- Un personnage énigmatique tirait les ficelles lors des derniers moments du départ de Ben Ali
- Tarak Ben Ammar faisait l’agent double et Ridha Grira jouait un rôle très négatif
- Kamel Letaïef était le dernier à parler à Ben Ali
Suite à la diffusion par la chaîne britannique, BBC, des enregistrements audi des communications téléphoniques effectuées ou reçues par le défunt président Zine El Abidine Ben Ali durant les trois journées cruciales, 13, 14 et 15 janvier 2011, « Univers News » a eu un entretien avec notre collègue, Mongi Khadhraoui qui a remis lesdits documents audio à la chaîne britannique en question, et ce dans le cadre d’un film documentaire qu’il lui a vendu.
Affichant une attitude ouverte et franche, Mongi Khadhraoui a bien voulu nous fournir toutes les indiscrétions qu’il pouvait bien révéler. Cédons-lui la parole :
« Je tiens à dévoiler un fait qui m’a tenu l’esprit en alerte. Il y a plusieurs acteurs dans ces communications téléphoniques dont notamment, Ben Ali, bien entendu, le général Ammar, Ridha Grira, Kamel Letaïef et Tarak Ben Ammar, respectivement, chef d’état-major de l’Armée nationale, ministre de la Défense nationale, homme d’affaires et lobbyiste, et homme d’affaires et cinéaste vivant à cheval entre la Tunisie et l’Italie.
Mais ce qui m’a torturé l’esprit est l’existence d’un autre acteur énigmatique qui semblait être un personnage central et incontournable, dans le sens où il paraissait détenir les commandes des opérations durant les jours en questions puisque tous les autres revenaient à lui pour le tenir au courant des derniers développements et recevoir les consignes et les conseils de sa part quant à la manière de conduire les tractations.
Ce personnage ne savait pas dire autre chose que »oui » ou non », mais il semblait piloter les actions pour le compte d’une tierce partie que personne n’a pu identifier. Et ce qui était étonnant est que le ministre de la Défense avait l’air de le craindre puisqu’il lui faisait des rapports continus comme simple informateur.
D’ailleurs, tout laisse croire que Ridha Grira le connaissait bien et il est appelé à divulguer son identité, sachant que nous avons fait entendre l’enregistrement à des personnalités officielles qui affirment ne pas le reconnaître ou feraient-ils semblant de ne pas le reconnaître.
Abir Moussi, Mohamed Ghariani, Ali Seriati, Ahmed Choubir et autre Jalel Boudriga qui nient, tous, avoir une idée sur son identité même si l’impression qui prévaut dit le contraire.
A noter que les enregistrements devaient être diffusés le 14 janvier de l’an dernier mais pour des raisons judiciaires et sécuritaires tout a été reporté. A savoir que j’ai reçu des menaces sérieuses pour ma vie, mes biens, mon ordinateur, ma voiture ma fille, etc… J’avais trop peur. Et même jusqu’à aujourd’hui…
Dans ce cadre, je vous parlerai de cette agression que j’ai subie alors que je me trouvais en tournage chez la fille de la députée d’Ennahdha Jamila Ksiksi, dans la zone de Notre Dame à Mutuelleville, et ce dans le cadre de ce documentaire où je voulais montrer la façon dont vivent certaines familles nahdhaouies après la révolution.
Et comme le 14 janvier est la date la mieux indiquée pour les dévoiler. Je dis cela pour répondre aux interrogations soulevées par certains sur le pourquoi de ce timing. Autre chose, je n’étais pas sûr que la BBc allait diffuser les enregistrements sachant que je leur ai remis juste le film-documentaire réalisé d’où la chaîne a extrait les enregistrements audio, probablement pour des considérations de buzz.
Il est nécessaire que je révèle que, dans un premier temps, j’ai proposé de remettre gratuitement le documentaire à la télévision Tunisienne, mais je n’ai eu aucune réponse jusqu’à ce jour. Alors, j’ai dû me débrouiller afin que ce travail soit préservé surtout qu’il s’agit, en définitive, d’un patrimoine national.
Pour Tarak Ben Ammar, il était clair qu’il jouait un rôle d’agent double puisque le 13 janvier, il félicite Ben Ali pour son discours en dialectal, mais il le dénigre en s’adressant aux médias, dont notamment Nessma TV.
Pour ce qui est du rôle de Kamel Letaïef, il a été clair et transparent quitte à bousculer celui qui s’adressait à lui en le traitant d’ami et compagnon. En effet, il lui a prodigué certains conseils pour sortir de la crise. Mais le discours de Ben Ali, a pris d’autres orientations pas tout à fait en conformité avec ce qui avait été discuté.
D’ailleurs, Kamel Letaïef a été le dernier à parler avec Ben Ali lorsqu’il se trouvait à bord de l’avion pour lui demander de veiller à la sécurité de Leïla Trabelsi, en prévision d’un éventuel retour à Tunis, car il savait très bien que son épouse était en plein désaccord avec Letaïef.
Pour conclure, je voudrais dire que l’impression générale qui se dégage du documentaire et des enregistrements est que les officiels parmi les proches de Ben Ali voulaient se débarrasser de lui, plus précisément Ridha Grira qui jouait un rôle très négatif, d’où cette sensation que le « président » était humilié avec cet air de mendier d’être écouté et qu’on l’accepte même au téléphone. C’est le cas, notamment avec Ridha Grira. Même Mme Mahjoub, la gouvernante du Palais de Carthage ne voulait pas répondre à Mme Ben Ali.
Entretien conduit par
Mustapha MACHAT et Noureddine HLAOUI