Par Khélil LAJIMI
Ancien ministre
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Notre endettement public a explosé. Il est passé de 40% en 2010 à pratiquement 100% aujourd’hui
TUNIS – UNIVERSNEWS Nos finances publiques sont déséquilibrées depuis plusieurs années. L’essentiel est de retrouver la voie de la vertu et d’arrêter cette crise qui n’en finit pas.
La question que l’on devrait se poser : pourquoi le FMI insiste-t-il pour que nous engagions des réformes afin de redresser nos finances publiques ?
La réponse est facile. Nous vivons au-dessus de nos moyens depuis le 14 janvier 2011. Un seul chiffre explique cette tendance. Notre endettement public a explosé. Il est passé de 40% en 2010 à pratiquement 100% aujourd’hui.
Ce niveau d’endettement pose un problème majeur : sa soutenabilité. Il devient donc vital d’infléchir cette dérive par l’engagement de réformes, certes douloureuses, à même de ramener l’endettement public sur une trajectoire soutenable et donc finançable. C’est ce que demande tout simplement le FMI. La Tunisie l’a fait en 1986, elle peut donc le refaire aujourd’hui.
Par ailleurs, il est aussi impératif de négocier des mesures d’accompagnement afin d’atténuer l’impact de ces réformes sur les classes les plus fragiles de la population.
Alors comment aboutir à la signature de l’accord avec le FMI qui ouvrirait la voie aux soutiens budgétaires de nos autres partenaires financiers ?
Le FMI demande immédiatement deux choses : l’amendement de la loi 89-9 sur les entreprises publiques et la reprise des ajustements de prix des carburants.
L’amendement de la loi sur les entreprises publiques ne débloque pas leurs privatisations. C’est faux.
On a privatisé par le passé plusieurs entreprises publiques dans le cadre de la loi actuelle. Il s’agit d’optimiser leur gouvernance. A titre d’exemple, Tunis Air serait beaucoup plus efficace en étant réactive aux évolutions du marché par une gestion plus flexible. Nouvel Air à titre de comparaison a su réduire sa voilure en pleine crise sanitaire et la redéploie efficacement cette année en période de conjoncture favorable. Pourquoi Tunis Air ne bénéficie-t-elle pas de la même flexibilité de gestion ?
Reprendre les ajustements des prix des carburants afin d’alléger le poids de la compensation énergétique sur le Budget de l’Etat. Il est plus facile de le faire aujourd’hui quand le baril évolue à 80 dollars que quand le baril est à plus de 100 dollars.
Avec ces deux mesures clés on aura levé les réserves du FMI pour signer l’accord. On devra renégocier à la hausse le montant du crédit : 2,5 milliards de dollars au lieu des 1,9 milliards négociés initialement. L’enveloppe supplémentaire servira à financer les mesures d’accompagnement ciblées aux classes les plus défavorisées. On demandera aussi un étalement des mesures sur 6 ans au lieu de 4. Mais c’est de la négociation.
On pourrait imaginer Madame Bouden, accompagnée par les ministres responsables de ce dossier et du Gouverneur de la BCT, se présenter devant l’ARP pour défendre cet accord et en débattre avec les députés (y compris l’amendement de la loi 89-9 qui a été adopté par le Conseil des ministres).
L’adoption de cet accord ne poserait plus aucun problème politique au Président de la République. N’a-t-il pas déclaré que les débats se font à l’ARP, en réponse à la proposition de l’UGTT d’organiser un débat national ?
Ainsi on aura une sortie de crise par le haut et la Tunisie en sortira gagnante en retrouvant la stabilité macroéconomique synonyme de croissance et d’emplois.