Par Khélil LAJIMI
- Depuis 2011 la Tunisie a choisi une relance par la demande qui a déséquilibré nos agrégats macroéconomiques et dégradé notre compétitivité
- Dans une économie à l’instar de la Tunisie, environ 35 emplois sont créés dans le secteur de l’eau et de l’assainissement pour 1 million de dollars d’investissements
- La loi de finances 2024 a programmé une enveloppe de 5274 millions de dinars soit environ 34 000 emplois directs ce qui est très peu pour espérer résorber le chômage
- La valorisation de la recherche aurait un impact positif sur la valeur ajoutée de notre économie et permettrait par là-même d’augmenter notre compétitivité internationale
TUNIS – UNIVERSNEWS (TRIBUNE) – Nul ne peut nier l’effet bénéfique de l’investissement public sur l’économie. Il fait l’objet d’un consensus dans tous les débats de politique économique. L’investissement public a un effet multiplicateur sur la création d’emplois. Pour les pays en voie de redressement, la relance de l’activité économique est une priorité majeure. Depuis 2011 la Tunisie a choisi une relance par la demande qui a déséquilibré nos agrégats macroéconomiques et dégradé notre compétitivité. Il serait sage aujourd’hui d’opter pour une relance par une politique de l’offre. Donc, quoi de mieux que la création d’emplois pour soutenir ce redressement.
Une étude récente du FMI vient de le démontrer. En s’appuyant sur un ensemble de données recueillies dans 27 économies avancées et 14 économies intermédiaires, les équipes de recherche du FMI ont mesuré l’effet direct sur l’emploi d’un million de dollars de dépenses d’investissement par secteur (électricité, routes, écoles, hôpitaux, eau et assainissement).
Dans une économie de marché émergente caractérisée par une forte mobilité et une forte intensité de main-d’œuvre, à l’instar de la Tunisie, environ 35 emplois sont créés dans le secteur de l’eau et de l’assainissement pour 1 million de dollars d’investissements supplémentaires. Pour l’énergie, les routes, l’éducation et la santé, ce chiffre baisse à 20 emplois.
Les avantages de l’investissement dans les énergies renouvelables et l’innovation
Pour les investissements verts, la mise en œuvre est plus facile, en partie parce que de nombreux emplois dans les énergies renouvelables ne requièrent pas une formation supérieure et que les barrières à l’entrée sont peu élevées. Pour un million de dollars investis, environ une dizaine d’emplois pourraient être créés dans le secteur de l’électricité verte et une douzaine d’emplois dans la transformation des écoles et des hôpitaux en bâtiments à haute efficacité énergétique.
Les investissements dans la recherche et le développement peuvent également créer des emplois, mais exclusivement, pour les travailleurs hautement qualifiés. Bien qu’il s’agisse d’une composante beaucoup moins importante de l’investissement public, principalement destinée à l’enseignement supérieur, environ 4 emplois hautement qualifiés (doctorants-chercheurs) sont créés dans le domaine de la recherche et développement pour 1 million de dollars investis.
Le budget d’investissement de l’Etat pour 2024
La loi de finances 2024 a programmé une enveloppe de 5274 millions de dinars (1,7milliards de dollars) pour l’investissement public. C’est environ 34 000 emplois directs créés en comptant une moyenne de 20 emplois par million de dollars investis. C’est très peu pour espérer résorber le chômage à 650 000 sans compter les primo-demandeurs d’emplois sortants des universités en juin 2024.
Plus particulièrement, un programme de recrutement spécifique pour les docteurs-chercheurs couterait environ 800 millions de dinars pour en recruter un millier dans les laboratoires de recherche des universités. La valorisation de ces recherches aurait un impact positif sur la valeur ajoutée de notre économie nationale et permettrait par là-même d’augmenter notre compétitivité internationale. On monterait en gamme et nous entamerions la transformation de notre modèle économique épuisé basé sur une main d’œuvre bon marché. Il s’agirait d’activer les liens entreprises-universités et d’impliquer les entreprises dans la définition des programmes de recherche. Un mécanisme de crédit d’impôt pourrait inciter les chefs d’entreprises à s’engager dans ce programme. C’est une première piste à explorer pour basculer vers une politique de l’offre beaucoup plus efficace pour redresser notre économie nationale et lui permettre de mieux affronter une compétitivité internationale de plus en plus intense.
K.L.
Ancien ministre