Experts, organisations et altermondialistes de chez nous jugent cet accord dangereux compte tenu du fait qu’il s’agirait là d’une pure et simple soumission avec de graves répercussions sur les ( frêles) équilibres socio-économiques. Davantage qu’un débat national s’achevant par quelques déclarations d’intention solennelles et sans effet, comme le réclamait récemment la société civile tunisienne et euro-méditerranéenne, de gauche et altermondialiste, la conclusion d’un accord de libre échange complet et approfondi (ALECA) entre la Tunisie et l’Union européenne, prévue pour l’année prochaine 2019, commande plutôt l’organisation d’un référendum tel que stipulé par la nouvelle constitution tunisienne pour trancher la question.
Les nombreux défenseurs de ce point de vue à qui il nous a été donné de parler, estiment que cet accord constitue une sorte d’adhésion de la Tunisie à l’Union européenne, rappelant que les gouvernements de certains Etats européens, aujourd’hui membres de l’Union européenne, comme la France, avaient eu recours à de pareils référendums concernant l’adhésion de leurs pays à l’UE, face à la division de leurs opinions publiques à ce sujet. On se souvient qu’en France, le oui l’avait remporté de justesse sur le non, tandis que le gouvernement anglais vient dernièrement, il y a moins d’un an, d’organiser un référendum concernant la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne.
L’article 82 de la constitution tunisienne de 2014 stipule que le président de la république peut exceptionnellement soumettre au référendum les projets de lois portant sur l’approbation des traités internationaux, les droits de l’homme, les libertés ou sur le statut personnel…
Un référendum sur l’ALECA est justifié, selon nos interlocuteurs, par l’importance vitale de la question, mais d’après eux, il a le mérité, en même temps, de dégager la responsabilité du gouvernement. Quel que soit le résultat, ce sera un choix démocratique du peuple tunisien et une issue honorable.
Sur ce plan, comme l’admettent franchement les responsables, le gouvernement tunisien se trouve sous pression principalement vis-à-vis des partenaires européens. L’accord de libre échange complet et approfondi n’a pas été sollicité par la Tunisie, mais il avait été proposé par l’Union européenne comme « une faveur », « un cadeau » et « un privilège » dont l’UE a cherché à gratifier plus spécialement la Tunisie, parmi tous ses partenaires du pourtour méditerranéen.
La société civile tunisienne et euro méditerranéenne, de gauche et altermondialiste, affirme qu’il s’agit d’un cadeau empoisonné qui va porter atteinte à la souveraineté de l’Etat tunisien, et nuire aux acquis sociaux en Tunisie, entre autres implications, alors que les documents publiés à ce propos par les structures compétentes d l’Union européenne mettent l’accent sur les perspectives prometteuses que cet accord va ouvrir au développement économique et social de la Tunisie dont la souveraineté sera, au contraire, renforcée, avec la préservation de sa liberté de choisir son propre modèle de développement sur la base des spécificités nationales.
Bien que conscient des implications de l’accord sur la Tunisie, du moins à court terme, à en juger par les déclarations des responsables tunisiens, le gouvernement tunisien ne peut pas rejeter cette faveur européenne. L’assistance financière européenne pour la Tunisie atteindra 10 milliards dinars en 2020, pour la période allant de 2011 à 2020.
D’ailleurs, les altermondialistes tunisiens et européens qui se sont mobilisés pour combattre cet Accord de libre échange, selon sa mouture européenne officielle, réclament son réajustement de manière à ce qu’il soit « un accord juste et équilibré » mutuellement avantageux.
Il faudra penser à éviter des scénarios de même type qui avaient eu et ont des incidences fâcheuses sur la Tunisie. D’après les révélations récentes de quelques experts tunisiens, les gouvernements tunisiens de diverses périodes savaient que les réformes et les mesures d’ajustement dictées par le Fonds monétaire international et autres bailleurs de fonds internationaux allaient aggraver la pauvreté et la précarité dans le pays. Pourtant, ces gouvernements les avaient appliquées, malgré tout, croyant n’avoir pas d’autre choix, parce qu’ils n’avaient pas l’habitude de consulter le peuple.
Salah Ben Hamadi