- « Les blocages fréquents des zones pétrolières poussent les sociétés à sacrifier leurs marges afin d’approvisionner les zones menacées de pénurie ».
- Les distributeurs des produits pétroliers réclament une feuille de route en cinq étapes
La 6ème édition du forum de la gouvernance dans le secteur des énergies en Tunisie s’est déroulée hier jeudi 4 novembre à la maison de l’entreprise. Organisé par l’IACE, ce forum a eu pour thème «La gouvernance du marché de distribution des hydrocarbures en Tunisie». Le choix de ce thème est justifié par l’importance du secteur de l’énergie, non pas uniquement comme secteur stratégique, mais également par rapport à la compétitivité de l’entreprise et au pouvoir d’achat des concitoyens.
Face au constat de monopole de la distribution des hydrocarbures (en tant qu’unique régulateur, producteur et opérateur), un débat a été initié par plusieurs experts. Une occasion de mettre en avant les problématiques qui préoccupent le plus les gouvernants ainsi que les acteurs d’un secteur stratégique.
« Il ya deux principaux faits marquants aujourd’hui en Tunisie : le premier est que le gasoil représente près de la moitié des produits consommés. Le second est que le secteur industriel et du transport sont les principaux consommateurs des produits pétroliers […]. On constate également l’accélération du déficit des hydrocarbures depuis le début des années 2000. Ce déficit est dû à l’augmentation de la consommation avec une baisse de la production nationale, la dépréciation du dinar tunisien, la fluctuation à l’échelle mondiale du prix du baril et enfin à la contrebande» a déclaré à cette occasion Mustapha El Hadad, Consultant en énergie.
Parmi les problèmes relevés par le responsable, une subvention des produits pétroliers dictée uniquement par le cours mondial du coût des produits. « En termes de subvention totale de tous les produits pétroliers, on est arrivé à 2 milliards de dinars en 2012 et à 2,5 milliards de dinars en 2018, ce qui est un record. Les principaux produits subventionnés sont le gasoil ordinaire et le GPL domestique qui représentent les deux tiers des produits pétroliers», a-t-il ajouté, en précisant que seule l’essence est le produit qui dégage un bilan positif, tout en étant taxée à hauteur de 40%.
De son coté, Mohamed Bougriba, Président de la chambre syndicale des sociétés de distribution des produits pétrolier, a fait un Etat des lieux du secteur de la distribution du pays.
Selon-lui, « il existe une offre client de plus en plus structurée qui a évolué dans le temps avec un niveau d’expertise dont le secteur a su tirer profit dans le respect des standards internationaux. Néanmoins, les marges sur le carburant sont de 4% en Tunisie, alors qu’en Afrique, elles tournent autour de 7%.».
Evoquant le cadre réglementaire en ce qui concerne les mesures de stockage de sécurité, M. Bougriba a indiqué que les sociétés de distribution se trouvent pénalisées malgré les dispositions prises pour respecter cette exigence (de 60 jours de stockage), en raison d’un rythme des approvisionnements non soutenus et du prix proposé (4.1 dt/m cube).
Mettant en évidence la péréquation géographique qui consiste à permettre l’unicité des prix à travers toute la Tunisie, il nuance : « Cependant, les blocages fréquents des zones pétrolières comme celle de Skhira poussent les sociétés à sacrifier leurs marges afin d’approvisionner les zones menacées de pénurie ».
Continuant sur sa lancée, le Président de la chambre syndicale des sociétés de distribution des produits pétrolier insiste sur la mise en place d’une feuille de route en cinq étapes : la première, consiste en l’application des termes de l’accord-cadre de mai 2017 (marges, qualité, produits, stockage, marchés parallèles…). La seconde concerne la mise en place d’un contrat programme (révision des prix et marges). La troisième mesure table sur l’élimination progressive du gasoil ordinaire au détriment du carburant premium.
La quatrième mesure serait la mise en place de mesures sectorielles correctives et enfin s’agissant de la dernière, de la création d’une commission conjointe pour entamer les réformes du secteur des énergies.
Quant à Nabil Smida, DG de la SNDP-AGIL, il s’est dit optimiste, malgré les problèmes l’opinion du public vis-à-vis de ce secteur qu’il qualifie de transparent : « Nous travaillons aujourd’hui dans un cadre concurrentiel de contrats commerciaux et d’appels d’offres. En tant qu’entreprise publique, nous n’avons aucun avantage mais nous bénéficions d’une certaine expertise et d’un savoir-faire acquis au cours de dizaines d’années. C’est l’Etat stratège qui peut éventuellement nous orienter vers d’autres choix. En tant que premier responsable de l’entreprise, je suis dans une logique de marché et j’essaie de développer l’entreprise afin qu’elle soit compétitive par rapport aux autres marques et pour avoir une pérennité».
Il estime que le secteur pétrolier en Tunisie bénéficie globalement d’une bonne gouvernance et qu’il est mieux structuré que beaucoup d’autres pays. « Néanmoins, le secteur de l’énergie est attaqué de toute part, notamment à travers une politique de dénigrement et des campagnes médiatiques qui ont créé une mauvaise opinion sur les pétroliers.» a-t-il conclu.