La Commission de Résolution des Banques et des Etablissements Financiers en situation compromise a annoncé, le 1er mars 2022, qu’elle a constaté la cessation de paiement de la Banque franco-tunisienne (BFT) et l’impossibilité de son redressement et qu’elle a procédé, à cet effet, à la transmission d’un rapport au tribunal de première instance de Tunis, et ce, pour rendre un jugement de dissolution et de liquidation de la banque et désigner un liquidateur conformément aux dispositions de la loi bancaire de 2016.
Jaafar Khatteche, Directeur général du Fonds de Garantie des Dépôts Bancaires, ayant le feu vert pour l’ouverture d’un dossier d’indemnisations des déposants de la BFT, nous donne plus de détails sur ce dossier. Interview.
Votre avis sur la faillite de la BFT ?
La BFT est entrée en résolution depuis 2018, grâce à la promulgation de la loi bancaire de 2016 qui institut un droit spécifique pour les banques, et ce, au-delà de ce qui a été appliqué auparavant pour la faillite des entreprises.
A cet effet, la Commission de Résolution des Banques et des Etablissements Financiers en situation compromise, dirigé par le Gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), a procédé à la nomination d’un délégué à la résolution, qui a présenté, ensuite, un programme de résolution ainsi que de sauvetage de la banque.
Ce délégué a essayé, pendant trois ans, de trouver la bonne formule pour le sauvetage de la BFT, mais finalement, il nous a fait part de son rapport final. Et la Commission a entériné, par la suite, l’impossibilité de sauver la banque et a présenté le dossier au tribunal de première instance de Tunis. En cette phase, intervient le Fonds de Garantie des Dépôts Bancaires.
Pour ce faire, on a reçu, officiellement de la part du Gouverneur de la BCT, le feu vert pour l’ouverture d’un dossier d’indemnisations des déposants de la BFT.
J’ai convoqué, moi-même en tant directeur général du Fonds, tenu par la loi, une réunion exceptionnelle de notre Comité de Surveillance. A l’issue de cette réunion, j’ai eu l’autorisation d’entamer toutes les procédures d’indemnisations.
Le Fonds s’engage-t-il à couvrir les indemnisations des déposants ? Le plafond de 60 mille DT n’est-il insuffisant ?
Le Fonds est, de droit, obligé d’indemniser tous les déposants de la banque. Et en ce qui concerne le plafond de 60 mille dinars, je tiens à vous assurer qu’on a plus de montant d’indemnisations que d’autres banques des pays voisins, comme le Maroc et l’Algérie par exemple.
Je pense qu’il y aura environ 95% des déposants de la BFT qui ne dépassent pas le plafond de 60 mille dinars. Et on table sur une indemnisation totale de 100% de ces déposants.
Puis la réglementation, qui est à mon avis très bien rédigée, permettra aussi aux déposants, qui dépassent le plafond de 60 mille dinars, de solliciter l’indemnisation de reliquat chez le liquidateur qui va être très bientôt nommé. Sachant qu’ils sont privilégiés dans l’ordre de la distribution des liquidations, soit en deuxième position.
D’ailleurs, je pense qu’après les 20 jours ouvrables qui sont autorisés par la loi pour pouvoir finaliser cette indemnisation, on saura que 100% des déposants sont indemnisés.
Le Fond est-il dans une posture passive, sachant que les CDL de certaines banques sont autour de 25% ?
Le Fond est plutôt dans une posture pro-active, parce que cela fait 4 ans qu’on prépare une plateforme universelle d’indemnisation. Concernant la capacité du Fond à honorer la totalité des indemnisations des déposants de la BFT, je tiens à vous dire que le Fond est aujourd’hui à 600 millions de dinars de fonds propres, contre des dépôts de la BFT qui ne représentent que 0,02% du total des dépôts du secteur bancaire, soit environ 16 millions de dinars. Ce qui prouve qu’on n’aura aucun problème pour le Fonds ainsi que pour la non-sollicitation de l’Etat au pouvoir déboursé.
Parlant chiffres : nombre des déposants, total des indemnisations et cotisations des banques ?
Le nombre des déposants est d’environ 7300 clients. C’est un nombre qui n’est pas très élevé voire maitrisé. J’espère donc qu’il n’y aura pas de problème à atteindre la totalité de ces déposants, parce que la BFT est une banque qui date de trois siècles et qui a des clients qui datent de plus d’une centaine d’année.
Pour ce qui est cotisations des banques, je profite pour remercier les banques d’avoir honorer d’une façon correcte et à juste date leurs cotisations. Nous comptabilisons à peu près 200 millions de dinars de cotisations annuelles des banques, dont la BFT qui a assuré le règlement de ses cotisations.
A noter que, de par la nouvelle loi bancaire que je considère être très intéressante, les déposants bénéficient d’un service d’assurance des dépôts qui est payés par les banques.
Le Fond doit-il avoir une approche d’anticipation sur certaines banques et intervenir avant la catastrophe ?
Votre interrogation fait déjà l’objet d’une réflexion depuis la création du Fonds en 2018, mais il s’agit d’une question de moyens et du temps. C’est-à-dire que nous ne voulons pas aller dans un sens ou on duplique les efforts. Parce que la BCT a une attitude prédictive et réalise des analyses macroéconomiques et microéconomiques. Nous réfléchissons sur une analyse prédictive qui vient compléter ce qui fait la BCT.
Mais au début, notre priorité des priorités était l’établissement d’une plateforme d’indemnisation qui devrait être universelle et qui nous permettra d’affronter déjà les éventuelles difficultés de certaines banques.
Aujourd’hui, on peut dire qu’on est prêt à honorer les indemnisations, et demain nous saurons à même de travailler sur des études prédictives mais d’excellences et en complémentarité avec celles réalisées par la BCT.