TUNIS – UNIVERSNEWS – Un regard d’ensemble sur les points d’accord entre la Tunisie et le FMI montre que l’Institution de Bretton Woods a profité de la faiblesse et du désarroi du gouvernement Najla Bouden pour faire passer toutes ses conditionnalités.
Enumérées par Gerry Rice, le porte-parole du Fonds, ces dernières sont au nombre de cinq : réduction du déficit budgétaire à travers une fiscalité équitable, maîtrise de la masse salariale, meilleur ciblage des subventions, réforme profonde des entreprises publiques, ouverture des secteurs à une plus grande concurrence et amélioration du climat des affaires.
Sur les cinq exigences, trois au moins ont été engagées avant même l’octroi du crédit de 1, 9 milliard de dollars. Il s’agit de la réduction des subventions avec l’augmentation du prix d’un produit transversal comme l’énergie, la réduction de la consommation et de l’investissement avec l’augmentation, cette année, de 100 points le taux directeur de la banque centrale et de la réduction du sureffectif dans le secteur public avec la suspension des recrutements, le non remplacement des retraités et des agents décédés, et ce, depuis 2017.
Le FMI reconnaît que la Tunisie a déjà entamé les réformes
D’ailleurs le communiqué final qui a sanctionné l’aboutissement douloureux à cet accord au niveau des experts, le FMI reconnaît ces avancées. On y lit : « Les autorités tunisiennes ont déjà pris des mesures pour contenir la masse salariale de la fonction publique et ont commencé à éliminer progressivement les subventions aux prix inutiles et généralisées grâce à des ajustements réguliers des prix qui lient les prix intérieurs aux prix internationaux, tout en offrant une protection ciblée adéquate aux segments vulnérables (y compris par le biais de transferts sociaux) ». Dont acte.
Ainsi, on peut dire qu’en acceptant d’accorder à la Tunisie ce prêt, en cette période d’extrême exceptionnalité (absence de parlement…), le FMI a fait d’une seule pierre deux coups. Il s’est assuré la garantie du remboursement du prêt par le chef de l’Etat en personne. Le Président Kaïs Saïed, élu légalement et fort de la nouvelle Constitution adoptée par référendum, jouit, selon nos informations, de la confiance de l’institution de Bretton Woods.
Avec l’octroi de ce prêt, le FMI, en sa qualité de temple du néolibéralisme et du libre-échange, a garanti les intérêts, voire le paiement et le remboursement, de toutes les parties engagées en Tunisie au titre de la globalisation: bailleurs de fonds, pays partenaires de la Tunisie, fournisseurs et équipementiers étrangers, sociétés offshore. Et pour cause.
Le volet devises de ce prêt servira justement à payer surtout le service de la dette tunisienne, le transfert en devises des dividendes des 3000 entreprises offshore installées en Tunisie et le financement des importations.
Pour le reste des réformes, à savoir la réforme fiscale et l’amélioration de l’environnement des affaires et le renforcement de la concurrence, le FMI a renvoyé leur exécution au gouvernement tunisien estimant, du moins à notre avis, que c’est une affaire à la portée de ce dernier, voire une affaire tuniso-tunisienne.
L’essentiel, c’est de tirer les enseignements
Quant au gouvernement tunisien qui a fait le dos rond et accepté les exigences du FMI, il faut reconnaître quelque part, que compte-tenu de la délicatesse de la crise récessionniste-inflationniste dans laquelle se débat le pays, il n’avait pas beaucoup de choix. Il a été contraint de recourir au FMI par nécessité. Il a été, quelque part courageux et responsable. Il a osé engager les réformes que ces prédécesseurs n’ont pas pu faire. Conséquence: il a quelque part beaucoup de mérite d’avoir arrêté le report des réformes. Néanmoins, le recours pour la 5ème fois, depuis l’accès du pays à l’indépendance aux services du FMI, est une illustration manifeste de l’incompétence du leadership tunisien, lequel, en dépit de longues périodes de stabilité, n’a pas su immuniser le pays. C’est une insulte à l’intelligence du peuple tunisien.
L’essentiel, ce n’est pas de pleurnicher. L’équipe gouvernementale actuelle et celle qui lui succédera doivent tirer la leçon de ses dérapages réguliers avec le FMI et mettre les secteurs du pays sur la voie de la durabilité et de la résilience.
Pour cette raison, nous ne pouvons que saluer un passage du communiqué Tunisie-FMI dans lequel on fait mention de l’engagement des deux parties « à promouvoir (en Tunisie) une croissance plus élevée, plus verte et plus inclusive ».
Brahim