TUNIS – UNIVERSNEWS La nouvelle constitution de Kaïs Saïed laisse les citoyens dans le flou, ne sachant pas si on se dirige vers une dictature, ou si le président de la République est animé de la volonté de s’arroger de grands pouvoirs, afin d’avoir les coudées franches pour une remise au pas de tous les secteurs défaillants.
Mais, ce qui est clair, c’est que les constitutionnalistes qui, en principe, sont du même bord de Saïed ont beaucoup à redire concernant les objectifs de cette constitution qualifiée par le doyen Sadok Belaïd de « dangereuse », lorsqu’il a osé enfreindre les règles du devoir de réserve, parce que le président de la République l’a tourné en dérision.
Il a, par ailleurs expliqué que le texte présenté par la Commission nationale consultative qu’il présidait et celui du président de la République sont « deux lignes parallèles qui ne se rejoignent point » , soulignant que la version publiée au Journal officiel est « truffée d’innombrables violations juridiques graves ».
Le constitutionnaliste Mohamed Outaiel Dhraief, a affirmé que « le projet de constitution soumis au référendum fait du président de la République la clé de voûte et la pierre angulaire du système politique autour duquel gravitent l’ensemble des autorités et institutions » Il a souligné « qu’en vertu du projet de la nouvelle constitution qui sera soumis au référendum, le président de la République s’est arrogé les pleins pouvoirs malgré l’existence d’un gouvernement en exercice. »
Détenteur effectif et exclusif du pouvoir exécutif, le chef de l’Etat n’est pas, cependant, responsable de ses actes contrairement au chef du gouvernement qui se voit assumer une double responsabilité devant le chef de l’Etat et le parlement bicaméral, a-t-il encore soutenu.
Traitant du volet d’un possible revirement du président de la République et son adhésion à l’idée de faire quelques amendements espérés, le professeur de droit constitutionnel, Slim Laghmani, estime qu’il n y a pas d’espoir pour l’amélioration de ce texte et que de toute façon le président de la République s’y opposera.
Laghmani a tenu à préciser qu’il est communément admis « qu’un droit ne peut pas naître d’un fait illicite ». Par conséquent, le décret présidentiel n°117 ainsi que celui n°578 portant publication du « texte du nouveau projet de constitution » seront considérés nuls tout comme, d’ailleurs, l’ensemble du processus référendaire.
Revenant sur la teneur du projet de la nouvelle Constitution, Laghmani a estimé que la constitution est nécessairement « un texte qui véhicule une conception de l’État, de son identité et de ses choix fondamentaux, un texte qui garantit les droits et libertés, établit un système politique et instaure les piliers de l’État de droit. »
« Telle que publiée au JORT, le projet de la nouvelle constitution vient traduire une conception propre à un Etat sans histoire ni pouvoirs », a-t-il fait savoir, faisant état d’un « déséquilibre flagrant » entre les pouvoirs.
Evoquant la question des droits et des libertés dans le nouveau texte proposé, Laghmani a vivement critiqué le recours excessif à la notion « d’ordre public » «pour limiter les droits et les libertés. « C’est une notion arbitraire, aux contours fuyants et flous. », a-t-il fait observer, affirmant qu’un tel recours est « délétère pour le statut des libertés et des droits dans un Etat ».
Pour sa part, Slim Laghmani, professeur de droit constitutionnel, a souligné que le texte de la Constitution « instaure un régime présidentialiste qui ouvre la voie à un système de pouvoir de la base », estimant que la Tunisie ne s’est pas encore affranchie des ambigüités ni de l’ambivalence qui entachaient la Constitution de 2014.
Il a rappelé que la constitution est un texte qui porte une conception de l’Etat, un texte qui garantit les droits et les libertés, établit un système politique et consacre la suprématie de la constitution
F.S.