Il n’y a que ceux qui ont la berlue qui ne le constatent pas. La santé publique autrefois un réel fleuron et qui avait de la branche dans le monde entier, est un grand corps malade. En fait, le phénomène de sa dégradation ne date pas d’aujourd’hui, mais bel et bien, depuis une bonne vingtaine d’années, depuis cette ère ou le copinage était roi. C’est à partir du règne de deux fameuses familles, sans rentrer dans les détails, qu’elle a commencé à perdre sa cote.
Depuis 2011, elle est placée sous machine, et elle a besoin de réanimation, de soins intensifs, sinon il lui sera vraiment difficile de s’extirper de ce coma profond où elle gît. Une réforme, comme celles proposées par le Comité d’Analyses Économiques quant à l’état catastrophique des caisses de sécurité sociale par exemple, est plus que nécessaire. Il y a urgence.
On pleure dans les chaumières
Il y a quelques décades des jeunes médecins allaient observer des stages en France, et pour dire la vérité, techniquement, les médecins français n’étaient pas supérieurs, et il arrivait des fois que le sudiste sauvait bien des situations. Quand les plus fortunés de nous allaient se faire soigner dans les hôpitaux de l’Hexagone, il arrive qu’on les renvoie chez eux. Le même protocole de soins est pratiqué chez nous. Lors de leurs stages nos médecins apprenaient surtout la communication, l’éthique, le comportement, la discipline, les échanges interprofessionnels et publics, les relations… On ne parle jamais de l’état de santé d’un malade dans le couloir devant tout le monde comme cela se fait très couramment chez nous par exemple. On ne crie jamais dans les coulisses, on ne fume jamais une clope, on ne fait pas de bruit….
Au ministère de la santé depuis 2011 on navigue à vue. L’état des choses aurait pu changer avec Feu Slim Chaker, mais Dieu en a voulu autrement. Aucun ministre n’est sorti et a exposé un programme éclairé. Les rares propositions soumises n’ont jamais été suivies d’effets, donc sont restées lettres mortes. A-t-on solutionné le problème du manque des médicaments ? A-t-on pris au sérieux certains dossiers, tel que le mode menant à la rallonge de la moyenne d’âge même d’une année en plus, par exemple. Aucun ministre n’y a pensé. S’est-on dit que tel chiffre est alarmant, et qu’il faut trouver des solutions pour le réduire au maximum, et là je fais référence aux accidents de la route, à la profusion des cancers, et autres maladies dites de civilisation comme la toxicomanie, les maladies professionnelles, les maladies infectieuses ?… On se soucie de cela et bien plus comme d’une guigne.
L’émigration de 800 jeunes médecins
Les hôpitaux sont de plus en plus déserts comme le Sahara, et au Ministère s’est-on penché sérieusement sur cet épineux dossier ? Huit cents départs en 2018. On compte trente médecins anesthésistes-réanimateurs dans la promotion 2018, et tenez-vous bien vingt-huit d’entre eux ont quitté le pays trouvant de meilleures opportunités. Autre exemple, à l’hôpital de Kairouan on programme des opérations et puis on les annule parce qu’un anesthésiste-réanimateur manque à l’appel. La vie des gens est en danger dans des cas. Est-ce normal…
Il arrive des fois, souvent ces derniers temps, à causes d’affolantes offres émanant de l’étranger que des médecins fraîchement diplômés refusent de travailler dans le public pour plusieurs raisons, pour sauter ces occasions…
Pour le labeur qu’ils accomplissent ils sont sous-payés et de surcroît mal considérés, ils sont souvent agressés dans l’exercice de leurs fonctions, et certains sont exploités par leurs chefs hiérarchiques dont quelques-uns envoûtés et obnubilés par les dividendes de l’activité complémentaire, on ne les voit presque pas aux services, ne donnent que très rarement des cours et pour ce faire, ils chargent des résidents des fois en première ou deuxième année pour les remplacer, ce qui est contraire à la loi…
La santé va mal, très mal même. Les inégalités sociales en santé se creusent de plus en plus… Bien des patients sont très mal accueillis, bien des malades sont maltraités, et franchement l’inquiétude grandit de jour en jour, en ce temps de crise. La classe moyenne qui s’appauvrit de plus en plus, redoutant de ne plus avoir droit à des soins de qualité dans la santé publique, se plaint déjà de la qualité et de la compétence du personnel de la santé, tous métiers confondus.
Et les politicards ?
Le système actuel de la gestion de la santé publique est épuisé, au bord du gouffre. Ce qui me travaille le plus c’est qu’il est absent du débat politique lui qui est au cœur des premières préoccupations des citoyens. A tort ? A raison ? (Ces politicards que l’on voit s’en foutent car ils sont bien friqués pour se faire soigner dans le privé ou à l’étranger). Et ce n’est pas le grand pactole qui lui sera affecté aux fins d’ériger çà et là des établissements de santé, qui optimisera sensiblement l’état des choses. Mieux vaut privilégier d’abord un changement culturel profond. En l’état actuel des choses c’est un encouragement indirect aux magouilles, aux détournements des fonds, aux vols et à la corruption. Quand le gouvernement sera plus fort, quand les mentalités changent, là on peut bâtir et agrandir. Pour le moment il faut imaginer à d’autres solutions, pour d’abord dépenser moins et mieux, avoir le courage de favoriser et promouvoir un modèle plutôt qualitatif que quantitatif, lutter contre le vol, la fraude, l’absentéisme, les pots de vins, acheter des équipements sûrs et non douteux, former plus et mieux, créer des établissements pour l’hébergement et la prise en charge de personnes âgées, réformer les études médicales, épouser l’air du temps et donner aux futurs médecins un surcroît de connaissances, encourager la recherche, intégrer la télé médecine dans la pratique courante, afficher une meilleure solidarité envers les personnes les plus vulnérables, lancer et instaurer un personnel mobile qui se charge de la prise en charge de certaines personnes dont l’état ne nécessite pas réellement une hospitalisation dans le but d’avoir sous la main des lits en réserve dans les établissements, recruter encore plus du personnel là où il manque, ne jamais refuser le dialogue avec les futurs médecins (ils font partie de l’élite) même si on est ministre, donner leur de l’espoir, apprenez leur à aimer encore plus leur pays, trouver impérativement de nouveaux modes de rémunérations, de revalorisation des salaires si vous voulez les garder au pays, accorder une meilleure importance à la médecine préventive permettant à tout citoyen une maîtrise supérieure de son état de santé…
La réforme de la santé publique nécessite beaucoup de dialogue, incite tout le monde à un changement culturel profond et ce, à tous les niveaux, indispensable à la fondation d’une véritable politique de santé publique qui satisfasse tous les acteurs. C’est ainsi que nous pourrons concourir à l’optimisation de la santé et réduire un tant soit peu les inégalités sociales dans un premier temps, et ensuite préserver ce nouveau archétype de protection sociale, et l’améliorer au fil du temps.
Mohamed Ali Ezzine
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