TUNIS – UNIVERSNEWS – Il est déplorable de constater qu’autant nous sommes bien informés sur le programme des réformes que le gouvernement Najla Bouden a présenté au FMI pour l’obtention de nouvelles facilités de paiement, autant nous ne savons presque rien sur les défectuosités relevées par le Fonds dans l’économie tunisienne et sur les propositions qu’il a faites pour y remédier.
A l’exception des intitulés des 5 principaux dossiers négociés, réduction du déficit budgétaire à travers une fiscalité équitable, maîtrise de la masse salariale, meilleur ciblage des subventions, réforme des entreprises publiques, renforcement de la concurrence et amélioration du climat des affaires, nous ignorons tout sur les détails.
Pour le FMI, l’argent est à portée de main en Tunisie
Invité, hier soir, par la chaîne privée Attassia, l’économiste conseiller de la centrale syndicale (UGTT), Abderrahmane Lahka a eu le grand mérite d’en révéler une, à titre indicatif. Il s’agit de l’iniquité fiscale qui prévaut dans le pays et des suggestions faites par le FMI pour y remédier.
D’après lui, le Fonds a demandé au gouvernement tunisien d’améliorer le prélèvement de la TVA, estimée annuellement à 15 milliards de dinars. Une telle initiative rapporterait, annuellement, aux caisses de l’Etat pas moins 7 milliards de dinars en plus des 7 milliards prélevés, jusqu’ici.
Le Fonds a proposé, également, aux Tunisiens de relever la taxe forfaitaire (régime forfaitaire) de 200 dinars à 1000 dinars par an ce qui rapporterait annuellement à l’Etat 1 milliard de dinars et d’améliorer le prélèvement des droits de douane sur les produits importés. Le FMI aurait relevé que le montant des droits prélevés ne correspond pas au volume des importations et à l’importance des montants mobilisés en devises à cette fin. Morale de l’histoire : l’argent ne manque pas, il serait à portée de main.
Sordides calculs politiques
L’économiste a perçu dans cette tendance du gouvernement à trainer la patte avant d’engager la réforme fiscale, des motifs aux relents politiques.
En prévision des prochaines législatives du 17 décembre 2022, le gouvernement ne chercherait pas à heurter les intérêts de ses éventuels électeurs parmi les fraudeurs de fisc, les forfaitaires et les importateurs.
Abstraction faite de la justesse des remarques du FMI et du courage d’Abderrahmane Lahka d’avoir éclairé, un tant soit peu, l’opinion publique sur les coulisses de ces sinistres négociations, il faut reconnaître que si le Fonds prétend défendre, dans sa littérature, la transparence et l’inclusivité, il doit commencer par lui-même. Il aurait pu donner l’exemple et commencer par informer les Tunisiens du bien-fondé de ses propositions.
D’ailleurs, cette exigence de transparence et du droit des peuples à l’information sont de plus en plus demandés par les maîtres de l’économie du monde, le G7 et le G20.
Dans un excellent article, publié le 9 janvier 2022, Marcello de Moura Estevão Filho, directeur mondial “macroéconomie, commerce et investissement“ du Groupe de la Banque mondiale, fait une mention spéciale pour la responsabilité des créanciers. Ces derniers, relève l’auteur, «peuvent aussi favoriser des pratiques de financement plus transparentes en donnant des informations détaillées sur leur propre portefeuille de prêts. Il leur incombe de limiter le recours aux clauses de confidentialité et de proscrire le secret. Ils se doivent de publier des informations détaillées sur les portefeuilles de prêts, comme le préconisent les directives opérationnelles du G20 pour un financement durable ».
Il faut reconnaître aussi que l’économiste-conseiller de la centrale syndicale, Abderrahmane Lahka a bien joué son rôle de contre-pouvoir et d’alerte. En levant le voile sur quelques-unes des propositions du FMI, il a rendu un éminent service au pays même au prix de discréditer le gouvernement en place.
Brahim