-
De nombreuses questions et des zones d’ombre exigent des clarifications précises.
-
Quel devenir pour la Serpol ? Les actions du chef du gouvernement seront-elles carrément vendues
-
Fakhfakh qui a, en quelque sorte, trompé l’Etat et tous les Tunisiens, est-il bien placé pour combattre la corruption ?
Le crédo officiel du gouvernement actuel, dit, redit et ressassé, est la lutte contre la corruption. Il faut dire qu’avec un Elyès Fakhfakh qui affirme avoir été choisi parce qu’il est l’homme le plus propre dans le pays et parce qu’il a la plus forte personnalité, un Mohamed Abbou qu’on affuble du sobriquet, « Monsieur Propre » et un Ghazi Chaouachi qui se veut être le champion de la régularisation de la situation des biens et des avoirs confisqués, les Tunisiens croyaient qu’ils allaient engranger, en un tournemain, des milliers de millions de dinars.
Mais ironie du sort, les faits sont venus contredire les attentes. Et c’est le chef du gouvernement, sensé donner le premier exemple qui se retrouve impliqué dans un scandale qu’on s’accorde, d’ores et déjà à désigner par « Fakhfakh gate ». Il est, ni plus ni moins, actionnaire dans une société spécialisée dans l’environnement qui traite exclusivement avec l’Etat tunisien.
Après la fuite de cette anomalie, par un pur hasard lors d’une interview en direct, le chef du gouvernement a eu l’audace de s’en prendre au journaliste : « Non, il n’ya pas de conflit d’intérêts, osait-il prétendre. Ne me dites pas que vous vouliez un chef de gouvernement qui croisait les bras à la maison ?!… Et puis, c’est juste une participation de moins de 30%, essayait-il de minimiser l’ampleur de son implication…».
Mais, suite à une plainte déposée par un député assurant que M. Fakhfakh disposait, en réalité et suite à un montage financier, des deux tiers du capital de la dite société, Serpol, l’affirmation de Chawki Tabib, président de l’Instance de lutte contre la corruption (INLUCC) est venue enfoncer le clou en affirmant qu’il s’agit, bel et bien d’un conflit d’intérêts et qu’une correspondance a été adressée à Fakhfakh pour qu’il régularise sa situation dans un délai de 30 jours.
A peine quelques heures après, Ayachi Hammami, ministre des Droits de l’Homme et des Relations avec la Société civile et les Institutions constitutionnelles, a accouru à la rescousse de son « patron », pour tenter de minimiser encore plus ce méfait. « Le chef du gouvernement a bien reçu la correspondance et a déjà entamé la procédure de se débarrasser de ses actions dans la société prouvant, ainsi, sa bonne foi et son honnêteté. L’affaire est classée… ».
Ce branle-bas observé chez la garde rapprochée d’Elyès Fakhfakh prouve qu’elle a voulu parer au plus pressé et faire étouffer le scandale. N’empêche qu’en réalité le scandale persiste surtout que de nombreuses questions et des zones d’ombre exigent des clarifications précises.
Tout d’bord, il faut dévoiler le pourcentage et le montant exact de la participation de Fakhfakh dans la société, il faut dévoiler le vrai « devenir » des actions incriminées. Vont-elles être définitivement vendues ? Si oui, à qui ?
Selon des experts, le chef du gouvernement pourrait mettre sa propriété des actions en « sourdine » en négociant avec des SICAR ou d’autres parties privées, la prise en portage pour quelques années de ses participations dans les affaires qui bénéficient de marchés publics. En définitive, tout un manège sans la moindre transparence
La société en question continuera t-elle à bénéficier des marchés avec l’Etat tunisien ? Et tant qu’on y est, comment cette société de M. Fakhfakh avait-elle obtenu ce marché exclusif avec l’Etat ? C’est-à-dire quand, par quel procédé (appel d’offres ou de gré à gré) et le montant exact de la transaction ?
Autant de points d’interrogations à éclaircir au lieu de ce tour de passe-passe qu’on est en train de faire gober à l’opinion publique. Car, après les paroles d’Ayachi Hammami, les lieutenants du chef du gouvernement ont l’air de dire qu’il faut « arrêter la cabale contre l’homme à la plus forte personnalité dans le pays ». Sous d’autres cieux plus démocratiques, Elyès Fakhfakh aurait eu de vrais comptes à rendre et aurait connu un autre sort…
L’autre Monsieur Propre de ce gouvernement est le super ministre d’Etat charge de la Fonction publique, de la gouvernance et de lutte contre la corruption, n’a traité jusqu’à présent aucune affaire de corruption. L’affaire de la voiture bousillée, probablement, par la fille d’un autre super ministre d’Etat, Anouar Maârouf, se trouve devant la justice et Mohamed Abbou s’en lave les mains.
L’affaire des masques impliquant un député et le ministre de l’Industrie, RAS selon M. Abbou, Le voyage de Mongi Marzouk pour passer les vacances de l’Aïd chez sa famille à Paris, RAS puisqu’il avait été « autorisé » par le chef du gouvernement.
L’affaire des 21 douaniers mis à la retraite d’office par un simple trait de stylo du ministre des Finances qui aurait « obéi », ainsi, aux ordres de M. Abbou, sachant que par un simple décret gouvernemental, l’âge de départ à la retraite des hauts officiers et cadres de la douane sera ramené à 57.
Motif non avoué, « limogeage déguisé de centaines de douaniers dont on veut se débarrasser mais pour « prétendus et présumés soupçons de corruption mais sans qu’on puisse déceler la moindre preuve… ». Et logiquement, on va sacrifier de bons éléments qui n’ont rien à se reprocher.
Deux hics à relever dans cette procédure : D’abord, il s’agirait d’une sanction collective qui est contraire à toute approche équitable. Ensuite, on se demande si le gouvernement Fakhfakh est-il habilité à gouverner encore par simples décrets.
En tout état de cause, un gouvernement dirigé par un Elyès Fakhfakh, sur qui pèsent de sérieuses suspicions en tant qu’auteur de conflit d’intérêts portant sur de des dizaines de millions de dinars, peut-il avoir l’autorité morale et légale nécessaires pour faire débarrasser le pays des affaires de corruption ? En effet, moralement, M. Fakhfakh qui a, en quelque sorte, trompé l’Etat et tous les Tunisiens, est-il bien placé pour juger qui est corrompu et qui, il ne l’est pas ?!
Toutes ces questions pourraient lui être posées lors de son passage programmé pour le 25 juin courant devant l’ARP.
Noureddine HLAOUI