TUNIS – UNIVERSNEWS – L’économie tunisienne a souffert cette année des effets d’une forte sécheresse. Les conséquences de la sécheresse, aggravées par la guerre en Ukraine, témoignent de l’exposition du pays aux chocs climatiques et aux chocs mondiaux sur les prix des produits de base.
Les épisodes de sécheresse qui se sont enchaînés pendant trois des quatre dernières années rappellent avec force la vulnérabilité de l’économie tunisienne à l’irrégularité croissante des niveaux de précipitations. La Tunisie demeure fortement exposée au stress hydrique pour la cinquième année consécutive .Le taux de pluviométrie a atteint seulement 20% dans le centre et le sud-ouest jusqu’à fin décembre 2022 tandis que ce taux s’élève à 75% dans le nord-ouest. L’agronome Najah Bouguerra estime que nous avons une crise de gouvernance, non de ressources hydriques, et nous souffrons de stress hydrique, pas de pénurie d’eau. Les politiques adoptées et non appliquées, ainsi que le gaspillage sont à l’origine de ce stress hydrique
La récolte agrumicole a accusé une baisse de 25% en raison de la sécheresse. Fathi, fellah à Beni Khalled inspecte les branches de ses agrumes. Sur ceux-là, il n’y a pas d’oranges. Tout est sec, lâche-t-il, préoccupé.
Mohamed a perdu une moitié de sa récolte en raison de la pénurie en eau. « Ici, on est habitués au manque d’eau, mais pas à ce point » soupire le sexagénaire. Mohamed Salah, arboriculteur, n’avait jamais vu ça : ses vergers souffrent du manque d’eau et de l’excès de chaleur, dans une année bouleversée par les calamités climatiques. La déshydratation a bloqué la croissance de ses fruits, qui n’ont pratiquement pas grossi depuis deux mois. Le Cap Bon n’a jamais été aussi aride depuis un millénaire. Et le phénomène va continuer à s’accentuer, au risque d’affecter sérieusement d’autres cultures. De quoi donner des sueurs froides à la région.
La Tunisie devra donc accompagner ses efforts de développement des infrastructures de politiques de gestion de la demande en eau qui encouragent l’utilisation durable, efficace et équitable des ressources hydriques. Les événements récents ont montré que les solutions techniques ne suffisent plus à protéger l’économie contre les chocs climatiques et soulignent la nécessité d’adopter des politiques complémentaires.
L’universitaire Ridha Bergaoui présente des solutions à ce fléau. « L’utilisation des eaux non conventionnelles (désalinisation de l’eau de mer et saumâtres, traitement eaux usées), l’exploitation des eaux souterraines du Continentale Intercalaire et du Complexe Terminal dans le Sud du pays, la rétention des eaux de ruissellement (par amélioration de la qualité des sols, l’augmentation du taux des matières organiques des sols…), le reboisement des bassins versants, l’aménagement de la petite hydraulique (terrasses, courbes de niveau…) permettent d’augmenter nos disponibilités hydriques. L’éducation de tous les utilisateurs (agriculteurs, industriels, hôteliers et citoyens) à la lutte contre le gaspillage, la réparation et la rénovation des canalisations et infrastructures d’irrigation et de l’eau potable permettent de limiter le gaspillage de cette ressource précieuse. Imposer et encourager les citoyens à construire des Mejels et des réserves pour la récupération des eaux de pluie est indispensable, surtout que la législation l’impose autant pour les individus que les collectivités et les administrations. La reconversion des périmètres irrigués, l’utilisation systèmes économes d’eau, la révision de la carte agricole, le choix de cultures peu gourmandes en eau et sélection de variétés adaptées à la sécheresse sont autant d’actions importantes sachant que l’agriculture utilise la plus grande partie (80%) de nos ressources hydriques. Enfin, des techniques modernes existent et qu’il est possible d’envisager comme la pluie artificielle qui a été expérimentée dans de nombreux pays (Etats-Unis, Chine, Emirat et récemment à Dubaï) et s’est révélée intéressante. Le recouvrement des plans d’eau par des billes en plastique et même des panneaux photovoltaïques peut se révéler efficace et rentable. Le dessalement solaire de l’eau de mer existe déjà et représenterait une solution idéale sachant que la Tunisie dispose en abondance de ces deux ressources (soleil et de la mer). Enfin une technique qui commence à se développer c’est l’utilisation de polymères biodégradables super-absorbants. Ces polymères placés près des racines des plantes permettent d’absorber de fortes quantités d’eau en période d’irrigation ou de pluie et de la restituer progressivement et longtemps à la plante.»
M.S.