- N’est-il pas temps de nous débarrasser de « la meilleure Constitution du monde »?
- N’est-il pas temps de dissoudre l’ARP, ce repaire où la République est prise en otage et où agonise une démocratie née avant terme ?
Par Abdelaziz KACEM
Avec ou sans conflit d’intérêts, Ennahdha avait décidé d’abattre un Fakhfakh indocile et, par-delà, écorner le Chef de l’État, son mentor. Le sens moral n’y est pour rien dans les révélations des actions du CDG dans des sociétés qui auraient bénéficié de sa position. Les agents disséminés dans l’administration, par qui l’on sait, sont à l’origine des fuites. Je laisse aux pontifes le soin d’enfoncer ces portes ouvertes. Je laisse aussi aux spécialistes du Renseignement de nous expliquer les derniers développements d’El Kamour où l’on a vu le manitou du « harak » portant un tee-shirt en provenance d’Istanbul.
Pressée par le Calife Erdogan, l’Organisation secrète n’est-elle pas en train de déployer sa 5ème colonne ?
On a beau épiloguer sur les hautes compétences dont le Tunisie dispose. Le prochain gouvernement est d’ores et déjà voué à l’échec. Même s’il arrive à sortir victorieux de l’humiliante passe du Bardo, il ne saura ni remettre en marche la CPG, ni rétablir l’ordre dans les régions qui ont pris le mors aux dents. La culture du non travail se développe. La culture de l’inculture aussi.
Nous autres, intellectuels survivants d’une Tunisie meilleure, nous connaissons parfaitement le mal qui ronge la patrie. Nous en connaissons aussi le bon remède. Mais le malade, à l’esprit ravagé par tant de débilitantes superstitions, n’est pas en mesure de recevoir les soins nécessaires. Aux temps glorieux, l’école combattait les sornettes, à présent elle les consolide.
Cela fait presque dix ans, que nous tombons de Charybde en Scylla et point n’est besoin d’être un grand devin pour entrevoir les catastrophes à venir. Je me retourne, que vois-je ? Le bédouinisme atteint citadins et universitaires, un grand nombre d’avocats, de médecins, d’ingénieurs, tous séropositifs. La piétaille ne m’intéresse pas. Disciple de Nietzsche, ce sont les détails qui retiennent mon attention. C’est là que se cache le diable. Quelques exemples :
Une jeune blogueuse bien naïve, Emna Charki, a partagé et rapidement effacé un statut intitulé « Sourate du Corona ». Une plaisanterie sans prétention littéraire ni idéologique. La justice est tellement en émoi qu’elle se saisit de cette affaire du siècle, plus importante que celles de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi et, en dépit du confinement, convoque, interroge, juge la blasphématrice et la condamne, en vertu de l’article six de la Constitution, à six mois de prison ferme et à 2 000 dinars d’amende. Va pour la prison, mais l’argent, où la chômeuse ira-t-elle le chercher ? S’il venait à être confirmé en appel, ce jugement ferait jurisprudence et mon propos, lui-même, tomberait sous le coup de la loi.
La tête de la jeune fille est impunément mise à prix par toute la racaille intégriste. C’était prévisible. Mais je reste pantois devant un éminent psychiatre, censé être en empathie avec les âmes anxieuses, avides de liberté et d’essor. Il décide, sur son mur FB, de troquer son honorable blouse blanche contre la robe d’un inquisiteur et réclame que l’on inflige six ans et non six mois à la mécréante. Pour mettre fin à des surenchères d’un autre âge, n’est-il pas temps de nous débarrasser de « la meilleure Constitution du monde »?
C’est la faute à l’école. La scène se passe dans une salle d’examen du bac. Un professeur surveillant se dit perturbé par le rouge à lèvre de sa collègue. Il s’en plaint et le chef du centre la remplace par une voilée. À lui seul, cet enseignant au bas ventre aussi chatouilleux résume tout le tragique de l’école tunisienne, naguère, elle libérait l’homme de ses bas instincts. Je salue au passage la collègue Meriem Bouzid, professeur de philo de son état. Puisse-t-elle garder son rouge à lèvres envers et contre tous les tartufes. La beauté n’est indécente qu’aux yeux des hideux.
De l’école, passons à la grande Citadelle. Lorsque l’irréprochable pourfendeuse des ripoux, la moderne, la très libérée, Samia Abbou mijote avec Becher Chebbi, l’un des nahdhaouis les plus fanatiques, un mauvais coup, un acte de mauvaise foi, contre « la chienne » Abir… Cela ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. L’erdoganiste Noureddine Bhiri, qui n’a aucun sens du ridicule, dénonce un complot égypto-émirati visant à fomenter un coup d’État en Tunisie avec la complicité de Abir… Elle encourt la pendaison.
Toujours sous la coupole du Bardo, au nom des LPR de sinistre mémoire, dans un langage digne d’un voyou de la pire espèce, Seif Makhlouf déblatère, menace Abir… l’empêcheuse de tourner en rond, celle qui veut détrôner le parrain.
Pire encore, elle ose interdire l’accès à l’enceinte du parlement aux terroristes invités à repérer les lieux. La vulgarité obscène des élus takfiristes à l’égard d’Abir, en tant que femme, ne soulève aucune protestation auprès des femelles de l’Hémicycle. Ô rancœurs irrationnelles, imbéciles, indignes.
Lorsque les Sit-inneurs du PDL, Abir en tête, sont enfermés à double-tour sous la Coupole du Bardo, dans une obscurité totale, et importunés par une musique de mauvais goût, en attendant les forces de police requises par Cheikh Rached en personne, nous assistons à un véritable Karakouz parlementaire.
Outre Abir, le furibond Seif Makhlouf offense Kaïs Saïed, agresse la Garde républicaine, insulte les journalistes, sans compter ses outrages à magistrat. Jusques à quand va-t-il bénéficier d’une immunité complice ? N’est-il pas temps de dissoudre l’ARP, ce repaire où la République est prise en otage et où agonise une démocratie née avant terme ? Trêve de mensonges ! La demande de Dieu évacue la démocratie.
De nouvelles élections législatives s’imposent. Je ne me fais pas d’illusion. Le parti Ennahdha ne disparaitra pas du paysage. Ces gens-là bénéficient de puissantes protections et puis, ils sont riches et leurs finances échappent à tout contrôle. Mais au vu du mélodrame qui se joue de nous, devant nous, un sursaut salvateur des électeurs viendrait-il corriger un tant soit peu la donne ? Cela vaudrait la peine d’essayer…
A.K