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Le chef du gouvernement chargé fait le dispatching au sein de l’ARP en décidant des partis qui doivent rester dans l’opposition
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« Les Tunisiens, ayant voté contre Kaïs Saïed, se sont condamnés à rester dans l’opposition », dixit M. Fakhfakh
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Elyès Fakhfakh avoue ignorer les raisons ayant amené Kaïs Saïed à le choisir. Gravissime !!!
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Pour réussir, le futur gouvernement doit dire toute la vérité, rien que la vérité au peuple sur l’état concret des lieux
Au lendemain des premières tractations avec les responsables des partis politiques, Elyès Fakhfakh, chef du gouvernement chargé, a tenu une conférence de presse, ce matin du vendredi 24 janvier 2020 dans laquelle il a fait des éclairages sur la démarche qu’il a suivie et va suivre pour la formation de son cabinet aussi bien sur le plan de forme qu’à celui du fond.
Prié de s’expliquer sur l’absence de Qalb Tounès des tractations, il a répondu qu’il a agi ainsi parce qu’il veut être fidèle à ce que veut la majorité des Tunisiens ayant plébiscité le président de la République Kaïs Saïed, donc selon lui, ayant choisi la ligne révolutionnaire.
Ainsi, M. Fakhfakh s’est mis à distribuer les « chèques » d’aptitude ou non à faire partie du gouvernement avant même d’avoir discuté avec les parties concernées.
Tout d’abord, il indique que le Parti destourien libre (PDL) n’a pas été invité aux pourparlers. Faux, Abir Moussi a précisé, d’entrée, que son « parti n’acceptait pas de mettre la main dans celle de celui qui, quand il était ministre des Finances sous la Troïka, avait signé la décision d’octroyer 1500 millions de dinars à titre de compensations aux islamistes, alors que son prédécesseur, Houcine Dimassi, avait refusé d’obtempérer.
Ensuite, il annonce la mise à l’écart du parti de Qalb Tounès de toute tractation pour la formation du gouvernement. Son argument, ce parti a voté contre Kaïs Saïed au second tour de la présidentielle.
Alors, de deux choses l’une. Ou bien c’est le président de la République qui aurait imposé cette approche, ce qui est contraire aux dispositions de la Constitution stipulant que seul le chef du gouvernement est habilité à décider de la composition de son cabinet.
Ou alors, c’est lui-même qui a pris la décision, est c’est gravissime dans le sens où ayant été désavoué par les Tunisiennes et les Tunisiens qui étaient seuls 11 mille à voter pour lui à l’élection présidentielle, Elyès Fakhfakh n’hésite pas à s’ingérer dans les affaires de l’Assemblée des représentants du peuple en décidant, indirectement, qui y doit rester dans l’opposition ou non !
Pourtant, tout en remerciant le chef de l’Etat de l’avoir nommé pour cette mission, il avoue qu’il ne sait pas pour quelles raisons il a été choisi. Et c’est encore gravissime.
Or, on se rappelle que, dans un premier temps, son prédécesseur à Dar Dhiafa avait opté, au départ, pour la même configuration, à savoir la quintette, Ennahdha, Attayar, Echaâb, Tahya Tounès et El Karama, avant de s’en détourner suite aux exigences du bloc démocratique, qualifiées d’irrecevables.
M. Fakhfakh parle de l’option de la ligne révolutionnaire. On veut bien le croire, mais que veut-il dire par ligne révolutionnaire ? Comment peut-on classer le parti de Rached Ghannouchi dans cette catégorie alors qu’il s’est toujours distingué par son approche libérale et pragmatique tout en s’alliant à des barons de l’ex-RCD ?
Comment peut-on classer Tahya Tounès dans la même catégorie révolutionnaire alors qu’il est issu du Nidaa et aussi libéral, pragmatique et opportuniste que le parti d’Ennahdha ?
Et comment peut-on classer El Karama comme révolutionnaire alors qu’il est composé d’anciens membres des tristement célèbres Ligues de protection de la révolution, pourtant dissoutes par la justice. Sans oublier que bon nombre de ses adhérents ont eu des démêlées avec la justice pour des affaires de droit commun, d’évasion fiscale et, surtout, pour des soupçons de liens avec les milieux extrémistes voire terroristes comme c’est le cas de Maher Zid, condamné à plusieurs reprises à des peines de prison ferme.
En tout état de cause, l’atout majeur de M. Fakhfakh est cette hantise des élus à l’ARP de perdre ce privilège en cas de législatives anticipées s’ils ne votaient pas en faveur pour le futur gouvernement. Mais entretemps, le peuple tunisien veut que M. Fakhfakh lui dise toute la vérité et rien que la vérité sur son plan de faire sortir le pays de la crise.
Autrement dit, nous voulons savoir les mesures concrètes pour remédier à l’endettement-record, à la détérioration du pouvoir d’achat, au taux de chômage toujours très élevé, à l’inflation persistante, à la parité érodée du dinar tunisien face au dollar et à l’euro, à la situation alarmante des caisses sociales et des entreprises publiques, et on en passe.
Finissons-en avec les slogans et les généralités et affrontez le peuple en lui disant, d’abord, la vérité sur l’état des lieux et quelles mesures prioritaires, même douloureuses, vous allez entreprendre pour rétablir la confiance avec les citoyens ?
La franchise avec le peuple est la seule voie pour repartir du bon pied car ce peuple « ne veut pas, tout court » comme se plaît à le crier le président de la République, mais il veut que le prochain gouvernement réussisse pour le bien de tous. Dans le cas contraire, personne n’aimerait même y penser !!!…
Noureddine HLAOU