- Franchise sans détour pour atteindre le point de non-retour !
- L’action militaire doit conduire à l’occupation totale de l’Ukraine.
Les quatre-vingt-dix minutes de conversation téléphonique, ce jour du jeudi 3 mars 2022, entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ne laissent pas vraiment entrevoir d’espoir d’une sortie de crise.
L’initiative de cet appel a été le fait du président russe, qui tenait à informer le président français des opérations en cours et de son intention de conserver un dialogue « franc et exigeant ». Selon le président russe, les opérations militaires suivent « leur plan » et doivent conduire à l’occupation totale de l’Ukraine. « Le pire est à venir », conclut un conseiller du président de la République.
L’homme fort du Kremlin a de nouveau exposé ses buts de guerre : « la dénazification de l’Ukraine jusqu’au bout », sa neutralisation et son désarmement. Comme à son habitude, Poutine est revenu longuement sur les trente dernières années et les responsabilités de « l’Occident politique » (sous entendu l’Otan et les États-Unis) dans cette crise, à commencer par le bombardement par l’Otan de Belgrade en 1999, au moment de la guerre en ex-Yougoslavie.
«Tu te racontes des histoires, a répliqué le président Macron dans un tutoiement réciproque. Tu cherches un prétexte. » La réalité du pouvoir ukrainien n’a rien à voir avec le nazisme et Emmanuel Macron lui a dit à quel point c’est un « mensonge » ou la traduction d’un « enfermement » qui éloigne le président Poutine de la réalité.
Le président français a insisté sur le fait que cette guerre, de l’entière responsabilité du président russe, va plonger son pays dans l’isolement et sous des sanctions pour longtemps. Si le statut de l’Ukraine doit être discuté, a-t-il ajouté, « cela ne peut pas être sous contrôle russe, mais dans le cadre d’un dialogue encadré et organisé par les partenaires internationaux ».
Le président Poutine n’a pas évoqué les sanctions européennes (sauf une rapide allusion), il ne s’en est pas plaint non plus. Il n’a pas non plus mentionné les menaces nucléaires.
Le ton de l’échange n’est pas aussi vif que les propos le laissent penser, car la manière de s’exprimer du président Poutine se cantonne à une grande neutralité, « clinique », que seuls quelques signes d’impatience peuvent parfois démentir. Emmanuel Macron a dit sa préoccupation pour les civils de Kiev.
Mais le président russe nie l’existence de victimes civiles et considère que ses frappes ciblées, comme celles qui ont atteint la tour de télédiffusion de la ville, ne font aucune victime. Le président français a demandé au président russe de limiter l’impact humanitaire de l’offensive. Un objectif auquel Poutine souscrit, mais « sans engagement particulier ». En revanche, le président russe a accusé les Ukrainiens de « crimes de guerre », de placer des « snipers dans les villages » et de se servir de la population civile comme de « boucliers humains ».
Le président Poutine se dit prêt à stopper immédiatement toutes les opérations si ses exigences sont remplies, mais déclare que si la voie diplomatique n’est pas conclusive, il obtiendra « de toute façon» la neutralisation et le désarmement de l’Ukraine par la voie militaire. Ce à quoi le président Macron répond qu’il est encore possible de trouver les voies et moyens d’une solution diplomatique qui prendra en compte les besoins de sécurité de la Russie.
Après cet appel, le président Macron a joint le président ukrainien. Volodymyr Zelensky a redit sa détermination à se battre pour la liberté de son peuple, et refuse évidemment les conditions de paix posées par la Russie. Néanmoins, des négociations devaient reprendre entre les belligérants ce soir du jeudi. Il est possible que Vladimir Poutine cherche de nouveau à joindre Emmanuel Macron, même si, comme on le voit, le dialogue de sourds ne mène pour l’instant à rien. Le président français ne coupera pas les ponts avec son homologue russe « pour éviter le pire ».