TUNIS – UNIVERSNEWS (Politique) – Élections après élections, les chiffres se confirment : les jeunes boudent de plus en plus l’isoloir. Un abstentionnisme massif, révélateur d’un nouveau rapport qu’entretiennent les jeunes avec la politique. Pourtant un tiers des électeurs (32%) a moins de 36 ans en Tunisie. La dépolitisation des jeunes est un constat sur le terrain. Les jeunes tunisiens tournent de plus en plus le dos à la politique comme en témoigne leur faible participation aux élections présidentielles qui ne dépasse pas les 6%. Et cela dure depuis des décennies. En fait, ce n’est pas les jeunes qui boudent la politique. C’est la politique qui boude les jeunes. Depuis 2011, il n’y a pas eu vraiment une véritable politique chez les partis d’aller vers les jeunes. Il est à noter que les partis politiques sont organisés pour cibler les adultes et les personnes âgées. Ces partis ne sont pas des structures adaptées ni aux jeunes ni et ne s’adaptent pas à leurs aspirations
Cette abstention massive est révélatrice d’un nouveau rapport des jeunes avec la politique, ceux-ci ne reconnaissant plus l’élection comme le moyen d’exercer leur citoyenneté. Ils seraient même prêts à tourner la page de notre démocratie représentative actuelle. Si les jeunes participent de moins en moins à la vie politique traditionnelle, ils s’engagent néanmoins dans la vie de la cité. Mais ils aspirent à le faire autrement. « Les jeunes sont dépolitisés, mais ils ne sont pas désengagés, souligne Mohamed Ali, étudiant. Ils sont plus dans une logique individuelle sur le mode « qui mieux que moi peut faire avancer ma cause. Ils s’engagent plutôt dans des mouvements associatifs. De nombreux partis politiques affirment porter les espoirs de la jeunesse, mais ce ne sont que des mots vides de sens, des promesses creuses. Pour les jeunes d’aujourd’hui, les solutions ne se trouvent plus uniquement dans la sphère politique. On les voit souvent tournés vers des ONG, des clubs et des associations»
Pour Nejib, universitaire « Nous assistons à une transformation du rapport à la politique qui touche les jeunes mais aussi les autres tranches d’âge, notamment les 20-40 ans. Cette transformation culturelle nous oblige à redéfinir ce qu’est l’abstention. Pendant longtemps, le fait de ne pas aller voter était considéré comme un défaut d’intégration, un comportement incivique. Aujourd’hui, ces populations, dont font partie les plus jeunes, veulent être citoyens, mais ne veulent pas forcément être électeurs ». Neïla, cadre dans une banque, estime qu’il y a chez eux un grand intérêt pour la politique, mais aussi une très forte défiance à l’égard des politiques. Les jeunes n’ont pas baissé les bras. Ils se politisent plus à travers les mouvements sociaux et les associations que pour les élections. Quantifier leur engagement par rapport à autrefois est compliqué. Mais ce qui est sûr, c’est que les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas moins de culture politique.
Rafik, enseignant appelle à instaurer de nouvelles stratégies pour intéresser les jeunes à la politique. « Il faudrait intégrer des jeunes dans les équipes de campagne pour mieux comprendre et adresser leurs préoccupations, utiliser des canaux de communication modernes et interactifs, comme TikTok ou Instagram, pour toucher une audience plus large et mettre en place des débats et des forums participatifs où les jeunes peuvent s’exprimer librement ». La participation des jeunes aux élections est cruciale pour une démocratie représentative équilibrée. Leur désengagement risque de conduire à des politiques davantage axées sur les préoccupations des générations plus anciennes, laissant de côté les défis spécifiques aux jeunes comme l’emploi et l’éducation. Pour inverser la tendance, il est impératif que les leaders politiques adaptent leur discours et leurs méthodes de communication. Le but est non seulement de les convaincre de l’importance de leur vote, mais aussi de leur offrir des raisons concrètes de s’impliquer. (M.S.)