- Que peut faire le Conseil de sécurité nationale pour imposer de démasquer les tueurs et les commanditaires ?
La teneur de la réunion du Conseil de sécurité nationale, tenue lundi 11 mars 2019 au Palais de Carthage, suivie de l’entrevue accordée par le chef de l’Etat aux trois élues représentant les députés plaignants à propos du présumé appareil sécuritaire secret d’Ennahdha, continuent à susciter les réactions, chacun y allant de ses commentaires, de ses lectures et de ses interprétations des différents points soulevés lors de cette séance.
Tout d’abord, il faut souligner que les clivages entre les deux têtes de l’exécutif étaient, certes, connus, mais jamais on aurait imaginé qu’ils seraient étalés au grand public. Un étalage voulu surtout de la part du Palais de Carthage dans la mesure où, malgré toutes les possibilités lors du montage, le site de la présidence de la République a tenu à ce que cette fameuse séquence de clash figure sur la vidéo
Pour revenir au fond du clash, on pourrait épiloguer longuement sur les responsabilités de cet incident, puisque c’en est vraiment un. La faute incombe-t-elle au chef de l’Etat qui a fait la remarque sur les raisons du report de la réunion ou bien au chef du gouvernement qui a justifié son attitude par un non-respect des délais ?
Or, logiquement, la réunion du Conseil de sécurité nationale a un caractère urgent et peut être convoquée à tout moment et, par voie de conséquence, elle doit bénéficier de la priorité absolue chez tous ses membres, d’où l’inadéquation de la réplique quant à la nécessité d’avoir un délai de 15 jours à l’avance. Bref, il est devenu clair que les deux têtes de l’exécutif ne se supportent plus, quitte à le faire savoir en public.
Ensuite, le président de la République n’a raté aucune occasion pour lancer des flèches acerbes aussi bien envers le gouvernement que le parti d’Ennahdha. Ainsi, il n’hésite pas à accuser, d’une manière indirecte, les partisans de Chahed de n’avoir aucun sens de la morale et de l’éthique en matière politique.
D’autre part, il s’est montré inflexible concernant l’impératif de connaître la vérité, toute la vérité sur les assassinats des deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, un objectif qu’il s’est fixé lors de sa campagne électorale en 2014. Et il a affirmé qu’il est décidé à ne plus reculer jusqu’à l’épilogue de cette énigme quel qu’en soient les responsables. « Si Ennahdha se révèle impliqué, je ne le couvrirai pas… », a-t-il renchéri.
BCE a prévenu que les choses ne peuvent pas continuer ainsi avec tous les tiraillements que cela cause notamment par politiciens, analystes et médias interposés. C’est peut-être le terme de trop qu’il a prononcé dans le sens où les journalistes sont en train, eux aussi, de faire leur travail et leur devoir.
C’est donc aux magistrats que le chef de l’Etat doit s’adresser. En effet, sans interférer sur le fond de l’affaire, mais c’est son plein droit, comme tout autre citoyen, de réclamer plus de célérité et d’efficacité dans le traitement du dossier qui traîne en longueur depuis six ans. Et c’est dans cette optique que le chef du gouvernement et le ministre de la Justice sont tenus d’ordonner au ministère public, qui est sous la tutelle directe du ministre de la Justice, afin de procéder à l’ouverture d’une enquête judiciaire sur cet appareil sécuritaire secret d’Ennahdha.
Ce qui est étonnant, toutefois, c’est que certains politiques, notamment des responsables d’Ennahdha et certains analystes s’étonnent que BCE s’intéresse à cette affaire des assassinats sous prétexte qu’il le fait dans le cadre d’agenda tout en s’interrogeant sur le pourquoi de ce retard de quatre ans avant de s’occuper du dossier.
Il est légitime de critiquer BCE pour son retard dans le traitement de l’affaire, mais on doit soutenir toute action visant la révélation de la vérité car comme dit le proverbe, mieux vaut tard que jamais. Il est possible, voire plausible, que Béji Caïd Essebsi ait des calculs ou un agenda quelconque, mais à notre avis cela importe peu si cela peut contribuer à la vérité et à élucider l’énigme et à identifier et arrêter les coupables.
D’ailleurs, à notre humble avis, si BCE réussit, par le biais du Conseil de sécurité nationale ou un quelconque autre procédé, il ferait une sortie par la grande porte et entrerait dans l’Histoire aussi bien nationale qu’internationale. C’est dire qu’il est temps de cesser de polémiquer sur les raisons ayant amené BCE à se rappeler qu’il y a une affaire d’assassinats politiques, mais l’éthique et la morale exigent qu’on le soutienne dans son souci de dévoiler la vérité, bien entendu s’il est sincère dans cette œuvre…
Les analystes estiment que Béji Caïd Essebsi peut être sincère dans cette démarche du moment qu’il n’a plus rien à perdre puisque sa décision aurait été déjà prise de ne pas se représenter pour un nouveau mandat présidentiel. Et s’il n’entreprend pas une action qui « frapperait » l’opinion publique, son destin serait, alors, tout tracé pour une toute petite sortie sans gloire.
Alors, le Conseil de sécurité nationale est-il habilité à exiger, voire obliger le ministère public, justement pour des considérations de sécurité nationale, à ouvrir l’enquête tant réclamée et à hâter les procédures pour clore ce dossier avec l’identification des tueurs et, surtout, des commanditaires et des financeurs de ces assassinats qui, tant que cela n’est pas fait, constitueront une honte et un point noir sur le front de toutes les Tunisiennes et tous les Tunisiens.
En tout état de cause et tout en critiquant BCE pour ce retard dans la prise en main de cette affaire, il faut critiquer aussi et en premier lieu, le ministère public et derrière lui, le ministre de la Justice et le chef du gouvernement, pour son silence pour ne pas dire son refus d’entamer un processus ferme et résolu pour élucider ce mystère.
Noureddine HLAOUI