• Les Tunisiens attendent de Fakhfakh une vraie Déclaration et non une « dissertation »
• Il faut tirer les leçons et les enseignements du « passage-fiasco » de Chahed
• Il faut s’occuper des véritables attentes des citoyens et non pas se préoccuper de son propre avenir politique
C’est donc, demain mercredi 26 février 2020, qu’une étape prend fin et une autre commence avec le vote de confiance qui doit avoir lieu à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour le nouveau gouvernement présidé par le chargé Elyès Fakhfakh.
En effet, sauf miracle et imprévu de toute dernière minute, le cabinet de Fakhfakh devrait obtenir la confiance des élus et se mettre au travail, même si sa mission s’annonce des plus difficiles à cause d’une situation politico-socio-économique alarmante héritée de plusieurs gouvernements successifs, plus particulièrement du dernier, celui de Youssef Chahed.
C’est dans ce sens que le prochain gouvernement est appelé à se fixer un certain nombre de priorités qu’il devrait spécifier avec un échéancier quant à leurs réalisations. Mais auparavant et dès les premiers jours, M. Fakhfakh devrait parler aux Tunisiennes et Tunisiens avec franchise et sincérité en leur exposant la réalité de la chose publique avant de procéder à un audit afin de révéler au peuple les vrais responsables de l’effondrement de tous les indicateurs, plus précisément, le « destin » des milliards de dinars obtenus par la Tunisie à titre de crédits de la part des bailleurs de fonds internationaux depuis 2012.
Or, au cours des dernières semaines, plus précisément, le chef du gouvernement sortant a multiplié les sorties pour présenter un bilan élogieux et positif de son passage à La Kasbah en disant que « comme il l’avait promis en 2016, les indicateurs clignotent, en cette année 2020, au vert, alors qu’au contraire, ils n’ont jamais été autant au rouge. Qu’on en juge…
Juste après sa nomination, on avait lancé Tunisia 2020 et on parlait de dizaines de milliards de dinars d’investissements. Mais à l’orée de 2020, aucun des grands projets promis n’a été lancé. Pire, le taux d’inflation est encore élevé et la dette ne cesse de se creuser.
Pourtant en été 2016, Youssef Chahed avait une feuille de route bien tracée après avoir été signée par les différents protagonistes de l’accord de Carthage 1. Et voilà ce qu’elle préconisait : une lutte plus efficace contre le fléau du terrorisme, l’impulsion de la croissance et de l’emploi, l’éradication de la corruption, la modernisation du secteur public, la restauration des grands équilibres budgétaires, et le parachèvement de la mise en place des instances constitutionnelles, dont en premier lieu la Cour constitutionnelle.
Or, au lieu de s’occuper de tous ces chantiers, Youssef Chahed a arrêté Chafik Jerraya et quelques autres barons de la contrebande ainsi que deux hauts cadres parmi les plus compétents des services se sécurité pour se faire une réputation de « champion de la lutte anti-corruption tout en se lançant dans une lutte avec Hafedh Caïd Essebsi sous prétexte d’empêcher la récidive du syndrome de la « Famille », alors que sa mission était de sauver l’économie de la Tunisie.
Il faut dire qu’aucune des personnes arrêtées n’a été reconnu coupbable ou condamné. Même pas Chafik Jerraya!…
Ainsi, trois ans durant, M. Chahed n’a pensé qu’à atteindre le Palais de Carthage, allant jusqu’à mener une attaque frontale contre son bienfaiteur, feu Béji Caïd Essebsi en usant de ses droits et de ses prérogatives que lui confère la Constitution, aidé en cela par un entourage composé, notamment, par les Mehdi Ben Gharbia, Iyad Dahmani, Lazhar Akremi et une pléiade de médias, d’où une dépense d’énergie et une prise de décisions juste pour sauver sa chaise à La Kasbah.
On se rappelle même le limogeage de trois des grandes compétences au gouvernement juste parce que des bruits couraient quant à la possibilité pour eux d’être des successeurs du chef du gouvernement : nous citerons les Mohamed Fadhel Abdelkefi, Lotfi Brahem et Khaled Ben Kaddour
D’autre part, nombreux sont les experts économiques et financiers qui ont confirmé lesdits clignotants rouges et qu’on peut résumer dans les propos tenus par Ezzeddine Saïdane, connu pour son franc-parler. Voyons ce qu’il dit…
– La croissance de l’économie tunisienne a été, réellement, de 0% au cours des deux derniers trimestres de l’an 2019 avec le risque d’être carrément négative pour le 1er trimestre de l’année 2020 en cours. Autrement dit, le pays est en panne et sans productivité.
– La dette publique atteint 117 milliards de dinars à rembourser en devises fortes, dont neuf milliards de dinars au cours de l’année actuelle, d’où la nécessité pour le gouvernement à venir de jouer le rôle de sapeur-pompier et non de planificateur, sans oublier qu’il est temps de procéder, comme déjà souligné, à un audit de la politique financière suivie par les gouvernements précédents qui ont contracté des crédits colossaux pour les dépenser sans rationalité.
– L’Etat a besoin, mensuellement, de 4 milliards de dinars dont plus de 1660 millions de dinars consacrés au paiement des salaires de la Fonction publique
– Ces dettes font exposer le pays aux exigences des bailleurs des fonds et à leur tête le FMI vers qui le gouvernement doit allers dès le mois d’avril 2020, avec le risque de voir les créanciers imposer leur diktat qui pourrait aller jusqu’à la solution du rééchelonnement de la dette. Et dans ce cas, la catastrophe serait majeure puisque cela signifie la perte par la Tunisie de sa souveraineté et de l’indépendance de ses décisions. En d’autres termes plus crus, cela mettrait notre pays sous tutelle des créanciers, en premier lieu le FMI.
Et selon les mêmes experts analystes, il s’agit d’un legs trop lourd laissé par les gouvernements successifs, à commencer par ceux de la Troïka jusqu’à celui de Youssef Chahed qui s’est préoccupé, davantage par son propre avenir politique que par l’amélioration des conditions de vie des citoyens.
Et tout état de cause et sans insulter l’avenir à propos de ce que fera le gouvernement de M. Fakhfakh, une fois passé l’examen devant l’ARP, ce cabinet est tenu de réussir l’examen de la confiance des gouvernés en leur disant les quatre vérités de la situation, en s’abstenant de faire des promesses intenables et en désignant, avec courage et chiffres à l’appui,, les vrais responsables des flops socioéconomiques.
Un chef de gouvernement est appelé à faire son travail et à s’acquitter de sa mission et non à faire de la politique et à faire reluire son image, jusqu’au dernier jour et jusqu’au dernier moment, à coups d’interviews et de déclarations hostiles frisant les règlements de comptes à l’encontre de ses adversaires démontrant qu’il ne veut nullement reconnaître ses erreurs et ses torts et qu’il rejette souvent, voire toujours, la responsabilité sur les autres !…
Noureddine HLAOUI