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À lui seul, Donald Trump personnifie cette ruine morale et intellectuelle de la planète tout entière.
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Les monstres n’ont pas arrêté de surgir. Ils s’échappent aussi bien des prisons que des urnes.
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« Le peuple veut !» Qu’en est-il de ce slogan dangereux, annonciateur de bien des chambardements ?
Par Abdelaziz KACEM
Le philosophe italien Antonio Gramsci, longtemps, parangon de la gauche, définissait la crise sociale et politique, en ces termes : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Le monde arabe, le monde entier, à vrai dire, passe par une période d’encanaillement inédite dans l’histoire moderne. À lui seul, Donald Trump personnifie cette ruine morale et intellectuelle de la planète tout entière.
En Tunisie, cela fait neuf ans que ce clair-obscur persiste. Les monstres n’ont pas arrêté de surgir. Ils s’échappent aussi bien des prisons que des urnes. Et l’on ose parler de « dignité », et l’on ose réclamer le respect des Nations, alors que nous avons dilapidé un énorme capital sympathie amassé aux premiers jours du soulèvement. Aujourd’hui, notre démocratie s’attire des quolibets, on en rit sous cape. Des représentants des LPR, de sinistre mémoire, siègent désormais à la Chambre des Députés. Qui l’eût cru ? Ils ne rêvent que plaies et bosses. Ils ont même ouvert la porte du Parlement à leurs voyous lâchés contre une élue, Abir Moussi, accusée de lèse-ghannouchisme.
Cheikh Rached est libre de se plier aux injonctions de son Seigneur et Maître, l’inqualifiable calife du Bosphore, mais il doit impérativement se dessaisir de sa charge de Président de l’Assemblée. On le dit aux abois. Il n’est qu’affaibli. Le nombre de ceux qui souhaitent son départ, y compris dans son propre camp, s’accroît. À regret, je ne partage pas ce souhait et pour cause. Les dauphins pourraient s’avérer pires que le parrain et la fin du « Frèrisme » n’est pas pour demain. Et si le danger était ailleurs ?
Pour l’heure, une atmosphère délétère d’impéritie empêche le système de former un gouvernement, un tant soit peu acceptable. Pour évident que soit leur mauvais casting, en amont et en aval, nos dirigeants, eux-mêmes mal élus, semblent éviter par-dessus tout de faire appel aux compétences réelles du pays.
N’eût été la gravité de la situation, les humoristes se seraient saisis de tout le comique que recèlent les inconsistantes consultations des deux chefs de gouvernement pressentis. Il n’y a qu’à voir le faciès ébahi et presque idiot de consultés, si peu consultables. Et ce n’est pas faute d’y avoir longuement réfléchi, que je ne suis pas arrivé à comprendre pourquoi M. Fakhfakh a cru devoir déclarer exclure Qalb Tounis et le PDL de ses conciliabules, s’attirant une cinglante réplique d’une Abir Moussi aguerrie et plus que jamais offensive. Dans l’ancien régime, l’ostracisme se faisait, mais ne se disait pas.
« Le peuple veut !» Qu’en est-il de ce slogan dangereux, annonciateur de bien des chambardements ? C’est avec une certaine inquiétude que j’ai regardé, dimanche, sur « Attessia TV », la longue interview consacrée à M. Ridha Lénine, théoricien sans charisme d’une véritable déconstruction des structures de l’État, et, dit-on, éminence grise de la Présidence. À la fin de l’émission, mes appréhensions se sont largement dissipées. Certaines utopies relèvent de l’hallucination. Celle que l’on nous promet est de celles-là. Mais que de temps les bricoleurs alliés à des illuminés nous feront perdre !