
- La circulaire BCT 2025-08 : une réforme systémique catalyseur de transformation stratégique!
- Un stress test systémique révélateur des fragilités structurelles, mais aussi un levier stratégique majeur
- Trois piliers réglementaires structurants et une feuille de route stratégique obligatoire
- Vers une gouvernance des modèles de risque consolidée et des données intégrée et industrialisée
- Défis imposés aux banques tunisiennes : une équation à plusieurs inconnues
- Une opportunité de transformation profonde et une responsabilité accrue pour la gouvernance
TUNIS-UNIVERSNEWS- – La circulaire n°2025-08 de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) inaugure une nouvelle ère réglementaire. Conçue dans un esprit de convergence vers les standards internationaux (IFRS 9, Bâle III), elle impose aux banques tunisiennes une transformation en profondeur de leur gouvernance des données, de leurs modèles de risque et de leur infrastructure technologique.
Mais cette réforme n’est pas une simple exigence de conformité. Elle constitue un stress-test systémique révélateur des fragilités structurelles, mais aussi un levier stratégique majeur pour bâtir une banque plus résiliente, plus performante et plus crédible.
➡️Trois piliers réglementaires structurants :
- Une feuille de route stratégique obligatoire.
- Une gouvernance des modèles de risque consolidée.
- Une gouvernance des données intégrée et industrialisée.
🏦 Une feuille de route stratégique obligatoire
Chaque établissement doit, d’ici août 2025, soumettre un plan de transformation structuré. Celui-ci doit combiner :
- Une vision claire de la conformité aux normes IFRS 9 et Bâle III ;
- Un calendrier opérationnel réaliste (migration des modèles, reparamétrages SI) ;
- Une gouvernance dédiée avec comité de pilotage, CDO et référents métiers ;
- Des KPI précis sur la qualité, la complétude, et la traçabilité des données.
▶ Ce pilotage repose sur une logique mixte défensive (réglementaire) et offensive (valorisation des données) !!!
🏦 Une gouvernance des modèles de risque consolidée
Les exigences prudentielles imposent :
- Un recensement exhaustif des modèles ;
- Une validation indépendante (backtesting, stress testing) ;
- Une documentation rigoureuse (logique, hypothèses,) ;
- Un suivi continu (pouvoir discriminant, biais, stabilité).
▶ Un cadre similaire à celui des institutions européennes : registre des modèles, comité modèle, audit interne, indicateurs de risque de modélisation
🏦 Une gouvernance des données intégrée et industrialisée
Cœur névralgique de la réforme, la gouvernance data devient une exigence opérationnelle :
- Nomination obligatoire d’un Chief Data Officer (CDO) ;
- Mise en place d’un comité data, avec feuille de route et politique validée par le conseil d’administration ;
- Automatisation des flux critiques, processus d’audit, et certification des données (ISAE 3402, ISO) ;
- Traçabilité et sécurité sur l’ensemble du cycle de vie de la donnée.
▶ En 2024, la grande majorité des Data Offices se sont dotés d’un glossaire métier, signe d’une structuration croissante de la gouvernance des données. Toutefois, une part significative continue de s’appuyer sur des outils manuels, tels que les tableurs. Une dynamique d’automatisation et de modernisation des outils est néanmoins bien engagée.
➡️ La mise en conformité à la circulaire BCT n°2025-08 ne peut réussir sans résoudre plusieurs défis structurels, techniques, humains et culturels, propres au système bancaire tunisien :
- Systèmes d’information vieillissants et silotés;
- Manque de ressources humaines spécialisées;
- Faible acculturation des équipes à la donnée;
- Modélisation ECL encore artisanale;
- Contraintes financières et vision court-termiste.
🏦 1- Systèmes d’information vieillissants et silotés
Plusieurs constats se dégagent quant à l’état des infrastructures et de la gouvernance des données :
Rares sont les établissements disposant de data warehouses unifiés ou de data lakes scalables.
Les outils de gouvernance de données (glossaires, lignage, dictionnaires, plateformes MDM) sont fragmentés ou inexistants.
Les flux sont peu automatisés, ce qui freine la production de reporting et l’intégration des modèles IFRS 9.
🏦 2- Manque de ressources humaines spécialisées
Plusieurs constats ressortent concernant les ressources humaines spécialisées :
Le marché tunisien souffre d’un déficit de compétences critiques : data scientists, modélisateurs de risque, ingénieurs data, architectes IT.
Le recours à l’expertise externe est limité par les contraintes budgétaires persistantes.
🏦 3- Faible acculturation des équipes à la donnée
Sur le plan culturel, plusieurs freins persistent à l’appropriation des enjeux liés à la donnée :
Dans de nombreuses banques, la donnée reste perçue comme un outil opérationnel, et non comme un actif stratégique.
L’absence d’une culture « data-driven » freine l’appropriation des nouveaux outils de gouvernance.
Des efforts d’acculturation ciblés sur les comités de direction et les lignes métiers sont encore à généraliser.
🏦 4- Modélisation ECL encore artisanale
Concernant la modélisation et le pilotage des risques, plusieurs limites structurelles demeurent :
Plusieurs banques continuent à produire les calculs IFRS 9 via Excel, sans intégration dynamique des scénarios macroéconomiques.
Peu de modèles bénéficient d’un backtesting régulier, de benchmarks sectoriels ou de validations indépendantes structurées.
L’absence de registres de modèles et de documentation consolidée compromet la robustesse des dispositifs.
🏦 5- Contraintes financières et vision court-termiste
Sur le plan financier, le coût de la mise en conformité représente un véritable défi pour les établissements :
Une mise en conformité intégrale peut coûter 5 à 7 millions de dinars sur 2 à 3 ans pour une banque moyenne.
Ces montants incluent : SI (40 %), compétences internes (30 %), assistance externe (20 %), gouvernance (10 %).
Dans un contexte d’inflation et de pression sur les marges, les arbitrages budgétaires peuvent fragiliser la trajectoire de transformation.
🏦 Une opportunité de transformation profonde
La réforme offre un tremplin pour moderniser :
- Le Pilotage du risque plus fin, basé sur des données fiables ;
- L’Automatisation des reportings réglementaires ;
- La Valorisation des données au service de la performance ;
- L’Intégration de l’ESG, IA, lutte antifraude et scoring comportemental.
🏦 Une responsabilité accrue pour la gouvernance
La transformation requise n’est plus un sujet technique. Elle mobilise :
- Le Conseil d’administration, garant des moyens, des priorités, et du pilotage ;
- Le Comité des risques, qui doit superviser les modèles et la qualité des données ;
- Le Comité de pilotage, bras opérationnel de la réforme.
Conclusion : Se conformer, oui… mais surtout transformer
La circulaire BCT 2025-08 n’est pas qu’un texte réglementaire : c’est un levier stratégique pour redéfinir la banque tunisienne de demain. Mais cette opportunité exige vision, moyens, volonté politique et culture de la donnée. Les établissements qui adopteront une stratégie proactive en sortiront renforcés, plus compétitifs, mieux gouvernés. Les autres… prendront le risque de rester en marge d’un mouvement irréversible.