Par Slim Masmoudi*
La Tunisie vit un réel changement dans son système politique, dans l’expansion des modes d’expression, dans les relations du citoyen avec l’Etat et avec les hommes et femmes politiques, dans la participation du citoyen à la vie publique, et dans l’éclosion des libertés mais aussi des dépassements.
Le mode sociétal a commencé son changement avec des fluctuations et avec un polyformisme reflétant un pluralisme créateur et une diversité déstabilisante. En revanche, notre société se cherche et elle est à la quête de son leader, inspirateur, éclaireur, challenger, unificateur, catalyseur d’énergie, agitateur des talents du pays et grand ambassadeur de la Tunisie à la fois unique et plurielle.
Avec la première élection démocratique du président en 2014, la Tunisie est entrée par la grande porte dans l’histoire. Et avec le premier débat électoral télévisé entre 26 candidats, la Tunisie s’est démarquée et s’est positionnée comme premier pays arabe à vivre cette expérience démocratique exceptionnelle. Dans cette nouvelle mouvance, le futur président élu aura à résoudre 7 équations défiantes :
1. Être un leader et un homme de terrain
La première équation est une équation personnelle qui fait du futur président à la fois un leader et un homme ancré dans le terrain et ses soucis, à la fois un meneur et un connaisseur du quotidien du tunisien. Le futur président aura à trouver un bon équilibre entre un leadership et une vision lucide de la société. Il est amené à adopter un leadership orienté vers les personnes pour choisir et mener les bons collaborateurs ayant au moins deux qualités, l’honnêteté et la compétence, et capables de transformer la vision en stratégies faciles à implémenter.
Son leadership doit être aussi « data-driven » orienté vers les données, et puisant dans ces données du pays tirées du terrain pour prendre des décisions éclairées. Son leadership doit être aussi orienté vers les process pour amorcer les vrais changements.
De manière synchronisée, le futur président doit connaître authentiquement les soucis de l’écolier, du jeune désespéré, de la famille, des hommes et des femmes de la cité. Cet ancrage va inspirer ses stratégies.
2. Allier entre souveraineté nationale et ouverture sur le monde
Le futur président de la République aura à résoudre 6 autres équations orientées vers la construction du pays. Il aura à assurer les bonnes conditions de la souveraineté nationale sur les dimensions, numérique, sociale, économique, et sécuritaire.
Ces quatre dimensions de la souveraineté sont indispensables pour consolider une image d’un pays fort et résilient. La souveraineté nationale donnera un vrai poids à la Tunisie dans le monde arabe, occidental, oriental et africain.
De manière synchronisée, le futur président tunisien sera amené à renforcer l’image d’une Tunisie ouverte sur son monde proche et lointain, une ouverture culturelle, économique, technologique et industrielle, une ouverture qui garde l’identité du pays et qui renforce les collaborations et partenariats à travers une planification stratégique par année. Ainsi, un équilibre ingénieux doit être trouvé entre souveraineté et ouverture.
3. Trouver l’équilibre entre l’économique et le social
La troisième équation dans la construction de la Tunisie performante doit allier entre une volonté de renforcer la dynamique de l’investissement essentiellement interne pour multiplier la création des richesses à grande valeur ajoutée, tout en gardant une vision sociale fondée sur la notion de communauté efficace et la protection des droits, et prônant une culture de travail et d’engagement.
L’équilibre est possible à travers une culture de la communauté performante fonctionnant comme pépinière encadrant les jeunes, vrai moteur de la croissance. Cette communauté garantira la valeur du travail et du droit, et permettra d’appuyer la prospérité économique.
4. Rénover l’éducation et la famille, et financer la sécurité nationale
La quatrième équation exigera du futur président de la république tunisienne une réelle synergie entre le financement d’une sécurité nationale, stratégiquement parlant, protégeant le pays contre l’extrémisme violent, les crimes organisés, l’insécurité dans les cités, et l’investissement dans l’enfance, l’éducation et la famille.
La vraie menace vient des jeunes sans espoir, des chefs de gangs, des diplômés en chômage, des familles déstructurées, qui ne font qu’alimenter l’insécurité intérieure et affaiblir la résilience nationale contre les menaces internes et externes.
Former un peuple résilient, formé, ambitieux et productif constitue la matrice de fond d’une sécurité nationale renforcée. Investir réellement dans l’enfance, l’éducation et la famille et orienter la sécurité intérieure vers le social permettront de faire d’une pierre deux coups.
Quand le citoyen devient le premier protecteur et défenseur de son pays, la sécurité nationale deviendra une affaire d’intelligence.
5. Relancer l’économie et garder une fiscalité rentable
La cinquième équation défiante consiste à assurer deux choses qui semblent contradictoires mais qui sont profondément complémentaires. En effet, relancer l’économie, encourager l’initiative et l’innovation, et libérer les potentiels ne peut se faire qu’à travers une fiscalité allégée effaçant l’idée envahissante et perpétuée de vouloir « voler l’état ».
Cette fiscalité allégée deviendra rapidement rentable via une économie d’échelle de bons payeurs productifs. Ainsi, alléger devient la clé de la relance économique. Bien que ça soit parmi les fonctions du chef du gouvernement, le futur président élu mettra les grandes lignes de cette vision.
6. Protéger les libertés et faire respecter la loi
Le futur président aura à protéger les libertés individuelles et sociales, tout en faisant respecter la loi. Le modèle idéal pour créer cet équilibre est un modèle 3D « liberté-dignité-droit » qui part d’un postulat très simple : respecter la dignité et protéger la liberté permet de faire respecter le droit de chacun.
Ce sont les droits de chacun qui forment l’essence des lois. Donner les moyens de s’exprimer et créer des canaux ou des sphères de communication à travers des plateformes en ligne ou hors ligne permet d’augmenter le sentiment de liberté chez le citoyen et créer en lui le sentiment d’être force de proposition.
7. Renforcer les investissements et éradiquer la corruption
La septième équation, pivot d’un pays souverain et prospère, est l’équilibre fragile entre le renforcement des investissements et investisseurs et l’éradication de la corruption. C’est un peu facile de parler d’une formule magique. Néanmoins, éradiquer la corruption n’est pas le bon objectif, ou plutôt n’est pas un objectif SMART.
En effet, il faudrait augmenter le sentiment d’appartenance au pays, dresser des cartes d’investissements par région et encourager les investisseurs à améliorer leur région. Changer les réflexes corruptifs demande une conscience psychosociale générale qui se construit progressivement et se renforce par les alternatives d’efficience économique et l’élimination des obstacles à l’investissement.
Enfin, résoudre ces 7 équations défiantes permettra au futur président de la république tunisienne d’amorcer un vrai changement sociétal qui constituera un tremplin vers la nouvelle Tunisie épanouie et productive, souveraine et ouverte, créative et performante. »
*Professeur à l’Université 9 avril -Tunis