Par Anis Wahabi
Expert-comptable
Un consensus s’est installé de facto, auprès des différents acteurs du pays, que la seule issue pour boucler le budget de l’Etat pour l’année 2022 serait de renouer les relations avec le FMI. Il s’agit d’un consensus « muet » qui n’a jamais fait l’objet de discussion de fond. Le ministère des finances l’a dit et hop, cela est devenu une vérité absolue.
Il est à rappeler à juste titre que le FMI, de part sa vocation, intervient pour l’octroi de crédit aux pays membres confrontés à des problèmes effectifs ou éventuels de financement de leur balance des paiements. Toutefois, le FMI n’est pas censé présenter un plan de restructuration pour chaque pays qui demande le soutien.
Le FMI, de par ses statuts qui exigent que l’octroi d’un prêt soit conditionné à la mise en œuvre de programmes d’ajustement économiques, est considéré par beaucoup comme une institution internationale exerçant un pouvoir d’ingérence excessif à l’égard des pays qui font appel à lui.
Mais pour le cas de la Tunisie, il est important de rappeler que c’est le gouvernement tunisien qui a demandé l’appui du FMI en 2016. Suite à cela, un plan de restructuration a été élaboré par le gouvernement tunisien et validé par le FMI. Soulignons aussi que c’est le gouvernement tunisien qui a demandé, pour des raisons qui méritent clarification, la suspension du programme en 2019. Ceci étant dit, la souveraineté nationale n’a jamais été ébranlé par le FMI et, jusqu’à maintenant, la Tunisie garde le contrôle sur son dossier d’endettement. Jusqu’à quand? Ceci est une autre question.
Étant une institution issue de l’accord de Breton Woods, les préceptes du FMI sont connus. Le FMI, via les conditions imposées pour l’octroi de ses prêts, a eu tendance à préconiser les mêmes recommandations économiques et globalement les mêmes plans d’ajustement structurel à tout pays demandeur d’aide. Il a ainsi systématiquement tendance à préconiser une plus grande ouverture aux capitaux étrangers et au commerce mondial de biens et services, la privatisation des entreprises publiques ainsi que l’austérité budgétaire.
Voyons les exigences du FMI telles quelles ressortent de son dernier communiqué de presse sur la Tunisie, datant du mois de février 2021:
• Faire face aux fragilités socioéconomiques causées par la crise de la Covid-19: sauver des vies et stabiliser l’économie;
• Promouvoir une croissance inclusive;
• Rendre la fiscalité plus équitable et favorable à la croissance;
• Promouvoir l’activité du secteur privé pour augmenter la croissance potentielle et la rendre plus riche en emplois et inclusive.;
• Rétablir la soutenabilité des finances publiques et de la dette;
• Réduire le déficit budgétaire:, réduire la masse salariale et limiter les subventions énergétiques;
• Maitriser la dette publique qui deviendrait insoutenable;
• Apurer les arriérés accumulés dans le système de sécurité sociale;
• Opérer des réformes d’ample portée dans les entreprises publiques: réduire les passifs éventuels, réduire les risques budgétaires et financiers, renforcer la gouvernance d’entreprise et améliorer l’information financière et la transparence;
• Maitriser l’inflation et éviter le financement monétaire du budget;
• Eliminer les monopoles, supprimer des obstacles réglementaires et améliorer le climat des affaires;
• Mettre en œuvre effectivement les dispositifs de lutte contre la corruption, contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.;
• Investir dans l’énergie renouvelable.
A l’analyse de ces points, il s’en sort que le FMI reste fidèle à sa manière de fonctionner. Il ne s’agit pas, toutefois, d’exigences mais d’orientations. Le FMI ne donne pas de mode opératoire pour mettre en œuvre ces orientations qui restent du ressort du gouvernement.
Dans la situation actuelle de l’économie tunisienne et des finances publiques, nous pouvons avancer sans trop de risque que ces orientations sont nécessaires à appliquer avec ou sans un accord avec le FMI. Toutefois, il serait important de cerner tous les tenants et les aboutissants de l’économie politique à prendre en compte pour la réalisation de tels objectifs. Leurs impacts socio-économiques méritent d’être étudiés et leur mode opératoire nécessite des capacités politiques hors norme.