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La transparence est exigée des trois pouvoirs, y compris celui judiciaire…
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Sans immixtion dans les décisions de la justice, l’opinion publique a le droit d’avoir une explication sur les motifs de l’arrestation de Nabil Karoui et sur les motifs de son maintien en prison malgré les avis partagés sur ce point.
Le candidat qualifié au second tour de l’élection présidentielle anticipée, Kais Saïed a annoncé aujourd’hui samedi 5 octobre 2019, sa décision de ne pas faire campagne.
« Pour des considérations morales et soucieux d’éviter toute équivoque concernant l’égalité des chances entre les candidats, j’ai décidé, personnellement, de ne pas faire campagne », a déclaré en substance Kais Saïed à l’agence TAP, avant d’ajouter que selon sa profonde conviction, l’égalité des chances devrait être plutôt appréhendée par rapport aux moyens dont dispose, effectivement, chaque candidat.
E t de conclure en ces termes : « Ces moyens étaient en réalité démesurément inégaux… ».
Tout en réaffirmant sa détermination à assurer, pleinement, ses responsabilités et honorer ses engagement, Kais Saïed a réitéré son appel à la vigilance face, a-t-il dit, aux tentatives désespérées de déstabilisation su processus électoral.
Les observateurs estiment qu’en annonçant cette décision, Kaïs Saïed profite d’une double aubaine, en l’occurrence, avoir un argument pour ne pas parler tout en se présentant comme étant un gentleman qui tient, spontanément, à garantir ledit principe de l’égalité des chances.
A rappeler que la campagne pour le second tour de la présidentielle a démarré le 3 octobre et se poursuit jusqu’au 11 de ce même mois. Le scrutin pour le deuxième tour aura lieu le 13 octobre en cours à l’intérieur du pays et les 11, 12 et 13 dans les circonscriptions à l’étranger.
Il faut dire que la nécessité absolue d’avoir exactement les mêmes chances pour les deux candidats constitue, dans l’état actuel des choses, le plus grand casse-tête pour tout le pays dans le sens où c’est tout le processus électoral présidentiel ainsi que les résultats auxquels il peut aboutir peuvent être remis en cause puisque d’ores et déjà nombreuses sont les voix qui s’élèvent à l’intérieur de la Tunisie et à l’étranger, mettant la pression pour garantir ce sacro-saint principe de l’égalité des chances.
Le président de la République a insisté lourdement là-dessus en indiquant que les efforts continuent pour remédier à cette lacune, mais c’est l’appareil judiciaire, sans le mettre en cause, qui se trouve à l’origine de ce clivage.
En effet, cette situation kafkaïenne a démarré le jour où une chambre des mises en accusation près la Cour d’Appel de Tunis a émis, un certain 23 août 2019, un mandat de dépôt à l’encontre de Nabil Karoui, déjà candidat à l’élection présidentielle et qui, lors de son arrestation « hollywoodienne », se trouvait à la station de péage de Mejez El Bab, de retour d’un meeting électoral à Béja.
Or, la polémique ayant découlé de la manière d’arrestation, un autre litige a surgi quant à la régularité des procédures concernant l’émission du mandat de dépôt dans le sens où la Chambre des mises en accusation avait siégé, juste pour examiner une demande de levée du gel des avoirs et de l’interdiction de voyage pour Nabil Karoui.
Et même si la majorité des juristes s’accordaient à dire que l’émission du mandat de dépôt était entachée d’irrégularité, le ministère public a persisté dans ses décisions et même l’enquête ordonnée par le ministre de la Justice à l’Inspection a donné raison aux juges de la Chambre des mises en accusation.
Le constat qui s’impose est qu’aucune juridiction aux trois niveaux (première instance, appel et cassation) n’a accepté de statuer sur les multiples demandes de libération de Nabil Karoui pour non habilitation sans préciser le pourquoi de la décision. Résultat : le candidat qualifié au second tour de l’élection présidentielle reste en prison.
Il est évident que personne ne peut contester l’indépendance de la magistrature, mais des points d’interrogations persistent et méritent certains éclaircissement : Pourquoi persiste t-on à maintenir Nabil Karoui en détention préventive puisqu’il est encore détenu sans procès et, officiellement, pour de simples présomptions d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent ?
En effet, quel danger représente une personne interdite de voyage et sans possibilité de disposer de ses avoirs financiers ? Quel danger représente quelqu’un qui, chaque fois qu’il était convoqué devant le juge d’instruction, s’est toujours présenté à la date et heure fixées ? Sans oublier que le juge d’instruction, après plus de dix heures d’interrogatoire de l’a pas inculpé et l’a laissé en état de liberté, sans oublier que le ministère public n’avait pas émis d’objection ni recours.
Sans vouloir s’immiscer dans les décisions de la justice, mais au moment où la transparence est exigée de la part des différents pouvoirs, l’opinion publique a le droit d’avoir une explication. Alors quel mal y a-t-il si le ministère public communique sur les motifs de l’arrestation de Nabil Karoui et sur les motifs de son maintien en prison malgré les avis partagés sur ce point.
Et comme on le sait, rien ne vaut la transparence pour couper court aux polémiques et aux doutes. Bien entendu, cette situation est mise ne exergue par les détracteurs de Nabil Karoui, pour dire qu’il s’agit d’une preuve de l’indépendance de la magistrature face aux pressions exercées pour le faire libérer.
Mais cette situation est, par contre, très mal vue par l’opinion publique, aussi bien nationale qu’internationale, pourtant très respectueuse et bien à cheval sur les principes de l’indépendance de la justice. Car comme on l’a mentionné, aucune justification n’a été donnée quant à l’insistance des différents rouages des tribunaux pour le maintien du présumé suspect en prison.
Bon à savoir que le jour même de la décision de refus de libération de Nabil Karoui, on nous apprend que quatre anciens accusés et détenus ont innocentés après avoir passé des dizaines de mois derrière les barreaux. C’est dire qu’en Tunisie, une personne peut moisir plusieurs mois durant à l’ombre avant de s’avérer, en fin de compte, innocente de toute charge.
En tout état de cause et moralité de l’histoire : personne ne veut et n’a le droit de s’ingérer dans le déroulement des affaires en justice, mais un minimum d’explications ne peut que faire du bien et mettre un terme aux rumeurs génératrices de polémiques, d’incompréhension et de confusions…
Noureddine HLAOUI