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La réalité est bien en face : financièrement, le pays est à plat !…
Par Amine BEN GAMRA*
Après qu’Elyes Fakhfakh, eut présenté sa démission, mercredi 15 juillet, à la demande du président Kaïs Saïed, suite au déclenchement de l’affaire de conflit d’intérêt le concernant, son équipe gouvernementale n’aura eu les commandes des affaires en Tunisie que pendant une durée de cinq mois, soit l’un des mandats les plus courts depuis l’indépendance du pays en 1956.
Mais avant sa démission, ce gouvernement a mis en place un plan de relance économique, axé sur cinq idées principales : Premièrement, poursuivre l’élan social avec 1,2 million de dinars réservés à l’aide des familles nécessiteuses. Deuxièmement, ne pas augmenter de la pression fiscale, malgré la conjoncture difficile. Troisièmement, maintenir le budget de développement voire l’augmenter. Quatrièmement, ne pas recourir à l’endettement extérieur en 2020. Cinquièmement, préparer une cinquantaine de mesures financières, économiques et fiscales qui visent 8 objectifs (dynamisation de l’investissement, soutenir les startups et projets innovants, lutter contre la pauvreté, moderniser l’administration fiscales, encourager le décashing, intégrer le marché parallèle dans le circuit officiel, lutter contre l’évasion fiscale et renforcer le contrôle) et requièrent des ressources supplémentaires de 1,1 milliard de dinars.
Aussi, il mise sur des projets stratégiques notamment la révision du Code des changes, l’augmentation de la productivité du port de Radès de 4 à 10 conteneurs par heure, l’accélération de la réalisation des projets dans les régions pour trois milliards de dinars, le payement des prestataires de l’Etat en particulier ceux du BTP pour un milliard de dinars et la restructuration des cinq entreprises publiques dont Tunisair, la Société tunisienne d’acconage et de manutention (Stam) et la Société tunisienne de sidérurgie (El Fouledh).
Mais quel serait le sort de ce plan de relance économique, après la démission du gouvernement actuel ? Est-ce qu’il va être adopté par le nouveau gouvernement ou la manque de continuité entre les gouvernements qui se succèdent va continuer à être reste un obstacle de redressement économique ?
Pourtant, la Tunisie est un pays qui marche sur le fil du rasoir. Le produit intérieur brut devrait chuter de 6 % en 2020, l’endettement se creuse dangereusement tandis que le secteur du tourisme – une source cruciale d’emplois et de devises étrangères – est quasiment au point mort.
Quel que soit le gouvernement que se donnera la Tunisie dans les jours à venir, qu’il soit technocrate ou politique, il se heurtera à des faits économiques et financiers tenaces. Ni la distribution de pâtes aux pauvres, ni un endettement croissant qui garantit des augmentations de salaires aux fonctionnaires, ni des conférences pour faire miroiter les avantages, pour les étrangers, d’investir en Tunisie, ni le jeu du chat et de la souris avec le FMI, ne pourront longtemps cacher une réalité bien simple : financièrement, le pays est à plat.
Il reste à espérer que les négociations politiques en cours pour accorder la confiance de l’Assemblée au nouveau gouvernement permettront à celui-ci de se mettre rapidement au travail. Car ce qui l’attend, c’est un pays en profonde crise économique et sociale, avec un lourd fardeau de dettes, où le chômage et l’inflation alimentent la grogne d’une population aux attentes déçues.
*Expert Comptable – Commissaire Aux Comptes
Membre de l’Ordre des Experts Comptable de Tunisie