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L’étude « Eau 2050 » se propose de partir du bilan hydrique naturel global et d’examiner l’offre naturelle globale sa répartition
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Les dernières précipitations constituent une manne du ciel certes, mais le taux de remplissage des barrages n’a pas dépassé les 25,6 %
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Dans certaines zones comme Béja, Grombalia, Monastir, Zaghouan, la pluviométrie a affiché une valeur dépassant les 100 millimètres
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L’étude préconise de passer à une phase d’optimisation de toutes les ressources d’eau conventionnelles et non-conventionnelles
Interview de Abdallah Rabhi, expert et ancien secrétaire d’Etat chargé des Ressources hydrauliques et de la Pêche
TUNIS – UNIVERSNEWS Les fortes précipitations qui se sont dernièrement abattues sur plusieurs régions du pays, notamment celles du nord et du centre sont de bon augure pour la campagne hydraulique prochaine et la saison agricole, bien que les apports au niveau des barrages restent modestes a affirmé, Abdallah Rabhi, expert et ancien secrétaire d’Etat chargé des Ressources hydrauliques et de la Pêche
• Universnews : Les dernières précipitations, ont-t-elles amélioré le niveau des réserves en eau dans les grands barrages ?
Abdallah Rebhi : Les dernières précipitations constituent une manne du ciel certes, mais le taux de remplissage des barrages n’a pas dépassé les 25,6 %. Cela correspond à un stock dans les barrages de 512 millions de m3. Ce qui signifie que le bilan pluviométrique reste toujours déficitaire. Les apports depuis le 1er septembre, jusqu’au 17 décembre sont de 148 millions de m3 sur une moyenne de 443 millions de m3 soit 30% de la moyenne des apports. Ainsi, à la date du 17 décembre 2023, le taux de remplissage des barrages s’est établi à 22,5%. Ce taux est de l’ordre de 28% pour le barrage de Sidi Salem (Béja) 12% pour le barrage de Mellegue et de 25,9% barrage de Sidi el-Barak (Béja). Les choses se sont améliorées au niveau de la pluviométrie. Le Nord-Ouest a atteint 83% de sa moyenne contre 38% vers la fin novembre. Le Nord-Est 72% contre 25%, le Centre-Ouest 54%, contre 19% et le Centre-Est 67% contre 8%. Ces pluies sont venues de l’Est. C’est un retour d’Est contre les pluies qui viennent de l’Ouest. La Tunisie a connu ces pluies d’Est en 1969, 1982 et 2018. Les apports suivront de décembre jusqu’à avril.
• Quel apport ces dernières précipitations pour l’agriculture tunisienne ?
Ces précipitations avaient un caractère très intense dans certaines régions. Dans certaines zones comme Béja, Grombalia, Monastir, Zaghouan, la pluviométrie a affiché une valeur dépassant les 100 millimètres. Ce qui améliorera certainement le niveau des réserves dans les nappes phréatiques. Ces précipitations ont permis de déclencher un processus de ruissellement dans plusieurs oueds et d’améliorer, un tant soit peu, les réserves en eau dans les barrages. Elles se répercutent positivement sur les prochaines campagnes agricoles, les parcours et l’activité d’élevage. Ces dernières précipitations constituent une manne du ciel et auront un impact positif sur la campagne céréalière, l’arboriculture et la prochaine campagne oléicole
• Faut-il penser à mettre en place des politiques qui prennent en considération les changements climatiques. Que prévoit l’étude intitulée “l’eau à l’horizon de 2050” ?
L’étude eau 2050 a été entreprise afin d’explorer l’état de disponibilité de ces ressources aquifères à l’horizon 2050. Elle vise à établir une stratégie de long terme pour que la question de l’eau, en termes de quantité et de qualité, ne devienne jamais un obstacle ou même une contrainte au développement du pays et inscrire ainsi cette disponibilité dans la durabilité pour les générations futures. Pour toutes ces fins, l’étude « Eau 2050 » se propose, chose nouvelle, de partir du bilan hydrique naturel global du pays et d’examiner, en premier lieu, l’offre naturelle globale en pluviométrie sur l’ensemble de la Tunisie et sa répartition sur les différents usages naturels de l’environnement du pays.
– Elle a pour objectif d’établir un équilibre hydraulique entre l’offre et la demande en 2050 et ceci nécessite un changement de paradigme par la proposition de réformes administratives et institutionnelles pour un nouveau mode de gouvernance efficace et décisionnel.
– Elle se propose en 2eme lieu, de cerner l’offre constituée par les parties mobilisables de cette offre globale sous forme de ruissellement en surface et d’infiltration en profondeur dans les nappes, c’est-à-dire les parties directement utilisables pour couvrir les besoins nécessaires au développement économique et social. Elle s’attarde sur les façons et les moyens d’améliorer et de pérenniser la mobilisation de ces ressources de ruissellement et d’infiltration afin de rendre pérenne leur disponibilité.
– Elle aborde en 3ème lieu, dans un contexte de rareté de la ressource, la nécessaire maîtrise de la gestion de la demande en eau pour tous les usages en œuvrant pour sa préservation et pour l’optimisation de ces usages. Cette gestion optimale est devenue un élément nécessaire pour équilibrer le bilan hydrique national, éviter les pénuries et se prémunir contre les incertitudes des changements climatiques.
– Elle introduit, en 4ème lieu, un élément nouveau dans l’approche de la mobilisation des ressources aquifères indirectement disponibles, celui des ressources pluviométriques absorbées par l’agriculture pluviale, ressources aquifères récupérables sous forme de produits alimentaires de nature végétale et animale.
– En 5ème lieu, l’étude pose, également chose nouvelle, la question cruciale de la sécurité hydrique nationale qui implique la mobilisation de ressources additionnelles non conventionnelles (eau des crues, eau des lâchers des barrages, eau dessalée et eau usées traitée) et le stockage stratégique souterrain des eaux outre le stockage en surface pour la réserve sécheresse.
– Elle préconise en 6ème et dernier lieu, les réformes réglementaires et institutionnelles rendues nécessaires par la translation de la Tunisie de la phase de mobilisation des dernières disponibilités naturelles des ressources, à une phase d’optimisation de toutes les ressources d’eau conventionnelles et non-conventionnelles afin de consolider la sécurité hydrique et de l’inscrire dans la durabilité jusqu’en 2050 et au-delà.
M.S.