TUNIS – UNIVERSNEWS Principal instrument du gouvernement pour la mise en œuvre de la politique publique, et miroir de la capacité financière du pays à réaliser, pour ses administrés, programmes et projets de développement, la loi de finances pour l’exercice 2023 a fait l’objet d’une réunion tenue, le 1er septembre 2022. Au menu : les préparatifs en cours pour confectionner cette nouvelle loi que tous les acteurs économiques, consommateurs, entreprises et départements ministériels attendent impatiemment soit pour programmer de nouveaux investissements soit pour s’adapter à de nouvelles situations (austérité…).
Cette séance de travail a réuni la cheffe du gouvernement, Najla Bouden et les ministres des Finances, du Commerce et de l’Agriculture. La présence de ces deux derniers ministres est une nouveauté en ce sens où les lois de finances précédentes ont été toujours la chasse gardée du tandem Premier ministère – ministère des Finances. Leur présence à cette réunion laisse entendre que d’importantes mesures seront prises en matière de régulation des prix à la consommation, à l’importation et à la production agricole.
Un budget en solo
Pour la première fois, le gouvernement, sous couvert de cette période d’exception et fort d’une nouvelle Constitution et d’une parfaite harmonie entre les têtes de l’exécutif (gouvernement et présidence), aura les coudées franches, pour élaborer, en solo, voire à l’aise le nouveau budget de l’Etat pour 2023.
Il n’aura pas ainsi à subir la pression, ni des échéances imposées par l’ancienne Constitution de 2014, remplacée par celle de 2022, ni des députés lors des marathons budgétaires puisque le parlement n’existe plus, ni de la presse et de la société civile dans la mesure où elles sont tenues à l’écart, depuis le coup de force constitutionnel du 25 juillet 2021.
La question qui se pose dès lors est de savoir si, au final, on aura un meilleur budget pour l’exercice 2023.
En principe la réponse est par la négative pour une raison simple. Les responsables qui vont élaborer cette loi ont évolué dans le sillage des précédents gouvernements lesquels sont réputés pour être, unanimement -bien unanimement-, des virtuoses en matière de maquillage des chiffres, d’adoption de lois inapplicables et d’irresponsabilité totale.
Les artisans formatés à la même école
Est-il besoin de rappeler ici que, depuis 2011, ces mêmes gouvernements ont abusé, lors de la conception des lois de finances, de trois solutions de facilité antiéconomiques : l’endettement pour financer le déficit du budget, le recrutement dans la fonction publique pour acheter la paix sociale et le harcèlement fiscal des contribuables (personnes physiques et morales).
Conséquence de cet abus : l’économie du pays est au bord de la faillite avec une inflation record de plus de 8,5% et un surendettement qui a atteint un seuil intolérable de plus de 120% du PIB compte-tenu d’autres mécanismes d’endettement : dettes des entreprises publiques, garanties de l’Etat, emprunts obligataires…
Selon les observateurs, le gouvernement Najla Bouden, délesté, pourtant, du volet politique devenu l’apanage du chef de l’Etat, aurait pu faire mieux pour faire bouger les choses.
A titre indicatif dans le cadre de la continuité de l’Etat, il aurait pu, depuis sa nomination, il y a environ une année, accélérer la publication des textes d’application de trois lois adoptées, en juin et en août 2020, par le gouvernement Elyès Fakhfakh qui était pourtant l’homme de Kaïs Saïed.
Des ratages monstres
Il s’agit de la loi sur le statut de l’auto-entrepreneur. L’auto-entrepreneuriat étant un dispositif qui permet l’amorçage de projets dans une taille réduite et/ou avec des ressources limitées mais qui peuvent à terme se développer et atteindre une dimension plus importante en créant des emplois supplémentaires.
Autre loi adoptée : la loi sur l’économie sociale et solidaire (ESS). Ce texte vise à équilibrer la croissance économique et l’équité sociale en favorisant une coexistence équitable des secteurs public, privé et tiers sur le marché dans un cadre réglementaire.
Seulement, étant dans un régime hyper-présidentiel, la loi proposée par le chef de l’Etat sur les sociétés communautaires « Ahlia » est venu faire de l’ombre à ce texte et même compromettre son application.
Vient enfin la loi adoptée le 6 aout 2020, sur le crowdfunding, un nouveau mode de financement qui a pour objectif de fournir le financement nécessaire aux projets et aux sociétés en vue de promouvoir l’investissement, l’entrepreneuriat, la créativité et l’innovation.
Deux mécanismes manquants
Ce mécanisme se fait à travers des plateformes digitales pour mobiliser l’épargne privée des investisseurs et financer tous types de projets qu’ils soient personnels, créatifs, sociaux ou bien des PME et des entreprises. Et ce, sous forme de dons, de prêts ou d’investissements.
Le crowdfunding peut jouer un rôle important dans la mobilisation davantage d’épargne vers l’investissement dans les PME et les entreprises.
Le gouvernement Najla Bouden aurait pu, également, selon d’autres experts, hâter la mise en place de deux institutions stratégiques: l’agence spécialisée dans la gestion de la dette à l’instar de l’ Agence française du Trésor et l’Agence de participation publique qui aura pour mission d’améliorer la gouvernance des entreprises publiques à travers la révision du portefeuille des participations de l’Etat.
Cela pour dire que beaucoup de choses auraient pu être faites en une année. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. La Tunisie mérite sa réputation auprès des bailleurs d’être un pays champion en matière d’incapacité de mener à terme les réformes.
Brahim