Par Abdelaziz Kacem
- Jusqu’au dernier jour de son mandat, Donald Trump aura nui, sévi, réprimé, sanctionné
- Implication avérée de ses partisans dans l’attaque du Capitole par un ramassis de fripouilles
- Désigné par le surnom de « Agent orange », Trump est considéré comme étant «le pire président de l’histoire américaine »
Qui aurait cru que, dans la plus grande démocratie du monde, un président sortant contesterait « bananièrement » des élections gagnées nettement par son rival ?
Qui aurait cru que le président battu inciterait littéralement ses fripouilles à investir le Capitole, temple de la démocratie, afin d’empêcher les élus d’entériner la victoire de son successeur ?
Qui aurait cru que le mauvais perdant refuserait d’assister à la cérémonie d’investiture et que celle-ci se déroulerait dans une capitale en état de siège ?
Qui aurait cru que plus de vingt-sept mille soldats se déploieraient dans Washington, en prévision d’une éventuelle tentative d’insurrection ?
La démocratie aux USA, bien que le mot ne soit nullement mentionné dans la Constitution, est si précieuse qu’elle est, quoi qu’en dise la propagande, non exportable. Dans un pays où le suprématisme est si vivace que les cendres de la Guerre de sécession sont toujours chaudes, peut-on croire aux idéaux de liberté ressassés à longueur de discours ? Toutes les guerres menées directement ou en sous-main par l’Amérique, depuis 1945, sont coloniales.
Jusqu’au dernier jour de son mandat, Donald Trump aura nui, sévi, réprimé, sanctionné. En désignant, il y a une dizaine de jours, Ansar Allah comme organisation terroriste, il annihile les efforts des Nations Unies pour parvenir à la solution du conflit au Yémen.
L’une des incidences de cette décision, c’est d’empêcher nourritures et médicaments de parvenir à un pays ravagé par plus de cinq ans de guerre d’agression menée par deux pays arabes fraichement gagnés au sionisme.
Ce crime contre l’humanité est soutenu, notamment, par les États-Unis et la Grande Bretagne. Des centaines de milliers de femmes et d’enfants meurent déjà de faim et faute de soin. L’Union Européenne et les organisations humanitaires s’en émeuvent encore. L’ONU, l’OMS, l’UNESCO, les droits de l’homme, Trump n’en a cure.
Le 20 janvier, il s’en est allé avec le regret de n’avoir pas pu montrer à l’Iran son énorme capacité de nuisance. Dans ce pays ainsi qu’en Irak, un mandat d’arrêt est lancé contre lui pour l’assassinat du général Qassem Soleimani et du chef des Kataeb Hezbollah, Abou Mehdi al-Mouhandis.
Certains journalistes, rappelant ses scandales, ses mensonges, ses vulgarités envers les pays « adversaires », mais également au détriment des pays alliés, se sont réjouis de voir l’arrogant sortir de la tanière, penaud, la queue entre les jambes. Il aura, certes, fini par subir une humiliation inimaginable pour un homme de son rang, Twitter ayant suspendu « indéfiniment » son compte personnel, en raison de son implication avérée dans l’attaque du Capitole par un ramassis de fripouilles, faisant partie de ses partisans.
Le sanctionnateur est cruellement sanctionné dans ses tweets, qui sont « l’alpha et l’oméga de sa communication ». Sans compter qu’à Paris, le Musée Grévin a vite fait de retirer sa statue. Et ce n’est pas le Wissam Al-Mohammadi que lui a décerné le roi du Maroc, qui le consolerait de ces avanies.
Mais Trump a crané jusqu’à la fin. À la pelouse de la Maison Blanche ou sur le tarmac de la base militaire Andrews, il s’est adressé à une poignée de ses fans, parlant des « miracles » qu’il avait réalisés et promettant de revenir « d’une façon ou d’une autre ». Il reviendra, sauf s’il est reconnu coupable d’avoir porté atteinte à la démocratie américaine. Quoi qu’il en soit, avec soixante-quatorze millions d’électeurs qui ont, à bon escient, voté pour lui, le « trumpisme » ne mourra pas de sitôt.
Comment qualifier Donald Trump ? Aux yeux du cinéaste afro-américain Spike Lee, qui ne le désigne que par le surnom de « Agent orange », (le comparant au défoliant toxique déversé par l’armée américaine sur les jungles où se cachaient les combattants vietcongs), « c’est le pire président de l’histoire américaine ». Mais ce titre a déjà été attribué à G. W. Bush par la célèbre journaliste d’origine libanaise Helen Thomas, correspondante accréditée à la Maison-Blanche de 1960 à 2010.
Non, le pire président de l’histoire américaine est plutôt le maître, le modèle, la référence de Trump : Andrew Jackson, 7ème président des États-Unis (1829-1837) dont il a accroché le portrait dans le Bureau ovale, dès sa prise du pouvoir.
Trump est un milliardaire inculte. Il n’a jamais lu d’autres ouvrages que ses livres de comptes. Quelques minutes, avant de quitter la Maison blanche, il gracie 73 personnes dont « l’un des artisans de sa campagne présidentielle », Steve Bannon, accusé d’avoir empoché une partie des fonds collectés pour la construction d’un mur à la frontière Etats-Unis-Mexique. Bannon a été notamment le rédacteur du discours d’investiture de son mentor.
Fier de son texte populiste à souhait, il déclare au Washington Post : «Je ne pense pas que l’on ait eu un discours comme ça depuis l’arrivée d’Andrew Jackson à la Maison Blanche». Répétant les mêmes mots, lors d’un dîner, Trump, peu versé dans l’histoire, s’interroge : C’était quelle année déjà ? Il y a longtemps…»
Mais qui est donc Andrew Jackson ?
En 2006, le Federal Reserve System (la Banque centrale des États-Unis) émet un billet de 20 $ au recto duquel figure son portrait en hommage à sa brillante carrière d’exterminateur des Indiens. Il était chef milicien et ses bandes armées se sont distinguées par leur extrême cruauté à l’égard des peuples amérindiens. À l’issue de chaque massacre, il faisait le bilan de ses victimes en comptant le nombre des nez coupés. Sa campagne électorale était axée sur son seul mérite de « meilleur tueur d’Indiens ».
Ce qui plaît aux suprématistes américains en Andrew Jackson, c’est son éradicationnisme et son mépris des élites. Après la mort par étouffement, à Minneapolis, le 25 mai 2020, d’un « Afro-Américain », George Floyd, sous le genou du policier blanc Derek Chauvin, l’immense colère des gens fit mettre à terre bien des statues à la gloire de négriers et d’esclavagistes.
À Washington, à Lafayette Square, près de la Maison Blanche, le 22 juin 2020, des manifestants tentèrent d’abattre la statue d’Andrew Jackson. Repoussés par les forces de l’ordre, ils n’ont pu qu’écrire, en lettres noires, sur un côté de la sculpture abhorrée, le mot « killer » (assassin). Dans un tweet, Donald Trump fustige véhémentement ces manifestants et annonce plusieurs arrestations « pour le vandalisme honteux, à Lafayette Park, de la magnifique statue d’Andrew Jackson ».
Qu’en sera-t-il de Joe Biden ? Ce sera le sujet d’un prochain article.
A.K