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Une atmosphère jamais vue depuis plus de 60 ans !
A cinq mois de l’élection présidentielle américaine, Donald Trump est confronté à un climat de tension inédit depuis les années 1960, une semaine après l’homicide d’un homme noir par un policier dans le nord du pays. Pour notre invitée Elodie Grossi, Maîtresse de conférences à l’Université de Toulouse-Jean Jaurès, le champ lexical de Donald Trump contribue à « attiser les frustrations », dans un contexte « d’accumulation » de celles-ci. Analyse.
La mort de George Floyd, tué lors de son arrestation à Minneapolis, ravive les profondes blessures de l’Amérique, une fois encore. Car les plaies n’ont jamais été vraiment refermées, en témoignent ces nouvelles manifestations à travers de nombreuses grandes villes américaines pour dénoncer le racisme, présent dans la police, mais pas seulement.
Le racisme, une réalité qui continue de perdurer. Une réalité chiffrée en 2019 par l’Académie des sciences américaine : les hommes afro-américains ont 2,5 fois plus de chances d’être tués par la police au cours de leur vie que des hommes blancs. Les femmes afro-américaines ont quant à elles 1,4 fois plus de chances de l’être comparé à des femmes blanches.
Ce mouvement de contestation s’est exprimé de façon majoritairement pacifique le jour, mais a aussi donné lieu à des embrasements nocturnes, des pillages et des destructions à grande échelle.
Ni le renvoi de l’agent coupable de la bavure, Derek Chauvin, ni son arrestation postérieure n’ont calmé les esprits, bien au contraire: les protestations se sont propagées dans au moins 140 villes américaines.
Face aux affrontements mêlant manifestants, casseurs et forces antiémeute, les soldats de la Garde nationale ont été déployés dans plus de deux douzaines de métropoles, dans un climat de tension inédit depuis les années 1960.
Une réponse sécuritaire d’ampleur qui s’est accompagnée d’un recours à des véhicules blindés de transport de troupes, à l’utilisation de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.
Chicago, Denver, Los Angeles, Salt Lake City, Cleveland, Dallas, Indianapolis : une à une les métropoles américaines ont décidé d’imposer un couvre-feu à leurs habitants. A Washington, l’heure de celui-ci a été avancée lundi à 19h.
Mais ces manifestations ne sont pas nouvelles. Comme celles-ci ponctuent régulièrement la vie de la société américaine et le thème du racisme resurgit souvent dans le débat, de manière brutale et dramatique, comme ce fut le cas à Baltimore en 2015 ou à Ferguson en 2014.
Alors, qu’est-ce qui est différent cette fois ? « On peut voir qu’on est dans un contexte de frustrations accumulées depuis la création du mouvement Black Lives Matter en 2013 avec de nombreuses violences policières depuis le début des années 2010 », explique Elodie Grossi, Maîtresse de conférence à l’Université de Toulouse – Jean Jaurès.
« On a aussi un contexte où le président américain utilise beaucoup les réseaux sociaux et attise les frustrations avec des mots très violents comme ‘voyou’ (…) Ces protestations interviennent dans un climat de défiance plus général vis-à-vis de l’administration Trump », analyse-t-elle.
Le président Trump, confronté aux désordres civils les plus graves de son mandat, a fustigé des « anarchistes ». Lundi, le milliardaire républicain a exhorté les gouverneurs des Etats fédérés à la fermeté, en les appelant, lors d’une téléconférence, à « prendre le dessus » sur les manifestants.
Depuis son retour de Cap Canaveral samedi soir, Washington bruisse de rumeurs d’une allocution présidentielle solennelle, d’une prise de parole forte, dans un pays par ailleurs secoué par la pandémie du Covid-19 qui a provoqué une brutale crise économique et fragilisé les plus démunis.
Mais reclus dans la Maison Blanche, Donald Trump est resté invisible et muet dimanche, si l’on excepte une série de tweets visant tour à tour les médias ou les élus démocrates manquant à ses yeux de fermeté.
Tiraillé, hésitant, les yeux rivés sur sa base électorale, Donald Trump cherche une réponse face à la colère. Car il le sait, ces événements pourraient influer grandement la campagne présidentielle, à cinq mois seulement de l’élection.