« Ah oui, quand même… », s’étonne une jeune cliente en découvrant sur l’étiquette le prix du jean noir délavé qu’elle avait repéré, après l’avoir inspecté en l’essayant face au miroir. Les cheveux blonds décolorés, habillée d’un top en résille noir recouvert par un minuscule sac en bandoulière de la même couleur, elle se fond dans le décor ultra-looké d’une mini friperie située au cité d’Ibn Khaldoun à Tunis.
Hafsia, Bab El Falla, Ibn Khaldoun, Ariana, Khaznadar … Une nécessité économique pour certains et une passion pour d’autres, la fripe est devenue un élément incontournable du secteur de textile en Tunisie.
Avec la crise économique post Covid, les tarifs de la friperie avaient déjà commencé à flamber, tout le monde l’avait remarqué. Mais depuis des années on dit que la fripe va disparaître définitivement du pays ! Les étals de fripes, de plus en plus prisés par des citoyens malmenés par la cherté de la vie, pourraient tout bonnement disparaître d’ici 2025… C’est ce qu’a récemment déclaré Sahbi Maâlaoui, président de la Chambre nationale des commerçants grossistes de friperie.
Une nouvelle qui fait trembler les Tunisiens ! La pandémie du Coronavirus a impacté le rythme des échanges avec l’Europe, gros pourvoyeur de vêtements usagés. Les confinements et les restrictions successives depuis 2 ans ont impacté lourdement les déplacements des Européens. Moins de déplacements, c’est moins d’initiatives pour déposer des vêtements auprès des associations caritatives et autres structures relais…
En Tunisie, il existe environ 150.000 vendeurs de friperie, légaux ou illégaux, répartis dans tout le pays. Les vêtements arrivent principalement de France, d’Italie, d’Allemagne mais aussi du Canada et des Etats-Unis. Il s’agit pour la plupart d’invendus ou de dons. Chaque année 8000 containers de fripe arrivent aux ports de Tunis, faisant de la Tunisie une des plaques tournantes de ce marché en pleine expansion dans le monde entier.
La question du secteur de la friperie touche un très grand nombre de citoyens. En plus d’avoir un pouvoir d’achat de plus en plus limité, le Tunisien ne souhaite pas être confronté au choix difficile de se saigner à blanc pour porter des vêtements importés d’Europe ou d’ailleurs, souvent fabriqués en Tunisie, et vendus à des prix hors de portée du salarié moyen ou même de s’habiller en local pas cher mais souvent de moindre qualité.
Avec un nombre de boutiques « Made in China » qui fleurissent dans le pays, les marchés classiques où les citoyens se procurent leurs vêtements de seconde main pourraient bientôt devenir déserts….