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S’il avait un peu de dignité, le cheikh devrait démissionner, car moralement il n’a plus de place au Bardo
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• Chapeauté par Nabil Karoui, Qalb Tounès, un groupe « bâtard », soumis aux pressions et aux « offres ».
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Parti ou simple bloc, El Karama doit être soumis à une vérification pour décider s’il constitue une entité légale ou « hors-la-loi »
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Surprenant Hichem Ben Ahmed qui se révèle sous son vrai visage en se ralliant au chef de la secte frériste
L’actualité nationale est de plus en plus folle. Des tractations pour la formation d’un nouveau gouvernement par le ministre de l’Intérieur, Hichem Mechichi, rejet d’une motion de retrait de confiance au président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et même le Covid-19 est en train de faire un retour, timide certes, mais qui menace de se transformer en une deuxième vague aux conséquences imprévisibles.
Il est trop tôt de faire des projections sur l’évolution du Coronavirus, il en est de même pour le la formation du futur cabinet gouvernemental dans le sens où il faut attendre l’entrée en scène des acteurs politiques, notamment ceux des partis. Même s’il faut mettre en exergue le fait qu’après une semaine de concertations, aucun politicien ni cadre de parti n’a été reçu par le chef du gouvernement chargé, très avare, à juste titre d’ailleurs, en déclarations aux médias.
Par contre, le dernier épisode à l’ARP a été riche en rebondissements et en enseignements, significatifs quant à la configuration future du paysage politique et partisan. Tout d’abord, on a la certitude que le parti islamiste d’Ennahdha n’a plus son aura des premières années d’après 2011 dans la mesure où il ne doit ses succès relatifs qu’à l’état de dispersion de la famille dite démocrate, moderniste et progressiste.
Pour preuve, à chaque fois que cette « famille » a uni ses rangs, elle a battue de la manière la plus cinglante la solide coalition Ennahdha/EL Karama. On citera, entre autres, la chute du gouvernement Jemli, pourtant concocté par Rached Ghannouchi and Co, la chute du projet de loi instituant le fonds de la « zakat » et la défait du représentant d’El Karama, Yosri Dali pour le poste de 2ème vice-président de l’Assemblée.
Sans chercher midi à quatorze heures et sans trop « philosopher », la raison de ces situations réside, à chaque foi, dans la position et le vote des élus du parti Qalb Tounès de Nabil Karoui.
Mais pourquoi ces va-et-vient de ce parti, pourtant censé faire partie de la famille démocrate moderniste ?
Une remarque s’impose : chaque fois qu’il s’agissait de sauver la « tête » et l’avenir de Rached Ghannouchi, Nabil Karoui pèse de tout son poids auprès des siens à Qalb Tounès pour sauver son « cheikh », alors que lorsqu’il s’agissait de situation n’impliquant pas directement le patron d’Ennahdha, il est positionné contre les obscurantistes.
C’est dire qu’il va falloir creuser de ce côté, à savoir une recherche quant à la vraie nature des vraies relations entre les deux hommes. Y a-t-il des dossiers confondant Nabil Karoui et que seul le cheikh détient ? Pourtant, le patron de Qalb Tounès et de Nessma a crié haut et fort qu’aucune partie n’a porté de plainte contre lui : « Ce qu’il y a n’est autre qu’une «sabba » (moucharderie) de la part de I Watch.
Pourtant, lorsque Nabil Karoui présentait une menace pour la candidature de Kaïs Saïed, favori des islamistes lors du second tour de la présidentielle après la défaite de leur candidat, Abdelfattah Mourou, Ennahdha, associé à l’époque à Youssef Chahed, a sorti le grand jeu pour l’écarter une fois pour toutes.
Depuis, on assiste à une sorte de « lune de miel » entre les deux dirigeants. Ghannouchi n’oubliera jamais que le patron de Qalb Tounès lui a permis de réaliser son rêve de devenir « Monsieur le Président», car le chef du parti islamiste a tout fait, depuis son élection au Bardo, pour paraître dans l’habit du chef de l’Etat en se comportant en tant que tel malgré les mises en demeure de Kaïs Saïed.
En effet, c’est à cause de ce comportement et bien d’autres en gérant les affaires de l’ARP comme il s’agissait de sa propriété privée, que les voix se son élevées réclamant sa destitution avec pour chef de file, la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi qui a réussi, par des actions légales et basées sur des argumentations logiques et étayées par des documents concrets, à faire perdre son aura à Ghannouchi, que ses inconditionnels ont toujours présenté comme « tant un personnage sacré et intouchable.
Abir Moussi a réussi, par son acharnement pacifique et ses actions «enquiquinantes », à faire du « cheikh » une personne quelconque que tout un chacun peut attaquer, critiquer, voire ridiculiser comme l’ont fait, outre Abir Moussi, les Fayçal Tebbini et Mongi Rahoui allant jusqu’à lui lancer à la figure, en pleine séance plénière, le fameux slogan : « ya Ghannouchi ya………….. ».
Et puis, ce qui était une simple idée est devenu une réalité, voire une véritable menace pour le « cheikh ». La motion de retrait de confiance à Ghannouchi a fini par récolter 73 signatures, en plus des 16 du PDL.
C’est, donc, une motion affaiblie qui a té présentée à cause de l’arrogance des « tayyaristes » qui continuent à adopter une position figée par rapport au PDL et sa présidente Abir Moussi. Les tayyaristes semblent ne pas réaliser que Ben Ali est parti et décédé et se comportent, par conséquent, comme s’ils devaient lutter contre des « séquelles » qui n’existent même plus, à savoir, la dictature, la tyrannie, l’absence de libertés.
Les tayyaristes semblent oublier ou font semblant d’oublier que la tyrannie et le retour à la dictature que certains appellent celle de certains magistrats, n’est pas l’œuvre du PDL mais bel est bien du parti islamiste qui, trop sûr de ce nouvel allié surpuissant, lance à tous ceux qui le contrarient : « adressez-vous ç ka magistrature ! »….
Les tayyaristes semblent oublier que, selon les dernières révélations faites par Hillary Clinton, la révolution tunisienne a bénéficié d’un « coup de main » décisif de la par de Washington qui voulait un pouvoir de cohabitation entre les démocrates et les islamistes afin de servir de modèle aux autres qui devaient suivre à la chaîne en Egypte, en Libye, en Syrie et au Yémen.
Donc, les tayyaristes, qui ont l’arrogance de prétendre qu’ils sont les seuls politiciens propres du pays et les seuls aptes à mener la lutte contre la corruption, continuent à avoir la phobie des Destouriens et bloquent tout ce qui peut avoir un lien avec eux sans regarder aux conséquences néfastes de leur attitude. Et d’un !
Une fois la motion mise sur la table, c’est Qalb Tounès qui l’a faite tomber en usant de moyens tordus. Sinon comment expliquer cette façon de voter, bizarre et indigne de tout élu de la Nation. Pour donner la preuve de leur loyauté à « sid’hom le cheikh », ils n’ont pas hésité à se faire ridiculiser et devenir la risée de toute l’opinion publique.
On n’oubliera pas le vote négativement surprenant, dont celui de Hichem ben Ahmed qui, après avoir été un des lieutenants de Youssef Chahed, le voilà qu’il se révèle sous son vrai visage en se ralliant carrément au chef de la « secte frériste »
Maintenant que les masques sont tombés, on attend des explications rationnelles de la part de Nabil Karoui, même si certains, comme Sadok Jebnoun évoquent l’argument que le pays n’a pas besoin d’une autre crise, mais plutôt de stabilité.
Un argument qui rappelle étrangement celui de Youssef Chahed pour se maintenir à La Kasbah en dépit de son différend avec Béji Caïd Essebsi.
Mais finalement, après ce verdict du vote à l’ARP, que peut-on en déduire. Une certitude :
Ghannouchi a perdu…lamentablement perdu. On a vu, certes, des femmes « enturbannées » crier victoire comme si elles étaient dans un virage de stade, mais la réalité est toute autre. Ghannouchi a perdu sur le score large et sans appel de 97 contre 16 !!!
Il ne faut pas oublier qu’apparemment inconscient, Rached Ghannouchi a déclaré, en annonçant la désignation de la date du 30 juillet pour la plénière, que c’est sur sa demande que cette daté a été fixée pour le « renouvellement de la confiance » en sa personne en tant que président de l’ARP.
Or, le président du Parlement n’a pas été plébiscité et le nombre ayant voté contre la motion de censure, donc, pour le renouvellement de confiance était trop faible. Plus encore, adoptant une tactique lâche, les élus d’Ennahdha et El Karama se sont, pour leur majorité absentés, et ceux qui étaient présents n’ont pas voté tout en suivant un code se conduisant, ainsi, comme une secte, à l’instar des groupes intégristes.
En tout état de cause, il s’agit, indiscutablement, d’un camouflet pour Ghannouchi qui, officiellement, reste à la barre, mais moralement, il n’a plus l’envergure d’un président du Parlement. Autrement dit, s’il a encore un peu de dignité, il doit démissionner, car même officieusement, il est désavoué, sans oublier d’ajouter que les inconditionnels de Ghannouchi sont les membres d’El Karama qui ne sont autres que d’anciens éléments des tristement célèbres LPR dissoutes par la justice e qui semaient la terreur au sein des populations civiles.
Parmi les autres membres d’El Karama, on citera Yosri Dali, ancienne figure des services de sécurité présidentielle de Ben Ali, sachant qu’il est condamné par la Cour des comptés à une amende de 112 mille dinars pour avoir dilapidé le montant de la subvention de l’Etat, en sa qualité de tête de liste lors des législatives de 2014. Et malgré cela, il a été autorisé à présider une liste aux législatives de 2019. Quant aux Halima Hammami et Sahbi Smara, ils étaient les auteurs de tirades pro-Ben Ali.
C’est dire qu’il s’agit d’une collection hétéroclite dont les contours restent flous et confus puisqu’ils n’ont aucun statut officiel, n’étant pas de statut de parti, sans comité directeur ni bureau politique, sans adresse et sans local profitant des locaux de l’ARP pour s’y réunir et bénéficier de l’immunité parlementaire.
D’ailleurs, les membres de ce groupe sont ceux qui usent le plus de violences verbales, d’injures et d’insultes et de propos grossiers. Bref ils commettent toutes les irrégularités, notamment d’ordre moral, que les députés d’Ennahdha ne peuvent se permettre…
Bref, on se retrouve dans une situation kafkaïenne avec un petit groupe « bâtard » de 26 éléments tient toute l’ARP en « otage » puisque se trouvant entre deux blocs, ils ont la possibilité de faire pencher la balance d’un côté comme de l’autres ouvrant la voie aux accusations, à tort ou à raison, quant à l’existence d’enchères pour la vente et l’achat des voix
Et à moins que Hichem Mechichi parvienne à imposer son autorité et sa démarche salvatrice de la Tunisie, de nouvelles élections législatives ne seraient pas de trop pour faire décanter la situation et faire émerger un nouveau paysage au Bardo où les intégristes poursuivraient leur dégringolade irréversible
Noureddine HLAOUI