- «Je le voyais à Jeddah, mais je gardais ce secret par respect et honneur. J’étais à mille lieux de l’imaginer ainsi : patriote, amoureux de la Tunisie, intelligent, un cœur en or…»
- «On lui colle je ne sais pas combien de procès alors qu’il n’a pas eu droit à une défense. Non, il n’a pas d’avocat en Tunisie, tout simplement parce que la Loi l’en empêche…»
- «On a attaqué ses filles pour atteindre le père ». Les petits enfants de 1 à 8ans, privés de passeports, apatrides : La Tunisie violait toutes les conventions internationales…»
- «Comment voulez-vous qu’il soit enterré en Tunisie, sa patrie pour laquelle il a servi en soldat, en ministre et en chef d’Etat, alors que ses propres filles, sa femme ne peuvent venir réciter la Fatiha sur sa tombe ?!…»
- «Il avait le cœur meurtri de savoir que des Tunisiens mourraient. Il n’a jamais donné l’ordre de tirer, bien au contraire…»
Dans un long statut rendu public sur sa page officielle Facebook, Tarak Cheikh-Rouhou a parlé de Ben Ali qu’il voyait à Jeddah et dévoilé certains secrets. Un témoignage poignant et émouvant avec des aspects inédits et inédits.
Et étant donné l’importance et la pertinence de ce témoignage, nous en reproduisons le contenu intégral :
« A TOUS MES AMIS : collaborateurs et collègues, influenceurs, journalistes, juges, avocats, lobbyistes, et personnes de courage ou même décideurs:
J’ai appris à garder le silence. En politique ? Tout m’est incolore, inodore… J’entretiens des relations avec tous. Pourtant, comme tout Tunisien, j’ai des avis, des décisions à prendre lors des votes mais sans plus. Pourquoi ? S’ils sont tous aussi pourris les uns des autres, les rares qui ne le sont pas, sont entourés de ce qui a de pire… j’ai donc décidé d’observer et garder le silence tel un omniscient, mais ne rien laisser paraître. Ma vie, mes activités, tout est un « secret », certes, mais je tiens à m’exprimer sur un point d’une importance majeure :
‘Despote, assassin, criminel, dictateur’… C’est ce qui était dit de feu, Zine El Abidine Ben Ali, et j’y croyais avant. J’ai grandi en Takrizard sous les plumes de Slim Bagga, Nicolas Beau. Ma jeunesse se résumait à Hacking, Ammar404, proxy… Le 14 janvier, j’avais la haine, j’étais sur l’avenue Bourguiba, j’ai déchiré les photos… Avec Abdelaziz Belkhodja, j’ai passé une des plus extraordinaires expériences de ma vie, qu’est la quête de la vérité des faits du 14 janvier.
Plus tard, ça m’a amené à connaître réellement Feu Zine El Abidine Ben Ali. Je le voyais à Jeddah, mais je gardais ce secret par respect et honneur. J’étais à mille lieux de l’imaginer ainsi : patriote, amoureux de la Tunisie, intelligent, un cœur en or. Papa poule, grand papa noël : un ange. Adorable, sens de l’Etat, de la patrie… il menait effectivement une politique internationale avec honneur de la Tunisie…
Contrairement aux détracteurs, il aimait Bourguiba…. J’ai tout simplement compris les rouages de l’Etat de l’ancien régime pour me rendre compte que la machine faisait la corruption, la cleptocratie…était une machine sans tête. Tous ceux qui pouvaient, volaient.
A-t-on puni Marzouki pour ceux qui ont volé en sa présidence ? A-t-on puni si El Béji, pour ceux qui ont volé en sa présidence ? A-t-on puni Bourguiba, pour ceux qui ont volé en sa présidence ? Dans la totalité de ses documents signés, il est inscrit de manière manuscrite et de sa main « Accord si en accord avec la Loi »…. Chacun faisait ce qu’il veut, et en réalité, il n’est pas vraiment informé de ce qui se passe en amont, tout simplement parce que ce n’est pas possible de tout savoir : Nous vivions dans un bluff, et pensions qu’il savait tout, qu’il y avait des micros partout et tout était sur écoute.
Bref…
Oui, je l’ai aimé, mais ai commencé à l’aimer après sa présidence. Je l’aime autant et je suis tout aussi triste de savoir qu’il est parti sans qu’on ne puisse encore échanger. J’ai eu l’occasion de rire, de pleurer, de demander des conseils et voyais la sagesse et l’intelligence de celui que ceux qui ne le connaissaient pas : ceux qui le traitaient de BAC moins 2.
Pourtant, Ben Ali est sorti de Saint Cyr ! Il avait une belle plume. On dit qu’il a volé, pourtant il n’a pas un seul compte en banque à l’étranger. Je voyais les difficultés que la vie lui offrait d’années en années mais il restait digne.
On lui colle je ne sais pas combien de procès alors qu’il n’a pas eu droit à une défense. Non, il n’a pas d’avocat en Tunisie, tout simplement parce que la Loi l’en empêche. On appelle ça la justice équitable dont parle notre Constitution ?
Etant bien placé, j’ai clairement vu le contenu de toutes ces affaires et garantit qu’aucune n’est véritablement fondée. De gags et chocs, chaque dossier est à mourir de rire, sauf ceux où des personnes sont mortes. Il avait le cœur meurtri de savoir que des Tunisiens mourraient. Il n’a jamais donné l’ordre de tirer, bien au contraire.
Mais l’état de panique et l’attaque des commissariats faisaient que les policiers usaient de leurs armes le plus souvent en légitime défense… Imaginez le carnage si un tel ordre avait été donné ! Bref… on a condamné Macron pour chaque Gilet jaune qui s’est fait tirer dessus ? Pourtant, Macron a bien donné les ordres…
Celui que beaucoup insultent même en ce triste jour où il nous a quittés, n’est pas celui qu’on pense. On ne le connaissait pas, j’assure que tous ceux qui pouvaient le penser même au plus profond d’eux-mêmes, comme moi… se trompent profondément…
Cet homme, avec qui j’échangeais, qui me conviait chez lui à Jeddah, était non pas seulement le président de la République Tunisienne durant 23ans, une république qui était prospère qui faisait envier même certains pays européens, mais c’était un père, un grand père, qui ne cessait de pleurer la tristesse.
Tout père, grand père regarde sa progéniture avant de s’assurer de leur avenir, Puis accepte de s’en aller serein.
Zine El Abidine Ben Ali ne subissait qu’injustice et les Tunisiens ne le voyaient pas. « Va-t-il revenir un jour ? » c’est ce que j’entendais partout, alors que je connaissais la réponse. La Tunisie, ingrate, dont la Constitution parle de « justice équitable », condamne ses filles, dont une mineure en quittant la Tunisie. Les prunelles de ses yeux.
« On a attaqué les filles pour atteindre le père ». Les petits enfants de 1an à 8ans, privés de passeports, apatrides : La Tunisie violait toutes les conventions internationales… Hallouma ayant fini avec brio, ses études de droit… mais n’a pas le droit de porter la robe d’avocat, parce que condamnée en Tunisie. Nesrine, amoureuse des plages de Hammamet, de la Tunisie et des Tunisiens, en larmes lorsque par hasard, je sortais une bouteille d’eau minérale « Sabrine », en me disant « twa7achthom »… Nesrine, marraine également de SOS Village d’enfants, qui aimait tous les enfants… Ces enfants orphelins sont maintenant juges, médecins…. Ils pourront en témoigner.
Mais aujourd’hui, Hallouma, Nesrine, toutes deux interdites de venir en Tunisie. Cyrine, Dorsaf, Ghazoua, vivent un calvaire en Tunisie… Comment voulez-vous qu’un père réagisse ? Oui, il est parti… mais parti meurtri et triste. Tout opposant du temps de Ben Ali en témoigneront : Le Régime ne s’est jamais pris aux enfants, bien au contraire…
La vérité, je suis allé moi-même rencontrer si el Béji, père et grand-père, pour plaider la situation d’un autre père, grand père, affaibli et exilé. Je voulais que celui qui était triste, puisse s’en aller serein un jour en regardant sa vie, ses filles, son fils et petits enfants…
Feu si el Béji m’avait dit « il est plus jeune que moi et j’ai une meilleure santé que lui ! », tout ce que je voulais, c’était que les affaires en justice de Hallouma et Nesrine soient révisées de manière équitables et sans privilèges particuliers… j’ai même proposé l’application de procédures présidentielles légales qui pouvaient les sauver. Mais il n’a pas bougé d’un yota… peut-être que la politique l’en empêchait ou peut être fallait-il avoir plus de courage et être plus juste…
J’ai alors essayé du côté de proches et membres du chef du gouvernement, et sans nommer, j’ai eu la réponse : « on lui envoie un avion médicalisé et la télévision nationale », alors que ce que je venais demander n’était que de rendre justice à un père qui avait mal… Et pour rappeler que les services de santé saoudiens n’ont pas besoins de renfort d’un avion médicalisé tunisien…
Bref… lorsque le gouvernement parle maintenant d’accueillir la dépouille pour l’enterrer en Tunisie, je me retiendrais d’être vulgaire: « Affaibli, vous avez voulu en faire un trophée. Mort, vous continuez ! 7ram 3alikom »
Comment voulez-vous qu’il soit enterré en Tunisie, sa patrie pour laquelle il a servi en soldat, en ministre et en chef d’Etat, alors que ses propres filles, sa femme ne peuvent venir réciter la Fatiha sur sa tombe ?!
J’espère de tout cœur, que le prochain chef de l’Etat ou l’actuel, soient véritablement les garants de la Constitution et permettent une justice équitable à Hallouma et Nesrine.
Feu Zine El Abidine Ben Ali en a rêvé de son vivant… Offrons-lui ce souhait, pour lui, pour la Tunisie et pour garantir l’application de la Constitution tunisienne.
Toutes mes condoléances à la famille, son épouse avec qui il a continué à vivre en amoureux jusqu’à ce que la mort les ai séparés, ses filles, son fils, ses petits-enfants, et familles liées.
J’ai failli à cette mission, mais j’aimerais que mes amis, collaborateurs et collègues, influenceurs, journalistes, juges, avocats, lobbyistes, et personnes de courage ou même décideurs… m’aident à offrir à Feu Zine El Abidine Ben Ali, l’unique vœu qu’il avait, celui d’un père. Ce n’est pas un privilège mais juste l’application de ce qu’annonce la Constitution tunisienne, que le chef de l’Etat se doit d’en être le garant ».