Le sixième président de l’Algérie indépendante a renoncé à briguer un 5ème mandat constitutif et reporté sine die la présidentielle, après deux semaines de manifestations inédites. Atteint depuis 2005 d’un cancer de l’estomac, Abdelaziz Bouteflika, extrêmement affaibli par un AVC qui l’a cloué dans un fauteur roulant depuis 2013 faisait face depuis plusieurs semaines à une contestation d’ampleur débutée le 22 février.
« Il n’y aura pas de cinquième mandat et il n’en a jamais été question pour moi, mon état de santé et mon âge ne m’assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien que la contribution à l’assise des fondations d’une nouvelle République », écrit Bouteflika dans un texte publié par l’agence nationale APS.
Le président Bouteflika avait regagné l’Algérie dimanche, à l’issue de deux semaines d’hospitalisation en Suisse pour des « examens médicaux ». Dans ce message à la nation publié ce lundi 11 mars 2019 à trois jours de la publication par le Conseil constitutionnel de la liste définitive des candidats admis, il précise que la présidentielle aura lieu « dans le prolongement » d’une conférence nationale chargée de réformer le système politique et d’élaborer un projet de Constitution d’ici fin 2019»
Après la « décennie noire », la pacification
Après dix ans d’une guerre civile qui a fait quelque 200 000 morts, c’est un pays traumatisé que récupère Abdelaziz Bouteflika lorsqu’il accède à la présidence algérienne en 1999. Sa mission : réconcilier la nation avec elle-même. Si la pacification du pays est à mettre à l’actif de son prédécesseur Liamine Zeroual, le nouveau président va entreprendre deux mesures fortes pour tourner définitivement la page de ce qu’on a appelé la « décennie noire ». En septembre 1999, il soumet par référendum un projet de loi dite de « concorde civile » qui prévoit une amnistie partielle des militants islamistes n’ayant pas de sang sur les mains, à condition qu’ils renoncent à la lutte armée.
Avec 90 % de suffrages positifs, le vote populaire est un véritable plébiscite. Peu à peu, les maquis se vident et plus de 6 000 hommes déposent les armes. La loi d’amnistie sera finalisée en septembre 2005 avec l’adoption d’un second texte, la « charte pour la paix et la réconciliation nationale » prévoyant des indemnisations pour les familles de disparus ainsi des aides pour celles des terroristes. Dès l’année suivante, près de 1 500 islamistes condamnés pour terrorisme sont libérés de prison. Massivement approuvée par référendum (97 % de votes favorables), la charte garantit l’acquittement de toutes les forces de sécurité algériennes.
Fort de cet indéniable succès politique, Abdelaziz Bouteflika, réélu triomphalement en 2004, entreprend sa deuxième réforme de poids. Il n’hésite pas à écarter du pouvoir les principaux généraux militaires, ceux-là mêmes qui l’avaient pourtant porté à la présidence en 1999, mais qui avaient le tort désormais de faire obstacle à son pouvoir absolu. Le président reproduira le même scénario quelques mois avant la présidentielle de 2014, en remaniant les chefs des puissants services de renseignement du département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), qui avaient pourtant profité de la lutte contre le terrorisme pour s’infiltrer au cœur des institutions du pays.
Un acteur régional incontournable
Victoire militaire sur les islamistes algériens, soutien armé au Front Polisario, dans le Sahara occidental, face au rival marocain, coopération avec l’Occident en matière de lutte antiterroriste, ou encore gestion autonome (malgré un bilan de 66 morts, NDLR) de la prise d’otages du site gazier d’In Amenas, l’Algérie de Bouteflika s’est affirmée au cours de la dernière décennie comme une puissance régionale incontournable, marquant notamment son refus de toute ingérence étrangère sur son sol.