-
Plaçant la barre très haute et engageant un bras de fer avec Rached Ghannouchi, Elyès Fakhfakh risque un « suicide politique »
-
Les préalables, l’alignement sur Kaïs Saïd et les fleurs faites à des cadres d’Ettakatol, autant d’erreurs fatales…
Finalement et après maintes tergiversations, la réunion a eu lieu, hier lundi 3 février 2020 à Dar Dhiafa, entre Elyes Fakhfakh, chef de gouvernement désigné et les partis associés aux concertations sur le futur gouvernement a démarré, lundi après-midi, à Dar Dhiafa à Carthage.
Mais que d’eau a coulé sous les ponts avant cette réunion, prévue pour samedi dernier qui semble avoir été de pure forme puisque les représentants des différents partis participants trouvent que le document dit contractuel devrait être encore révisé, chacun d’eux estimant qu’il ne répond pas entièrement à ses attentes et à ses visions.
Ce conclave a pour objectif d’aboutir à un document contractuel final pour passer aux étapes suivantes, jugées » nécessaires » pour la formation du gouvernement, lit-on dans un communiqué du bureau d’information du chef du gouvernement désigné.
Mais le plus dur est à venir, semble t-il dans la mesure où des divergences fondamentales séparent les divers protagonistes. En effet, le parti Ennahdha maintient ses exigences quant à la formation d’un gouvernement d’union nationale sans exclure aucun parti, en allusion, plus particulièrement, à celui de Qalb Tounès. Il est allé jusqu’à annoncer sa décision de ne pas signer le document en question.
L’autre bloc islamiste, El Karama, indique clairement qu’il ne participera pas à un cabinet aux côtés de Tahya Tounès alors que le chef du gouvernement désigné a donné le ton en mettant Qalb Tounès à l’écart sous le prétexte qu’il ne va travailler qu’avec les parties ayant soutenu Kaïs Saïed au second tour.
Un critère arbitraire et incompréhensible qui a valu à M. Fakhfakh un bras de fer avec Rached Ghannouchi en personne.
Quant à Tahya Tounès, il serait en proie, selon les proches, à des divergences énormes entre le clan de Youssef Chahed et celui de Mehdi Ben Gharbia créant une réelle « fissure » au sein de cette formation politique
C’est dire que les consultations sont mal barrées dès le départ à cause de ce préalable posé par M. Fakhfakh qui fait preuve, selon les observateurs, d’une grande « prétention » en usant et abusant du « je » et d’un suivisme primaire au président de la République.
Il faut dire qu’on n’a jamais vu un chef de gouvernement dans les démocraties du monde traiter les partis et les députés comme s’il s’agissait de ses propres « troupeaux » en leur intimant l’ordre de se placer dans les rangs de son choix. Le comble c’est que malgré l’opposition des plusieurs partis, Elyès Fakhfakh campe sur sa position qualifié d’injustifiée, voire carrément aberrante !
Ce qui étonnant encore plus, c’est que M. Fakhfakh semble vivre dans une situation de déni puisque même après les positions franches d’Ennahdha, d’El Karama et autre Bloc de la Réforme nationale
L’ex-cadre d’Ettakatol et ancien ministre de la Troïka insiste à aller jusqu’au bout. Plus encore, il prétend qu’il est soutenu par dix partis et que le futur gouvernement sera composé de partis d’idéologie et de familles politiques différentes et a des chances de passer avec le soutien de 160 députés !
Ceci a amené les analystes et les journalistes à faires les comptes des dizaines de fois sans jamais parvenir à ce total miraculeux de 160 !!!
Autres points négatifs au passif de M. Fakhfakh qui, conscient de sa « faible personnalité », essaie de compenser ce handicap par un alignement sur Kaïs Saïed avec l’espoir de gagner en légitimité tout en se déclarant appartenir à la ligne révolutionnaire alors qu’il n’a jamais été un militant de premier rang de la trempe de Mustapha Ben Jaâfar, Ahmed Néjib Chebbi, Hamma Hammami, Chokri Belaïd et bien d’autres.
Voulant placer, ainsi, la barre très haut, M. Fakhfakh risque de vivre un véritable « suicide politique ». Il en serait de même s’il s’amusait à faire machine arrière. C’est dire que le chef du gouvernement désigné a confondu confiance en soi avec prétention voire arrogance qui, d’ailleurs, ne lui vont pas du tout.
Ce qui prouve aussi qu’il n’a pas le flair politique nécessaire pour manœuvrer au milieu des politiciens chevronnés, croyant à tort qu’en obéissant à Kaïs Saïed, il allait faire plier tout le monde. D’ailleurs, on l’a vu trembler et hocher de la tête et courber l’échine devant le président de la République qui lui remettait la lettre de mission. Des scènes clairement visibles grâce à la caméra de Houssem Hamad.
D’autres points négatifs sont ces départs avec Jawhar Ben Mbarek qui, curieusement, baisse le ton après avoir « brisé les tympans » lors de ses passages à la limite de l’hystérique sur les plateaux radiotélévisés, Lobna Jeribi, membre d’Ettakatol aussi, qui fait partie du cabinet de M. Fakhfakh tout avec la promesse, selon les milieux proches de Dar Dhiafa, d’avoir un portefeuille au prochain gouvernement. Et tout ceci reflète une mauvaise image de quelqu’un qui fait appel aux siens avant qu’il ne démarre réellement.
En tout état de cause, ces multiples « dérives » font souler des points d’interrogation sur les réelles compétences de M. Fakhfakh en tant que chef de gouvernement, alors qu’il s’est comporté, jusque-là selon l’avis général, comme un Premier ministre empêtré dans les sillages de son « chef » Kaïs Saïed. Sans oublier son aveu trop naïf en affirmant « qu’il ne savait pas pourquoi il a été choisi par le patron du Palais de Carthage » !!!
N’oublions pas enfin que M. Fakhfakh ne bénéficie plus de l’atout de la menace de dissolution de l’ARP dans la mesure où le parti d’Ennahdha lui a fait signifier qu’il ne craint pas du tout d’éventuelles législatives anticipées voir qu’il pourrait l’auteur de la provocation da cette démarches surtout après le dépôt d’un projet d’amendement de la loi électorale faisant relever le « seuil » à 5%.
Noureddine HLAOUI