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Lecture comparée entre les communiqués du Palais de Carthage et de la Maison Blanche
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Washington « dicte » une feuille de route précise au président de la République
- Pour un retour rapide sur la voie de la démocratie parlementaire
- Urgence de nommer un premier ministre à la tête d’un gouvernement capable de faire face aux crises économiques et sanitaires immédiates
- Un espace pour un dialogue inclusif sur les propositions de réforme constitutionnelle et électorale
- Une gouvernance honnête, efficace et transparente
- Soutien US à la participation active de la société civile dans la construction d’un avenir démocratique
On attendait avec grande curiosité cette rencontre entre le président de la République et la délégation américaine comprenant plusieurs personnalités sécuritaires de haut rang et qui a été sanctionnée par…deux communiqués.
En effet, le premier émane du Palais de Carthage où la présidence de la République reproduit, outre les propos tenus par Kaïs Saïed, juste des généralités concernant ceux de l’hôte américain, Jonathan Finer, du genre « les États-Unis d’Amérique restent attachés à l’amitié stratégique qui les lie à la Tunisie », et « le soutien au processus démocratique », ou encore « qu’ils attendent avec impatience les prochaines étapes que le président de la République prendra au niveau gouvernemental et politique… ». Bref, aucun propos concret…
Pourtant, à Carthage, ils ont l’habitude des communiqués en provenance de Washington. Ainsi, sans attendre longtemps, la version originale sortant tout droit de la Maison Blanche a été rendue publique avec force détails des propos tenus par Jonathan Finer.
En voici les principaux points :
-Les Etats-Unis d’Amérique sont pour un retour rapide sur la voie de la démocratie parlementaire
-Les Etats-Unis d’Amérique estiment qu’il y a urgence de nommer un premier ministre à la tête d’un gouvernement capable de faire face aux crises économiques et sanitaires immédiates
-Les Etats-Unis d’Amérique sont pour un espace en vue d’un dialogue inclusif sur les propositions de réforme constitutionnelle et électorale. Autrement dit, un dialogue comprenant toutes les parties politique et les composantes de la société civile
-Les Etats-Unis d’Amérique sont pour une gouvernance honnête, efficace et transparente, donc contre la corruption
-Les Etats-Unis d’Amérique sont pour un soutien à la participation active de la société civile dans la construction d’un avenir démocratique.
Sans tourner en rond autour du pot, cette fois-ci, l’Administration américaine expose bel et bien voire impose à Saïed une feuille de route qu’elle lui recommande de suivre dans les meilleurs délais.
Bon à faire remarquer que pour en arriver là, Washington a suivi un cheminement clair et progressif. D’abord, il y a eu l’approche diplomatique avec une audience accordée à l’ambassadeur américain, sur sa demande.
Ensuite, ce fut au tour du politique. Lors d’une conversation téléphonique le 27 juillet 2021 avec le chef de l’Etat, le secrétaire d’Etat US, Anthony Blinken l’avait exhorté à « respecter les principes démocratiques et l’avait incité à respecter les droits humains qui sont au fondement de la gouvernance en Tunisie ».
Puis, le 1er août 2021, lors d’un entretien téléphonique avec le président de la République, d’une heure entière, Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président américain, a mis l’accent sur la nécessité de respecter la démocratie tunisienne fondée sur les droits fondamentaux, des institutions fortes et l’attachement aux règles de droit ».
Il avait, également, souligné l’importance de « la formation rapide d’un nouveau gouvernement dirigé par un premier ministre apte à stabiliser l’économie tunisienne et à faire face à la pandémie de la Covid-19 ainsi que le « retour du Parlement élu ».
Comme on le constate, les injonctions américaines ont commencé par la voie diplomatique, puis politique avant de culminer, lors des deux derniers épisodes par le volet sécuritaire sachant que la présidence de la République n’avait fait aucune mention de la communication téléphonique entre Saïed et Sullivan.
Quant aux demandes faites en ce vendredi 13 août, elles ont tout l’air d’une feuille de route alors que le communiqué de la présidence de la République n’a pas eu l’honnêteté intellectuelle de faire état de sa teneur
La question qui s’impose : Quelle attitude aura Kaïs Saïed face à ces développements après avoir foncé, tête baissée, en vue de faire table rase du système existant au point de dire : Il n’y aura jamais de retour en arrière avant d’enchaîner que ceux qui exigent un chef de gouvernement veulent semer la discorde dans le pays, car les choses marchent à merveille sans chef de gouvernement.
C’est dire que si le président de la République obéit à Washington, ce serait le suicide politique pour lui, mais s’il lui tient tête, quelle suite donnerait alors la Maison Blanche à la nature de ses relations avec Tunis et quelles autres pressions pourrait-il exercer sur lui ?. Les choses se compliquent et les observateurs attendent avec curiosité et impatience l’orientation qui sera prise par les évènements…
Noureddine HLAOUI