Par Abdelaziz Kacem
Evoquant, de nouveau, la «révolution» tunisienne et les lueurs d’espoir entrevues pour l’émergence, enfin, d’une vraie démocratie, Abdelaziz Kacem exprime sa déception, voire sa colère de voir les assassinats des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, demeurer impunis…
«Le propre de l’intellectuel est d’agrandir à l’infini le cercle de sa réflexion. Tout événement vécu fait remonter à la surface de la mémoire des péripéties plus ou moins similaires.
Vittorio Alfieri (1749-1803), poète et philosophe issu de la noblesse italienne, nourrissait sa jeunesse de grandes idées démocratiques. Sa sympathie pour la Révolution française et l’amour d’une femme le font venir vivre à Paris. Durant la terrible Journée du 10 août 1792, il échappe de justesse aux ardeurs sanguinaires des «Révolutionnaires» de la Première Terreur. Mais rien ne put le consoler des ravages subis par sa très riche bibliothèque. Réfugié à Florence, il ne cessait de renier ses premières convictions. Parmi ses amis, certains prenaient plaisir à remuer le couteau dans la plaie :
- Vous étiez démocrate, autrefois. Vous avez changé d’avis ?
- Quand j’étais démocrate, répondait-il, j’avais approché les grands ; je ne connaissais pas les petits.
Le règne des petits, depuis Kasbah I et II, coalition gaucho-islamiste, la Tunisie en sait quelque chose. Sans vergogne, l’on se gargarise du modèle tunisien. Quel modèle ? Bénéficiant d’une immunité scandaleuse, les commanditaires de l’assassinat de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi nous narguent. L’État débilité se montre incapable même de juger Mustapha Khedher, le terroriste-en-chef pris la main dans le sac.
Moi aussi, quand j’étais démocrate…»