU*
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Depuis le funeste sommet des amis de la Syrie organisé par le provisoire Marzouki, le pays accumule les participations sans intérêt dans les sommets internationaux
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Le pays a perdu toutes ses alliances et ses voisins sont loin d’être ses amis et ses anciens amis se sont encore plus éloignés de la Tunisie
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Faire croire que l’on peut signer des accords politiques et sécuritaires en contrepartie d’un développement économique, c’est prendre le risque d’ajouter aux désillusions la vassalisation du pays
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Le voisinage toxique de la Tunisie est le troisième fléau, le plus dangereux qui va appuyer sur les faiblesses du pays pour l’enfoncer encore plus
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Le rôle de l’Algérie dans les vagues migratoires subsaharienne a été l’outil de démolition de l’image de la Tunisie et l’outil de sa vassalisation
TUNIS – UNIVERSNEWS – Une photo peut dire beaucoup de choses en diplomatie, pour peu qu’on prenne la peine de l’observer avec minutie et qu’on la relie aux évènements, aux actions et aux déclarations. En diplomatie tout est symbole dans ces moments, rien n’est fortuit.
C’était au moment où les participants se préparaient pour la photo souvenir au G7. Sans donner à cette photo plus de sens qu’elle ne devrait en avoir, on pourrait juste dire qu’elle résume et illustre la situation désormais très problématique de la Tunisie dans ses rapports avec ses voisins. Elle résume aussi et surtout le jeu malsain des voisins de la Tunisie sans oublier que les dirigeants tunisiens successifs ont joué (jouent toujours) avec le feu, ont effacé le pays de la scène internationale et compliqué durablement la vie de la population et des générations futures.
Depuis le funeste sommet des amis de la Syrie organisé par le provisoire Marzouki qui a fait entrer la Tunisie dans l’ère du terrorisme, des jeux des axes dangereux sous la férule du microscopique Qatar, le pays accumule les participations sans intérêt dans les sommets internationaux avec une régularité inquiétante. On peut dire que le pays a perdu toutes ses alliances. Ses voisins sont loin d’être ses amis et ses anciens amis se sont encore plus éloignés de la Tunisie. Le pays est devenu l’enjeu des discussions des autres et l’objets de rivalités. Les dirigeants successifs de La Tunisie ont importé des rivalités périphériques dans leur pays.
La Tunisie a écumé tous les points cardinaux de la diplomatie et des illusions diplomatiques. Après les illusions des BRICS, elle s’est engluée dans un africanisme d’où elle ne récolte qu’invasions migratoires, criminalités à el Amra avec l’assassinat (un de plus) d’un policier et problèmes avec l’Europe.
Récemment nous avons assisté à la mode tonitruante de la Chine. Mais au moment où les chinois envoient une délégation radiophonique en Tunisie, ils implantaient la plus grande usine de batteries en Afrique au Maroc. Tout est dit.
Les responsables tunisiens font fausse route depuis 2011. Tous sans exception aucune se sont bercés d’illusions et ont raconté un récit impossible à une population qui croit que les investissements et la coopération sont une sorte de récompense pour tout et notamment à l’occasion d’un changement d’axe, d’orientation ou de camp.
Croire cela est une illusion, le faire croire est un mensonge politique. Faire croire que l’on peut signer des accords politiques et sécuritaires en contrepartie d’un développement économique, c’est prendre le risque d’ajouter aux désillusions la vassalisation du pays.
Expliquons-nous.
Longtemps, la seule richesse de la Tunisie a été sa stabilité, sa sécurité, des frontières bien tenues et un climat des affaires stable et prévisible. De tout cela a découlé sa diplomatie qui a joué sa géographie d’abord. Depuis 2011, avec l’arrivée de l’islam politique aidé par les Etats-Unis, toutes les bases de l’attractivité économique de la Tunisie ont été détruites méthodiquement.
L’islam politique a été le premier fléau.
Les mafias qui ont prospéré sur le chaos politique, économique et sécuritaire sont le second fléau. Ces mafias se sont enracinées, elles ont entamé une mue en jouant sur le voisinage toxique du pays : contrebande d’abord, mafias locales relais de réseaux mafieux mondiaux, criminels dans le domaine de l’importation de populations étrangères, drogues et autres criminalités ont complété le tableau. En perdant le contrôle de ses frontières le pays s’est ouvert une boite de Pandore.
Le voisinage toxique de la Tunisie est le troisième fléau, le plus dangereux. C’est celui qui va appuyer sur les faiblesses du pays pour l’enfoncer encore plus et profiter en même temps de sa vassalisation. C’est le jeu de l’Algérie et des milices libyennes dans une moindre mesure. C’est aussi l’impact des récents choix qu’on peut considérer comme diplomatiquement « bizarres ».
Lors du G7 en Italie, la Tunisie a été effacée, quand la presse algérienne se « gargarise » avec un rôle régional de Tebboune. Il y a quelques semaines, un diplomate italien notait que la cheffe du gouvernement italien allait discuter avec Tebboune de la situation politique interne en Tunisie lors du G7 en Italie. D’ailleurs Tebboune avait dépêché il y a quelques mois son ministre des affaires étrangères à Rome pour discuter « du cas tunisien » six à sept mois avant l’accord entre la Tunisie et l’Italie sous l’égide de l’Union Européenne. Pendant les discussions de son ministre à Rome, l’Algérie poussait des milliers de subsahariens vers le territoire tunisien par cinq passages frontaliers.
Nous pensons que sans le rôle de l’Algérie dans l’invasion migratoire subsaharienne, la Tunisie n’aurait pas été acculée à signer un accord dangereux pour sa sécurité avec l’Italie. Le rôle de l’Algérie dans les vagues migratoires subsaharienne a été l’outil de démolition de l’image de la Tunisie et l’outil de sa vassalisation.
Après le G7 en Italie, l’Algérie annonce des mégaprojets avec l’Italie de Meloni, personne parmi les membres européens du G7 n’a eu un zeste de courage de constater que les vagues migratoires subsahariennes passent d’abord par le territoire algérien. Le gaz impose à l’Europe de se prosterner devant l’Algérie à laquelle personne n’impute aucune action inamicale en direction de l’Europe par le biais des vagues migratoires. Tous semblent oublier que l’Algérie est un proxy de la Russie. Russie que les européens et les américains combattent en Ukraine pourtant.
Mais les choix diplomatiques des responsables tunisiens ont aussi de quoi étonner. L’ouverture tunisienne sur la Chine est plus symbolique que réelle aux yeux des Chinois qui n’ont que peu d’intérêts pour la Tunisie et ne voudront pas envenimer leurs relations avec l’Europe, leur premier client, dans le cadre d’une nouvelle relation stratégique à composante militaire avec la Tunisie. Le Maroc, base de production européenne en Afrique du Nord est plus important pour la Chine que la Tunisie. De Pékin rien ne viendra. La Chine est aujourd’hui ce que fut l’illusion turque pour les islamistes.
Plus problématique et plus dangereuse est l’ouverture sur l’arc chiite, notamment l’Irak et l’Iran. La Tunisie qui n’est déjà pas en capacité de juguler l’invasion migratoire subsaharienne, ouvre ses frontières à des populations qui étaient habituées à suivre les voies migratoires de l’est via la Turquie vers l’Europe. La Tunisie est à quelques centaines de kilomètres des côtes européennes, il n’est donc inévitable de voir se déverser des immigrations iraniennes, irakiennes, voire même afghanes en Tunisie pour partir en Europe. Tout ceci à un moment de crispation intense entre l’occident et l’Iran.
Après de tels choix, la Tunisie risque de sortir définitivement de la photo. Le bout de l’estrade de la photo collective est à quelques centimètres.
T.B.
* Politologue