- Les exportations tunisiennes ont atteint un chiffre record de 57,6 milliards de dinars enregistrant une croissance de +23,4%
- La France principal marché extérieur pour la Tunisie, représentant 22,2% des exportations totales en 2022, suivie par l’Italie (16,8%) et l’Allemagne (12,9%)
- Actuellement, les exportations tunisiennes vers le continent africain accaparent 10.6% du total exporté dont l’Afrique subsaharienne qui ne représentent que 3%
- Il faut œuvrer pour tirer pleinement parti des accords de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA)
TUNIS – UNIVERSNEWS – Mourad Ben Hassine, le directeur général du Centre de promotion des exportations (CEPEX) a accordé à Universnews une interview exclusive où il a évoqué plusieurs points de grande importance dont les exportations tunisiennes, le marché africain et le potentiel qu’il présente et les caractéristiques de ce marché.
Ben Hassine n’a pas manqué de parler des barrières commerciales qui freinent le développement des exportations tunisiennes vers ce marché, dont les barrières tarifaires et douanières. Interview.
- Universnews : Quel état des lieux peut-on dresser pour les exportations tunisiennes ?
Mourad Ben Hassine : La crise du COVID-19 a fortement impacté les exportations tunisiennes, avec une chute de -11.7% observée en 2020. Cependant, depuis 2021, une reprise notable s’est enclenchée, marquant une augmentation de 20,5%. En 2022, les exportations tunisiennes ont atteint un chiffre record de 57,6 milliards de dinars enregistrant une croissance de +23,4%, principalement attribuable à la hausse mondiale des prix. Les secteurs énergétiques ont connu une croissance de +49,9%, les mines, phosphates et dérivés de +56,1%, les industries agro-alimentaires de +34,1%, les produits textiles, habillement et cuirs de +21,0%, et les industries mécaniques et électriques de +14,5%.
La France demeure largement le principal marché extérieur pour la Tunisie, représentant 22,2% des exportations totales en 2022, suivie par l’Italie (16,8%) et l’Allemagne (12,9%). La Tunisie génère un excédent commercial d’environ 2,3 milliards de dinars avec les pays de l’UE.
Les exportations ont maintenu cette croissance à deux chiffres en 2023, avec une augmentation de 11,1% au cours des sept premiers mois de l’année par rapport à la même période en 2022. Les exportations ont atteint 36,1 milliards de dinars, tandis que les importations ont connu une hausse quasi-stable de +0,3% atteignant 46,3 milliards de dinars.
Cette dynamique, caractérisée par des exportations plus robustes (+11,1%) que les importations (+0,3%), a allégé le déficit commercial, passant de -13,7 milliards de dinars lors des sept premiers mois de 2022 à -10.2 milliards de dinars en 2023. Le taux de couverture a augmenté de 7,6 points par rapport à la même période de 2022, s’établissant à 77,9%.
L’augmentation observée au niveau des exportations durant les sept premiers mois de l’année 2023 concerne plusieurs secteurs. En effet, les exportations du secteur des industries agro-alimentaires ont augmenté de 13,6%, celles des textiles, habillement et cuirs de 13,3% et celles des industries mécaniques et électriques de 19,4%. En revanche les exportations du secteur de l’énergie ont baissé de 28,8% et celles des mines, phosphates et dérivés de 5,4%.
- Malgré le potentiel qu’il présente, le marché africain n’est pas encore exploité par la Tunisie pourquoi ? Qu’est ce qui manque aux entreprises tunisiennes pour tirer profit de ce marché et des opportunités qu’il offre ?
Le marché africain offre de vastes opportunités et un potentiel significatif pour les entreprises tunisiennes. En effet, ce marché est en constante croissance en tant que terrain de consommation. Les projections laissent entrevoir une population africaine actuelle d’environ 1,2 milliard d’individus, atteignant potentiellement 1,7 milliard d’ici 2030. Soutenue par une croissance moyenne annuelle de 5,4% du PIB réel au cours des deux dernières décennies, l’Afrique démontre également une augmentation continue de la productivité et des revenus, créant ainsi de nouvelles occasions sur le marché de la consommation.
Le marché africain bénéficie également d’une expansion régionale, en particulier avec la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui offre de nouvelles perspectives pour le commerce intra-africain.
Malgré des progrès notables, avec une croissance annuelle moyenne de 13% les exportations tunisiennes vers les pays africains entre 2013 et 2022, il demeure clair que des marges d’amélioration persistent pour les entreprises du pays.
Actuellement, les exportations tunisiennes vers le continent africain accaparent 10.6% du total exporté par la Tunisie dont les pays de l’Afrique subsaharienne qui ne représentent que 3% mais suivent un rythme exponentiel depuis quelques années.
Malgré les efforts déployés pour favoriser le commerce intra-africain, des barrières commerciales subsistent, telles que les barrières tarifaires, les réglementations douanières complexes et les disparités normatives entre les pays africains. Ces facteurs peuvent rendre le commerce avec l’Afrique plus complexe et entraver l’engagement total des entreprises tunisiennes sur ce marché.
La concurrence internationale représente un défi majeur, avec de nombreux pays, dont des nations européennes, la Chine et d’autres acteurs mondiaux, rivalisant également pour les opportunités en Afrique. Cette concurrence intense peut rendre ardue la différenciation de la Tunisie et l’exploitation maximale des opportunités commerciales en Afrique.
Des infrastructures limitées et des connexions logistiques insuffisantes peuvent également freiner l’expansion commerciale tunisienne en Afrique. Les coûts élevés de transport et la complexité des chaînes d’approvisionnement peuvent nuire à la compétitivité des produits tunisiens sur le marché africain.
Une compréhension approfondie du marché africain, de ses spécificités et opportunités, est essentielle pour réussir dans cette région. La Tunisie peut parfois manquer de ressources et d’informations suffisantes sur les marchés africains, limitant sa capacité à prendre des décisions éclairées et à exploiter pleinement les opportunités commerciales.
Ainsi, il s’avère crucial pour la Tunisie de persévérer dans l’exploration et le développement de ses relations commerciales avec l’Afrique, en identifiant les obstacles et en travaillant à les surmonter, afin de tirer pleinement parti du potentiel économique que le continent africain renferme.
- Quel rôle joué par le CEPEX dans la promotion du marché africain et quel bilan peut-on en tirer ?
L’écosystème de l’exportation se trouve à l’aube d’une transformation majeure, valorisant le potentiel inné des entreprises tunisiennes et mettant en exergue les avantages de s’orienter vers le marché africain. Cette évolution cruciale est portée par les structures de soutien, dont le CEPEX, qui joue un rôle prépondérant en tant que moteur de l’exportation tunisienne.
Les démarches du CEPEX englobent une série d’éléments stratégiques dont le renforcement du réseau Commercial du CEPEX à l’étranger, la priorisation de l’exportation vers l’Afrique, le soutien Financier Spécifique, l’organisation d’événements de Mise en Relation B2B, l’intensification des actions Promotionnelles et le soutien au développement.
- A priori, il y a un problème de règlementation et de logistique pour pénétrer ce marché ?
Effectivement, les entreprises tunisiennes qui aspirent exporter vers l’Afrique peuvent se heurter à diverses problématiques, notamment au niveau logistique et administratif. Voici quelques-unes des difficultés majeures qu’elles peuvent rencontrer :
– Défis Logistiques : La distance géographique entre la Tunisie et certains pays africains peut engendrer des enjeux logistiques importants, tels que des coûts de transport élevés, des délais de livraison prolongés et des complexités dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement. L’absence de liaisons maritimes directes entre la Tunisie et les ports africains aggrave également cette problématique. De plus, dans certains pays africains, les infrastructures de transport et de logistique sont moins développées, ce qui peut compliquer le cheminement des marchandises.
– Obstacles Commerciaux et Administratifs : Certains pays africains appliquent des barrières commerciales, incluant des droits de douane élevés, des procédures douanières complexes et des exigences de conformité strictes. Ces entraves peuvent accroître les coûts d’exportation et ralentir les démarches administratives, compliquant ainsi les exportations pour les entreprises tunisiennes.
– Connaissance du Marché : Chaque marché africain possède ses spécificités, règlementations et préférences propres aux consommateurs. Les entreprises tunisiennes peuvent rencontrer des difficultés à appréhender les besoins et les attentes des consommateurs africains, ainsi que les réalités du marché local. Il s’avère donc primordial de conduire une analyse approfondie du marché et d’adapter les produits ainsi que les stratégies de vente en conséquence.
– Accès au Financement : L’accès au financement et au crédit peut constituer un obstacle majeur pour les entreprises tunisiennes qui aspirent à exporter vers l’Afrique. En effet, les banques tunisiennes sont peu présentes sur le continent africain.
-Représentation Diplomatique Limitée : La faible représentation diplomatique tunisienne en Afrique et les ressources limitées posent une problématique supplémentaire.
- Qu’est-ce que vous proposez pour améliorer la donne ?
Pour améliorer la position de la Tunisie sur le marché africain et tirer pleinement parti des opportunités économiques prometteuses qu’offre le continent en améliorant la Connaissance du Marché à travers l’élaboration des études de marché approfondies pour appréhender au mieux les besoins, les tendances et les préférences des consommateurs africains. Ceci permettra aux entreprises tunisiennes d’ajuster leurs produits et leurs stratégies de marketing en conséquence.
Il faut aussi faciliter les démarches commerciales et administratives à travers la simplification des formalités commerciales, réduire les obstacles douaniers et harmoniser les règlements avec les pays africains ce qui favorisera le commerce et incitera les entreprises tunisiennes à investir davantage sur le marché africain.
L’optimisation des Infrastructures et de la Logistique est un axe très important afin d’accélérer l’investissement dans les infrastructures de transport, y compris les routes, les ports et les aéroports, tout en renforçant l’offre de transport aérien et maritime via des partenariats pertinents. Cette démarche contribuera à la réduction des coûts et à l’amélioration de la compétitivité des produits tunisiens sur le marché africain.
La mise en place d’une stratégie de diplomatie économique en Afrique ambitieuse et compatible avec nos moyens s’impose aussi à travers le renforcement des interventions de nos ambassades et représentations commerciales en Afrique dans le cadre de la diplomatie économique, en mettant à leur disposition des ressources, des moyens et en élargissant le réseau, afin d’accompagner les entreprises tunisiennes dans leurs démarches visant à consolider leur implantation sur les marchés cibles.
Il est également recommandé de mobiliser la Diaspora Tunisienne, développer la Coopération « Triangulaire » : Canaliser les aides internationales pour financer les projets d’infrastructure en Afrique, stimulant ainsi la croissance économique et ouvrant de nouvelles voies commerciales pour la Tunisie, mettre en application des conventions de non double imposition et encouragement des banques tunisiennes à s’installer en Afrique et accompagner davantage les entreprises nationales à s’internationaliser .
Il faut œuvrer pour tirer pleinement parti des accords de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA).
B.B.R.