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Conflit d’intérêts entre Ahmed Gaâloul, ministre des sports, son fils et la FTF
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Elyès Fakhfakh, Mohamed Abbou et Chawki Tabib appelés à trancher dans le hold-up fait sur la Fédération des jeux électroniques
Encore une affaire lugubre et sentant un soupçon de corruption et de coup fourré. Une affaire traitée et conclue dans les chambres noires sans la moindre communication auprès de l’opinion publique.
En effet, Ali Gaâloul, fils d’Ahmed Gaâloul, ministre de la Jeunesse et des Sports, qui n’a que 22 ans, semble sur le point de faire main basse sur la Fédération Tunisienne des Sports Electroniques (TunESF). Mais voyons, d’abord l’enchaînement des faits.
La TunESF a été créée en novembre 2018 afin de structurer ce secteur en poussant les jeunes à rejoindre des associations pour que l’activité soit conforme à la loi sportive.
Le bureau fondateur de la TunESF est présidé par Ahmed Cheikhrouhou, (Co-fondateur, CFO, président du Conseil d’administration de POLYSMART S.A, Vice-président de l’Union arabe des sports électroniques (ARESF), membre fondateur de la French Tech Tunisie et vice-président de l’association « Tunisian Association of Gamers » active depuis 2013 et représentante de la Tunisie à la Fédération internationale d’eSport. Cette association a représenté la Tunisie dans les coupes du monde 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019.
Après sa création, la TunESF a réussi à attirer les plus grands clubs de foot qui ont créé des sections eSport comme l’Espérance Sportive de Tunis, le Club Africain, l’Etoile Sportive du Sahel, le Club Sportif Sfaxien, la Jeunesse Sportive Kairouanaise, le Stade Tunisien et le Club Sportif d’Hammam Lif afin de prendre en charge les jeunes qui veulent s’initier à ce sport dans toutes les régions du pays.
La même TunESF a pu accompagner la création de 5 associations spécialisées en eSport, ce qui a contribué à la reconnaissance au statut de joueur eSport en tant que métier. D’ailleurs, en février dernier, un joueur de l’Espérance a vu sur sa carte d’identité nationale mentionné dans la case métier « joueur de sports électroniques »
Avec la médiatisation de ce nouveau sport et des joueurs et associations, une formation des entraîneurs et une autre pour les arbitres ont été assurées. D’ailleurs, juste avant cette crise sanitaire, les 12 associations membres ont communiqué les coordonnées de 400 joueurs, ce qui a permis à la Fédération de préparer le lancement des compétitions nationales avant d’organiser des élections permettant d’élire un nouveau bureau fédéral
Or, au moment où la TunESF s’activait pour asseoir les fondements de cette activité sportive électronique, le ministre des Sport de ce nouveau gouvernement, secrétaire d’Etat à l’époque voulait dès avant 2018, s’accaparer cette fédération vu que son fils est un joueur. Il avait même proposé à la ministre Majdouline Cherni d’inclure cette activité dans la fédération de Taekwondo qu’il présidait.
Lorsqu’il occupait en 2019 le poste de secrétaire d’Etat au Sport, il a échangé des mails avec des amis de son fils pour le lancement d’un événement alors que légalement la TunESF est responsable de cette activité sportive en Tunisie et il devait la consulter en étant une institution bénéficiant d’un financement public. Pourtant le président de la TunESF a été reçu au ministère à plusieurs reprises.
Aujourd’hui, en tant que ministre, il compte sur son ami proche le président de la FTF pour que son fils et ses amis lancent des événements eSport afin de marginaliser la TunESF d’un côté puis de se l’accaparer en lançant une inspection interne.
Mais sentant une action sérieuse et légale pour le contrer, le ministère a vite fait de décider l’envoi, le 15 avril 2020, d’une inspection administrative à la TunESF qui, normalement, devait achever sa mission dans un délai d’une dizaine de jours. Mais voilà qu’à la surprise générale et à peine 48 heures après, le ministère prend la décision de dissoudre ladite fédération, selon Me Ali Abbès, avocat spécialiste dans les affaires sportives. Motif de la dissolution, vague et confus : «La TunSEF n’a pas tenu son assemblée générale et n’a pas réalisé les objectifs qu’elle s’est fixés dans le dossier présenté lors de sa constitution… ».
Il s’agit, selon toute vraisemblance d’un coup prémédité dans la mesure où la FTF, par le biais d’un communiqué en date du 29 mars 2020, annonçait, déjà, des compétitions eSport en collaboration avec le ministère sans revenir à la Fédération eSport.
Contacté par la TunESF, le SG de la FTF a indiqué que c’est un dossier sur lequel il travaille avec le ministère et a promis de revenir vers elle, chose qu’il n’a pas faite. Une correspondance officielle a été adressée, dans ce sens au ministère, restée sans réponse.
2ème élément : le fils du ministre, Ali Gaâloul, a fait une vidéo live pour inciter les joueurs à participer au tournoi eSport que la FTF va lancer en mai 2020. Il dit texto que la FTF va investir d’énormes sommes d’argent, qu’il faut soutenir cette initiative car ça permettra aux joueurs (en l’occurrence lui en premier), de bénéficier des rentes de la publicité.
Aujourd’hui, le fils du ministre se rend au ministère avec ses amis pour préparer l’organisation de cet événement avec les fonds de la FTF aux dépend d’une institution créée par ce même ministère avec des fonds publics qui n’auront alors servi à rien
Sans vouloir tirer des conclusions hâtives, pourtant évidentes, un appel est lancé au chef du gouvernement, au ministre Mohamed Abbou, champion de la lutte contre la corruption et à Chawki Tabib, président de l’Instance nationale indépendante de lutte contre la corruption (INLUCC) pour se pencher sur le dossier entaché d’une présumée corruption, et mener une enquête sérieuse sur ce qu’on peut qualifier de hold-up sans oublier le conflit d’intérêts entre la FTF et le fils du ministre de la Jeunesse et des Sports.
Noureddine HLAOUI