Par Taoufik Baccar*
Les habitants de la localité de Ras djebel dont il a présidé le Conseil municipal viennent ce samedi de lui rendre un vibrant et dernier hommage.
Mais c’est à la Tunisie toute entière et en particulier au milieu bancaire et financier, de remercier ce grand argentier pour le travail profond qu’il a accompli, d’abord dans plusieurs institutions bancaires et non des moindres, la STB et la BNA, ensuite et surtout à la Banque Centrale de la Tunisie dont il a été d’abord vice gouverneur entre 1988 et 1989 puis gouverneur de 1990 à 2001.
Il est vrai que ce pays a perdu cette culture de remercier ceux qui l’ont servi, cependant méconnaître les loyaux et précieux services rendus par Si El Béji Hamda ne peut relever que de l’ignorance, sinon d’une intention insalubre d’occulter les acquis de la période durant laquelle il a été acteur puis gardien du temple financier de ce pays.
Pour avoir été, pour une bonne période son collègue, je veux témoigner des efforts qu’il a menés afin d’assainir le secteur bancaire et restaurer l’autorité monétaire au moment où la Tunisie parachevait son programme d’ajustement structurel.
C’est également lui qui consolidera le processus de libéralisation du secteur bancaire, engagé à la fin des années quatre-vingt. Mais l’histoire retiendra surtout que c’est lui qui mettra en œuvre deux réformes majeures pour le pays : la convertibilité courante du dinar en 1992/1993 et l’accès de la Tunisie en 1994 à une notation souveraine en obtenant le grade investisseur et la réalisation de la première sortie sur le marché financier international, Samouraï.
Je me rappellerai toujours du soutien de Si El Béji lors de ma première présentation de la situation économique et financière du pays en Conseil Ministériel Restreint, un certain mois de septembre 1995 alors que je venais de rejoindre le ministère du Développement. Nous nous sommes retrouvés tant sur le diagnostic que sur les solutions.
Nous avons très vite découvert que nous portons le même drapeau, celui de servir le pays et les mêmes ambitions, celles de porter haut les couleurs de la Tunisie et de renforcer son rayonnement international en lui donnant une notation digne des ambitions du pays et en consacrant sa réputation, celle d’un pays financièrement solide et économiquement bien géré.
Cette relation se consolidera lors de mon passage au ministère des Finances où nous avons œuvré ensemble afin de synchroniser les politiques budgétaire et monétaire. Nous avons convenu de bannir tout recours aux avances de la Banque Centrale au Budget, bien que la législation d’alors l’autorise, tant que le mandat de la BCT demeure la stabilité des prix, pour nous orienter vers les solutions durables et en harmonie avec les orientations du pays.
Il avait alors soutenu la création du marché obligataire et œuvré au développement des instruments de marché, nécessaires à la mobilisation des ressources pour l’Etat et notamment les BTA et les BTCT.
Discrétion, efficacité et sens du service public sont les qualités de ce grand personnage qui a imposé le respect là où il a été. J’ai pu mesurer lors de mon passage en tant que gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, toute l’estime que lui portent le personnel et les cadres de cette grande institution.
Il a eu le mérite de bien choisir ses collaborateurs et de parier sur la compétence, ce qui a fait de cette institution une référence, contribuant à renforcer son positionnement dans le paysage économique et financier du pays.
Adieu Si El Béji, vous avez accompli efficacement et dignement votre devoir envers ce pays et vous avez su tracer la voie pour beaucoup de ceux qui sont venus après vous : servir l’Etat avec abnégation et dans la discrétion, sans rien demander en retour.
*Ancien Gouverneur de la BCT et ancien ministre