-
La politique de la chaise vide ne sert pas la Tunisie…
-
Haftar n’appliquerait pas le cessez-le-feu parce qu’il contrôle la quasi-totalité du territoire libyen
Par l’Amiral Kamel Akrout*
L’absence de la Tunisie de la Conférence de Berlin sur la crise libyenne et le refus du président de la République de se rendre en Allemagne malgré l’invitation qu’il a qualifiée de « tardive » ont suscité de nombreuses réactions dans les milieux de la géopolitique tunisienne.
L’amiral Kamel Akrout, ancien conseiller principal à la sécurité nationale auprès du président de la République a décortiqué cette question dans une analyse qu’il a rendue publique dans un post sur sa page Facebook et dont voici le texte dans son intégralité :
« Ce que je retiens du sommet de Berlin :
– Sur la forme:
Les puissances en présence impressionnent par le niveau de représentativité des pays concernés et malgré l’absence de la Tunisie et le Maroc, pays de Skhirat.
Les participants au sommet de Berlin se sont prononcés en faveur « d’un renforcement de l’embargo sur les armes imposé à la Libye dans l’espoir de parvenir à un cessez-le-feu durable, et de ne plus interférer dans ses affaires intérieures, pour tenter d’y ramener la paix »!,
– Sur le fond:
A mon avis
*Aucun des présents ne croit vraiment en un cessez- le- feu durable, et a fortiori Haftar, car ce n’est pas de son intérêt, lui qui contrôle presque la totalité du territoire, de perdre du temps. Il sait que toute perte de temps joue contre lui et elle est à l’avantage de son adversaire et surtout de la Turquie.
*Haftar ne peut pas accepter le cessez-le-feu car il sait que ça va l’exposer au mécontentement des pays et des tribus qui le soutiennent, ainsi que de ses troupes pour lesquelles cette guerre commence à s’enliser et à trop durer.
*Haftar, par le fait d’arrêter l’exportation du pétrole avant la réunion de Berlin, a voulu montrer encore une fois qu’il contrôle les vannes.
*Aucune avancée sur le plan politique lors du sommet, le soutien à Sarraj par l’ONU et par la communauté internationale a trop duré, l’accord de Skhirat doit être revu, on ne peut pas gagner avec la passivité à la limite incompétence de l’équipe Sarraj, qui depuis 2015 n’a rien réussi, politiquement, diplomatiquement et surtout sur le terrain où elle ne contrôle que quelques quartiers de la capitale, malgré toutes les opportunités procurées par le soutien international. Aussi Sarraj, de par ses alliances, s’est mis sur le dos, beaucoup de ses partenaires , les dernier accords maritimes en sont un exemple.
*Pour revenir à l’accord de Berlin sur le respect d’un embargo sur les armes et de ne plus interférer dans ses affaires intérieures’, concernant le respect de l’embargo personne, dès à présent, n’y croit vraiment sauf si leurs services de renseignement respectifs leur ont caché , et j’en doute fort, le fait que la Libye est devenue un marché d’armes à ciel ouvert, et ici je ne parle pas des armes héritées par Kadhafi.
Concernant la deuxième partie de l’accord, ‘de ne plus interférer dans ses affaires intérieures,’ à mon avis presque tous les présents pour ne pas dire tous interfèrent dans l’affaire Libyenne, chacun a son agenda. Ce n’est pas la majorité de ces pays qui ont commencé la guerre et ont passé le témoin à d’autres présents de continuer à attiser le feu et continuer la tragédie et les souffrances du peuple Libyens.
*Le souci de la majorité des présents est comment contrôler l’immigration et aussi le ravitaillement d’hydrocarbures venant de Libye.
Concernant l’arrivée des migrants elle est plus au moins contrôlée, il y a même une baisse de leur nombre comparée aux années précédentes. Des camps d’accueil des migrants sur le sol libyens ont été même imposés à l’autorité de Tripoli.
Pour ce qui est du ravitaillement en hydrocarbures, il y a des pays qui profitent du statuquo, puisqu’ils contrôlent la production surtout à partir des plateformes en mer.
*Enfin la Tunisie dans tout ça??? Bien que nous soyons le seul pays qui n’a jamais fermé ses frontières avec la Libye, nous sommes les seuls à subir de plein fouet ce qui se passe actuellement en Libye, économiquement, socialement (plus d’un million de Libyens en Tunisie, ils nous tirent vers le bas), migration clandestine, et côté sécuritaire (les attentats majeurs ont été perpétrés par des Tunisiens entraînés et équipés en Libye) et l’effort de guerre (protection des frontières maritimes et terrestres) coûte cher au pays.
Ainsi la politique de la chaise vide ne sert pas la Tunisie, il nous a fallu défendre nos intérêts, en plus c’était une opportunité pour un président nouvellement élu pour un networking très utile.
*Ancien conseiller principal à la sécurité nationale auprès du président de la République