
- La dette extérieure en repli, mais… une dette désormais majoritairement intérieure et un ratio dette/PIB toujours étouffant!!!
- Un système économique où l’État demeure le principal moteur de l’endettement, sans que cet endettement ne se traduise réellement !!!
Tunis, UNIVERSNEWS (SEF) – Jamais, dans son histoire récente, la Tunisie n’a porté un fardeau financier aussi lourd. Selon les dernières données publiées par la Banque centrale de Tunisie (BCT), l’endettement global du pays a atteint 247,5 milliards de dinars à fin 2024, un niveau vertigineux qui équivaut à près d’une fois et demie la richesse nationale produite en une année.
Derrière ce chiffre colossal se cachent des déséquilibres structurels, une dépendance accrue au financement intérieur et une soutenabilité budgétaire de plus en plus compromise. Cette trajectoire soulève une question cruciale : la Tunisie est-elle encore en mesure de maîtriser sa dette ou s’achemine-t-elle vers une spirale incontrôlable ?
Un chiffre qui interpelle
Le dernier rapport de la Banque centrale de Tunisie (BCT) révèle que l’endettement total du pays s’est élevé à 247,5 milliards de dinars en 2024, soit une progression de près de 4 % par rapport à l’année précédente. Ce niveau place la Tunisie au seuil symbolique des 250 milliards, un cap inquiétant pour une économie en quête d’oxygène.
Une dette désormais majoritairement intérieure
Fait marquant : 70 % de cet endettement est désormais constitué de dette intérieure. Autrement dit, l’État et les agents économiques puisent massivement dans les ressources nationales pour financer leurs besoins. Si ce recours limite la dépendance aux bailleurs internationaux, il exerce en revanche une pression considérable sur les banques locales et le marché du crédit.
Conséquence directe : un effet d’éviction au détriment des entreprises et ménages, dont l’accès au financement devient plus coûteux et plus rare.
La dette extérieure en repli, mais…
Dans le même temps, la dette extérieure recule de 6,8 %, ramenée à environ 30 % du total. Un signe positif qui allège la charge en devises et réduit la vulnérabilité face aux fluctuations du dinar. Mais cette baisse s’explique moins par une amélioration structurelle que par la difficulté croissante du pays à emprunter sur les marchés internationaux, faute de réformes crédibles et d’accord avec le FMI.
Un ratio dette/PIB toujours étouffant
Rapporté à la richesse nationale, l’endettement total représente 148,9 % du PIB, contre 155,9 % en 2023. Si cette amélioration technique est notable, elle ne doit pas masquer l’essentiel : la Tunisie reste l’un des pays les plus endettés de la région, avec un fardeau qui rogne chaque année davantage la marge budgétaire de l’État.
Près de la moitié de l’endettement (48 %) est supportée par l’État. Le reste incombe aux entreprises publiques, aux sociétés privées non-financières et aux ménages. Cette répartition traduit un système économique où l’État demeure le principal moteur de l’endettement, sans que cet endettement ne se traduise réellement par une croissance ou des investissements productifs.
Un risque de soutenabilité
Avec un service de la dette qui pèse lourdement sur le budget, la question de la soutenabilité devient centrale. Plus de ressources sont consacrées au remboursement qu’au financement des priorités sociales (éducation, santé, infrastructures). Le danger est double :
1. Un cercle vicieux de refinancement qui perpétue l’endettement sans réduire le déficit.
2. Un risque de crise de liquidité si les créanciers domestiques et internationaux venaient à se montrer plus exigeants.
Quelles issues possibles ?
Pour briser cette spirale, plusieurs leviers apparaissent incontournables :
- Réformes structurelles profondes pour stimuler la croissance et améliorer les recettes fiscales.
- Diversification des sources de financement afin de réduire la pression sur les banques locales.
- Renégociation d’une partie de la dette et meilleure transparence dans sa gestion.
- Réorientation des emprunts vers des projets productifs générateurs de devises et d’emplois.
À 247,5 milliards de dinars, l’endettement tunisien frôle un seuil critique. La réduction de la part extérieure offre un répit, mais la montée en puissance de la dette intérieure est une bombe à retardement pour l’économie réelle.
Plus qu’un chiffre, c’est un signal d’alarme : sans réforme courageuse et vision stratégique, la Tunisie risque de rester prisonnière d’un modèle où l’endettement finance le court terme au prix de l’avenir.