TUNIS – UNIVERSNEWS (SEF – Khemaïes KRIMI) – Qu’est-ce qui pousse des chefs de projets à annoncer la fin des travaux d’un tel ou tel projet d’infrastructure et à ne pas tenir leur promesse ? Pourtant, au départ, rien ne les oblige à promette quoi que ce soit. En leur qualité d’ingénieurs coordinateurs des projets, Ils disposent de toutes les informations sur l’avancement des travaux, ce qui leur permet, en principe, de promettre en connaissance de cause des dates précises.
Nous nous sommes posés cette question parce que le phénomène des promesses non-tenues, commence à être banalisé avec comme conséquences, des surcoûts financiers et l’exacerbation des frustrations des communautés qui attendent l’opérationnalité des projets, surtout lorsqu’il s’agit de projets d’eau potable.
Le retard qu’accuse la réalisation de la station de dessalement à Sidi Abdelhamid dans la région de Sousse en est une illustration. Bien que la construction de cette station ait démarré en 2018, c’est-à-dire, il y a sept ans, la station n’est pas encore opérationnelle.
Au commencement de fausses promesses
Et pourtant, au mois de septembre 2022, le directeur du projet Moncef Amara avait déclaré à l’agence TAP, que la station sera prête au cours de l’été 2023. Une année après c’est-à-dire au mois de juillet 2024, la station n’est pas fin prête alors que l’eau continue à manquer dramatiquement dans plusieurs cités de Sousse et zones avoisinantes.
Face à l’exaspération des citoyens privés d’eau, le gouverneur de Sousse, Nabil Ferjani, a dû intervenir. Interpellé sur le sujet, le 18 juillet 2024, par la radio privée Jawhara, il a affirmé que « la station de dessalement d’eau de mer de Sousse sera opérationnelle dans les délais, soit fin 2024 ». Espérons que cette promesse sera pour une fois la bonne. Nous disons espérons car le gouverneur, qui a visité la station, a fait état de difficultés non-aplanies. Il donne l’impression qu’il n’est pas très sûr de ce qu’il dit.
Même la promesse du gouverneur reste hypothétique
Il a déclaré exactement que « la situation est critique mais nous la gérons du mieux que nous pouvons. J’étais en visite à la station de dessalement et les travaux ont avancé à 80% (…) les délais devraient être respectés et la station opérationnelle d’ici la fin de l’année ».
Entendre par là que même la promesse du gouverneur reste hypothétique. Rien ne garantit à 100% que la station sera opérationnelle dans cinq mois.
Il faut dire que cette station a connu des difficultés dès le départ. Le groupement hispano-tunisien, Abengoa-Enginnering Procurement & Project Management (EPPM) auquel a été confié le projet, moyennant un investissement de 128 millions de dinars (MDT), a été amené à changer, à mi-chemin, de technologie. L’objectif étant de gagner du temps et de contribuer à accélérer la réalisation du projet. Concrètement, la société EPPM a décidé de se baser sur la méthode de « La Paroi Moulée ».
Bien que cette technologie ait coûté des frais supplémentaires importants à la société EPPM, non-convenus dans le cahier des charges qui prévoyait l’utilisation d’une technique traditionnelle moins coûteuse, la société tunisienne a décidé de prendre à sa charge ces dépenses supplémentaires comme contribution de sa part pour accélérer l’achèvement de ce projet, suite à la pénurie d’eau enregistrée et due à la sécheresse et au déficit dans les nappes d’eau. C’est du moins ce qu’on lit dans l’exposé des motifs qui a accompagné ce changement de technologie
Par-delà ces éclairages sur les difficultés rencontrées, la réalisation de cette station ne manque pas d’enjeux au regard des attentes. Une fois opérationnelle, la station de Sidi Abdelhamid sera en mesure de dessaler près de 50 000 mètres cubes(m3) d’eau de mer par jour, dans une première étape, et près de 100 000 m3 dans une seconde étape.
Elle est destinée à répondre aux besoins d’environ 2,3 millions d’habitants localisés dans les régions du Cap Bon, du Sahel et de Sfax, ce qui est énorme.
C’est pour dire au final que les études de faisabilité tout autant que l’exécution de ce type de projet et le respect des échéances gagneraient à être confiées à des entreprises performantes et à des chefs de projets de grande compétence. On ne joue pas avec de tels projets structurants…