- Ce dont la Tunisie a immédiatement besoin c’est de jeter aux orties « la meilleure constitution du monde » et d’installer un bon coordonnateur à Carthage
- 10 ans d’incurie, de corruption, de terrorisme, d’infantilisme politique. Ces gens-là ont perdu le droit moral de critiquer le régime déchu.
- Nous sommes tous, toutes générations confondues, les sacrifiés de la gestion des incapables et des ripoux.
Par ABDELAZIZ KACEM
The game is over et les mots rechignent à en dire davantage, sauf à emprunter le vocabulaire des voyous du Bardo. Avec eux, majoritairement, l’ARP est devenue, l’Assemblée des Représentants de la Populace. C’est au Bardo que l’assertion de Mark Twain trouve tout son sens :“Imaginons que vous soyez un parfait imbécile. Imaginons maintenant que vous soyez un député. Mais pardon, je me répète.”
À la tête des takfiristes, un avocat et un médecin. Partant de leur seul langage et de leur seule brutalité physique, on peut mesurer toute la détresse d’une Éducation nationale vidée de son pouvoir rédempteur et civilisant.
Une lionne, Abir Moussi, se bat quasiment seule contre le Frérisme et l’Union des Ulémas présidée par le Mufti du terrorisme. Cette femme, avocate de son état, est l’une des intelligences les plus remarquables sur le terrain. Plus d’une fois, elle se fit traiter de “jahla” par qui l’on sait. Cela n’a pas manqué de nous rappeler ce succulent aphorisme de Courteline : Passer pour un idiot aux yeux d’un imbécile est une volupté de fin gourmet.
Dix ans d’incurie, de corruption, de terrorisme, d’infantilisme politique. Ces gens-là ont perdu le droit moral de critiquer le régime déchu. J’eus, personnellement, à me plaindre de quelques sérieux désagréments dus aux mesquineries de ZABA, mais les choses, sous son règne, n’étaient pas aussi catastrophiques. J’eusse aimé cependant le rencontrer dans son exil pour l’interroger sur ses propres ratages, sur le rôle cynique des Américains dans l’avènement de ce chaos dit “Printemps arabe” et sur ce qu’il savait des accointances, des ramifications, des sombres projets des islamistes qui, aujourd’hui, ont ruiné littéralement le pays. Il en savait beaucoup. Il est mort, hélas, et enterré avec ses lourds secrets. Ceux qu’il avait jetés en prison n’étaient pas tous innocents.
L’avenir de la Tunisie éternelle, la Tunisie d’Hannibal, d’Ibn Khaldoun, de Hammouda Pacha et de Bourguiba, ne m’inspire aucune appréhension sérieuse. Mais, nous, nous tous, toutes générations confondues, nous sommes les sacrifiés de la gestion des incapables et des ripoux.
La République ne manque cependant pas d’une réserve valide de compétences, systématiquement écartées des allées du pouvoir. Une fois débarrassée des milliers d’appendices que les profiteurs de l’intifada lui ont été imposés, l’Administration, est toujours à même de contribuer efficacement au redémarrage d’une machine grippée.
Ce dont la Tunisie a immédiatement besoin c’est de jeter aux orties « la meilleure constitution du monde » et d’installer un bon coordonnateur à Carthage, un capitaine aguerri au gouvernail de la Kasbah et un « think tank » au Bardo, ce qui implique la mise à l’écart des trois quarts de ceux qui nous font honte.
Et ce peuple immature, qui nous a bien montré ce qu’il « veut », il est grand temps de le faire redoubler toutes les classes prétendument réussies. Tout autant que les virus qui nous attaquent, l’ignorance ou plus exactement l’illettrisme est un dangereux mutant. Il est diplômé, désormais. Il convient de mobiliser tous les moyens disponibles, médias, espaces de loisirs, foyers culturels, pour conscientiser le peuple à ses carences, le rééduquer à la culture et à la démocratie.
A.K.