Par Abdelaziz Kacem
-
Nos femmes étaient belles et embellissaient les rues de nos villes et de nos villages…
-
La majorité de nos compatriotes est, soit « daéchisée », soit séropositive, c’est-à-dire dangereuse.
-
Je constate amèrement que nos athées et nos bigots partagent équitablement la même vacuité intellectuelle.
Univers News est un poste avancé dans le branle-bas du combat contre l’obscurantisme et mon ami Mustapha Machat ne manque pas de s’enquérir de mes absences. Or ces dernières semaines, nous avons vécu une concentration d’événements qui méritent qu’on s’y attarde : un vote de défiance à l’ARP, qui tourne à la farce ; une fête de la République escamotée ; le cent-dix-septième anniversaire du père de l’Indépendance oblitéré. Une certaine animation a cependant marqué la Fête du 13 août.
Il y a soixante-quatre ans, Bourguiba promulguait le CSP, un obus tiré à bout portant contre le Harem. La muraille épaisse d’une prison quatorze fois séculaire s’effondrait. Les Tunisiennes s’émancipaient. En décoiffant publiquement certaines dames voilées, venues le remercier, Bourguiba abolissait, symboliquement, les signes vestimentaires de leur incarcération. Nos femmes étaient belles et embellissaient les rues de nos villes et de nos villages…
Les 2 et 3 août dernier, au Palais de Skanès et à Monastir même, à la Radio et à la salle Habib Bourguiba de la Municipalité, j’ai participé avec d’autres collègues et militants des deux sexes, devant un public clairsemé, aux évocations glorieuses d’une épopée hors du commun, dans le monde arabo-islamique.
En mon for intérieur, je l’avoue, ces fêtes me laissaient un arrière-goût de défaite. Le Harem-Bastille est certes détruit. Mais, le hijab, accoutrement carcéral, refleurit, à la faveur du funeste Printemps arabe. Les modernistes présumés s’en accommodent. Même celles qui ne le portent pas pensent qu’il s’agit là d’une injonction divine incontournable. La politique du laisser-faire, pratiquée par le régime de ZABA, sous prétexte de couper l’herbe sous les pieds des obscurantistes, a fini par consacrer la victoire de ces derniers.
Tous les efforts de modernisation auxquels les réformistes musulmans, les penseurs, les écrivains de la première moitié du
XXe siècle étaient concentrés sur ce que l’on appelait « Maarakat al-soufour wa-l-hijab » (la bataille du dévoilement et du voile », combat épique gagné, puis reperdu, hélas. Par fidélité aux principes, à la culture, je rappelle que le « khimar » remonte à cinq mille ans d’histoire, dans les temples païens de l’ancienne Mésopotamie et sa sémantique n’était pas toujours reluisante. Le Monothéisme en a hérité. Il est littéralement tombé en désuétude chez les Juifs et les chrétiens. L’islam politique en a fait un signe de ralliement.
Aujourd’hui, l’orchestre célébrant la Fête de la femme n’a souffert d’aucune fausse note. Même Cheikh Rached a publié un communiqué au nom de la présidence de l’ARP, se félicitant des progrès réalisés, en matière d’émancipation des femmes, et enjoignant aux forces vives de les consolider et d’aller de l’avant.
Mais, le bon vieux Nietzche nous l’a bien expliqué, le diable est dans le détail. La Colibe (Commission des libertés individuelles et de l’égalité), créée, le 13 août 2017, par feu BCE, a fait long feu. C’était un énorme coup d’épée dans l’eau. Bien des naïfs et des naïves y avaient cru.
Une autre manière de fêter le CSP. Une femme politique, Abir Moussi, bête noire de l’obscurantisme, voit son « caleçon » au centre d’un One Man Show particulièrement vulgaire et misogyne. Que cela fasse rire la phallocratie islamiste, c’est dans le désordre des choses, mais que des femelles voilées en rigolent, n’est-ce pas, au-delà de la trivialité, un signe irréfutable de leur aliénation ?
Je regarde, sur You Tube, Roots TV, une chaîne très engagée dans la promotion des libertés. J’y vois une jeune femme, Rania Amdouni, qui préside une association de défense des minorités sexuelles.
Ce qu’elle raconte est effarant. Le 5 août, sur l’avenue Bourguiba, elle est interpelée par un agent de police : À quel sexe appartiens-tu ? Es-tu fille ou garçon ? ̶ Vous avez ma carte d’identité. Tout y est. La réponse déplut. Un attroupement daéchien surgit et le lynchage commence.
Les coups de poing pleuvent sur la « débauchée » et ses acolytes, avec références au mythe de Loth, à Sodome et Gomorrhe. L’arrivée de l’avocat de l’Association oblige la police d’intervenir. Rania, blessée à la tête et contusionnée partout, arrive à l’hôpital pour le constat et pour les premiers soins. L’agent de sécurité lui assènera encore des coups.
Dans l’impunité totale, tous les malfrats islamistes rentrent à la maison, la conscience tranquille, calculant les « hasanât » acquises à la force des muscles, en songeant aux « houris » séduites par une phallocratie brutale à souhait.
Ceux et celles qui défendent les libertés individuelles doivent comprendre que l’attitude victimaire n’est pas rentable. De nouvelles stratégies s’imposent. Force est aux militant(e)s de tenir compte d’un fait avéré : la majorité de nos compatriotes est, soit « daéchisée », soit séropositive, c’est-à-dire dangereuse.
Là aussi, il faut voir les effets du fiasco de l’école, plus que jamais, incapable de nous fournir un produit humain fini. Comment peut-il en être autrement quand on voit que les trois ordres de l’enseignement comptent de plus en plus de barbus et de voilées ?
Un dernier détail. La blogueuse Emna Charki, qui a écopé de six mois de prison et de 2000 dinars d’amende pour avoir partagé la « Sourate du Covid », un texte satirique primaire, mis en page à la manière du Coran, et où il n’y a vraiment pas de quoi fouetter un chat, vient de bénéficier de l’asile politique. Elle est en Allemagne. Revendiquant son athéisme, elle repartage le texte incriminé et en publie un autre, bien iconoclaste, « Sourate du whisky ». Je ne puis m’empêcher de penser que l’acharnement de la police et de la justice ont fait d’une pauvresse d’esprit une héroïne.
Je constate amèrement que nos athées et nos bigots partagent équitablement la même vacuité intellectuelle.
A.K