Après le départ de l’actionnaire majeure, le groupe BNP Paribas, et la désignation de la nouvelle direction, l’Union bancaire pour le commerce et l’industrie (UBCI), aujourd’hui l’enjeu majeur est d’être la banque de demain. Mohamed Koubaa, Directeur général de l’UBCI, nous en parle en détails. Interview.
Vous avez clôturé l’exercice 2021 avec une hausse du PNB de 9% contre une baisse de 5% en 2020. Donnez-nous un aperçu sur cette performance.
On est tous content de cette nouvelle performance pour l’année 2021. Il est clair que cette année a été une année difficile, pas seulement pour les banques et pour l’UBCI en particulier, mais aussi pour l’économie tunisienne. Mais on renoue effectivement avec la croissance.
Il est à noter aussi que l’UBCI a choisi, ces dernières années, de contracter son activité bancaire. Pour de bonnes raisons, bien réfléchies par l’ancien actionnaire majoritaire de l’UBCI, le groupe PNB Paribas, certainement avec l’arrivée de nouvel actionnaire majoritaire et de nouvelle direction. On a réussi à retrouver une activité fleurissante comme on a l’habitude de l’avoir à l’UBCI. On espère que cette performance se consolidera courant l’année 2022, c’est notre objectif.
Le départ de BNP PARIBAS provoque des répercussions. Quelle est votre stratégie pour affronter ce changement de taille ? L’avenier est-il plutôt vers le Corporate ?
Le départ de BNP Paribas est un évènement majeur dans l’histoire de la banque, puisque la politique de ce groupe qui est assez particulière se base sur une forme de centralisation, et que beaucoup de compétences sont gérées ailleurs que l’UBCI. Donc, ce départ a provoqué certainement un changement et un bouleversement qu’on doit les gérer avec beaucoup de délicatesse et de sagesse.
Également, le groupe a su développer un capital fort à l’UBCI qui a laissé la banque dans des normes internationales avec des compétences connues et reconnues, sur lesquelles on doit capitaliser.
Notre premier champ d’actions c’est le système d’information qui est très ancien et nous pensons que les nouveaux choix qu’on va faire sont des choix capitaux pour demain. Nous pensons que le système d’information est le cœur de la banque de demain. C’est autour de cette idée que nous construisons notre stratégie qui nous permettra de pallier le départ de PNB Paribas et d’être la banque de demain. C’est un enjeu majeur.
Pouvons-nous assister à un rapprochement avec un autre groupe tunisien ou étranger, voire avec un partenaire stratégique ?
Aujourd’hui, une telle question n’est pas à l’ordre du jour. Je pense que tout d’abord il y a une priorité absolue. Comme vous l’avez dit avec beaucoup de pertinence, il y a un départ d’un grand groupe et la reconstruction d’une nouvelle banque. C’est un chantier qui va nécessiter beaucoup d’énergie et on ne va pas paralyser ce chantier par de tels choix. Je ne l’exclus pas et je ne l’interdit pas mais aussi je ne le confirme pas. Ceci serait parmi les stratégies à venir, une fois que notre chantier prioritaire sera parachevé avec l’excellence que je l’espère.
Vous venez de décerner, en collaboration avec LAB’ESS, le prix de l’entrepreneur social. Quel rôle va jouer l’UBCI dans l’économie durable et responsable ?
On est pionnier dans le domaine de la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), et ce, depuis longtemps et par conviction. Demain, on va passer aux normes IFRS (International financial reporting standards), dans lesquelles il y a une provision calculée entre autres en fonction de notre portefeuille, mais aussi en fonction des données macroéconomiques (inflation, taux de chômages, cours de change…). Pour simplifier, nous appartenons à un corps plus grand que nous et sa bonne santé fait partie de notre bonne santé. C’est-à-dire, toute action de notre part qui va dans le sens que ce corps se porte mieux est une action à apprendre. C’est exactement ça la philosophie de la RSE.
Nous pensons, également, que notre ingénierie là-dessus a su développer et nous avons entamer des actions que d’autres n’ont pas encore entreprendre. Notre philosophie RSE est profonde et notre conviction est pour une action sociale durable qui doit avoir un impact positif sur notre environnement.
Malheureusement la crise s’installe, notamment avec la concurrence bancaire et ce dernier conflit Ukraine/Russie. Comment voyez-vous l’avenir du secteur bancaire d’une façon générale ?
Certes, il y a des crises et des éléments qui arrivent dans le monde, comme la guerre en Ukraine, mais en parlant du secteur bancaire, je pense qu’ils sont des catalyseurs qui peuvent plus au moins accélérer certains faits.
Quand on regarde ce qui se passe un peu partout dans le monde et dans les régions qui nous entourent, on voit que le secteur bancaire a vu une phase de maturation et de bouleversement majeur, citant à titre d’exemples l’Europe, l’Amérique du Nord, l’Amérique Latine ou même certains pays de notre région MENA comme l’Egypte, la Jordanie et le Maroc, là où il y a des restructurations communes. Malheureusement, on ne voit pas ce genre de restructurations en Tunisie malgré qu’on est tôt ou tard obligé de passer par cette phase et avoir une restructuration commune. Quand et comment, c’est la question !!!
Il est clair que les banques accumulent aujourd’hui certaines contradictions. On nous reproche de ne pas être très actives en matière des crédits, alors qu’on fait exactement le contraire.
Beaucoup d’éléments montrent que le secteur bancaire doit se réorganiser, se restructurer et faire une réponse à un besoin qui s’impose jour après jour par les banques et les institutions financières. Seuls les crédits qui financent l’économie nationale est déjà une anomalie. Il faut donc penser à d’autres mécanismes et laisser la place à une activité d’ingénierie financière et des instruments nouveaux qui vont à la fois aider l’entreprise à bien se positionner, et les banques à se focaliser et se positionner mieux. Je pense qu’aujourd’hui on est victime d’une situation de très longue durée.
La nouvelle règlementation de la BCT relative aux CDL est-elle un excellent argument pour l’UBCI qui a un taux de créances très bas par rapport aux autres banques ?
C’est une très bonne décision, et il a été toujours demandé à la BCT de se rapprocher au mieux des normes internationales. Ce genre de normes et de politiques vont pousser les uns et les autres à accéder et à atteindre cette maturité qui est importante pour le secteur bancaire et qui va obliger les uns et les autres à donner une réponse.
Certes, l’UBCI a un taux très intéressant mais parce qu’effectivement la banque, par son héritage et son capital, a les pratiques, la tradition et le savoir-faire pour être parmi les meilleures banques. Je pense qu’on est aujourd’hui la meilleure à ce niveau parce que nous pensons que le crédit est un métier et un produit. Pour moi c’est un défi que je laisse l’UBCI sur ses niveaux de maturité et de performance.
Votre mot de la fin
Le secteur bancaire qui su se développer dans les années 70 où on était pionnier ou même des accompagnateurs et des témoins du développement d’une telle activité dans d’autres pays. Et aujourd’hui ces mêmes pays qui nous surclassent sous leurs performances de développement. Ceci ne touche pas seulement le secteur bancaire mais la situation globale, ce qui nous ramène à la crise économique que le pays est en train de vivre. Cette crise qui n’est autres que le retard des réformes qui devraient être programmées depuis longtemps, voire 20 ans auparavant.
On a su développer un modèle économique dans les années 60 qui a su répondre aux besoins du pays et donner un atout énorme et majeur qui a construit ce pays. Ce même modèle commence à s’essouffler dans les années 80 et qui est aujourd’hui tout simplement agonisant. Il va falloir, donc, qu’on apporte les réformes nécessaires à ce modèle. Sachant que le choix des bâtisseurs de ce pays était de gagner le pari d’avoir un secteur privé performant avec l’émancipation de la femme et de l’homme.
Donc, aujourd’hui c’est à l’Etat de se transformer pour donner à toutes les forces, publique et privée, toutes les chances d’intégrer les mécanismes et les défis de l’autre époque. On a une Nation qui est capable de beaucoup de choses mais malheureusement nous vivons en-dessous de nos moyens et nos compétences. Il est temps de libérer ces forces qui vont construire l’économie de demain.